L'Énigme de Kaspar Hauser (1974)

Je triture le problème depuis plus d'un mois maintenant. Comment parler de L'Énigme de Kaspar Hauser sans rentrer en contradiction avec son aversion envers un langage trop rationnel ? Même mon orgueil ne me permettra pas d'échapper à une logique aussi élémentaire. Et me voilà déjà à manier des notions de causalité quand je voudrais de tout cœur les fuir. Le mieux à faire est de reconnaître d'emblée mon échec : je n'…

Aguirre, la colère de Dieu (1972)

Je n'ai pas peur de la mort, car je ne mourrai jamais. Ma finitude est un échec, une aberration, et je ne l'accepterai pas. Je serai tout. Je ne peux pas mourir. Mon corps part en lambeaux. Les sangles retiennent des membres qui ne m'appartiennent pas. Les clous des coutures sont mes articulations. Mes jambes vacillent sous ma puissance terrible. Mon dos hurle, mais je l'ignore. J'ai tué mon sommeil et mes muscle…

D.A.F.T. (2000)

Il y a une abstraction qui ne manque jamais de m'émouvoir quand j'écoute Random Access Memories, et en particulier Touch et Giorgio by Moroder : c'est la façon dont les Daft Punk rendent hommage à leurs précurseurs sans aucun voile, décortiquent leurs propres origines, réincarnent leurs inspirations, tout en s'en servant pour rebondir et emmener leur création plus loin. Les deux morceaux se terminent chacun avec une…

Fata Morgana (1971)

I keep going to a lot of places, and ending up somewhere I've already been. Pourquoi le cinéma tient-il si fort à reproduire ce que nous connaissons déjà ? Honnis soient les metteurs en scène qui se détournèrent de la transgression de leurs origines foraines, ignorèrent les expérimentations des sulfureux surréalistes, et s'attachèrent à représenter cette fichue réalité. J'entends l'excuse que leurs tombes murmure…

Resident Evil : Chapitre final (2016)

J'ai déjà écrit des textes mesurés en défense de films bassement notés, et même contre les notes tout court, alors je vais me permettre ce soir de commencer par dire que j'emmerde sans concession tous ceux qui sont incapables de me prendre au sérieux quand je parle en bien de films à mauvaise réputation. Je le fais pas pour amuser la galerie, et encore moins par esprit de contradiction. C'est juste que je reste capa…

Salt and Fire (2016)

En général, je suis agacé par le procédé qui consiste à retenir immodérément un élément central d'intrigue lorsque qu'on sait pertinemment qu'il va être révélé. Herzog s'essaie à cette pratique dans Salt and Fire, mais son traitement est tellement conscient de lui-même, ironique et divertissant, que l'heure et demie s'est écoulée sans m'avoir laissé une seule occasion de ronchonner. Que l'on pense au professeur pygm…

Le juste prix (1987)

tl;dr La note contraint le débat autant que le langage contraint la pensée. Alors je me débrouille avec un profil SC sans notes (en limitant les efforts). Ah, et à la fin du texte je me rapproche du sens de la vie. Prélude En terminale puis en prépa, je ne complétais que rarement mes dissertations de philosophie. La matière me passionnait, pourtant écrire relevait de la bataille. J'avais l'habitude …

Les nains aussi ont commencé petits (1970)

Brillant, cynique, intelligent. Ces trois qualificatifs cautionnés par Télérama, placardés sur l'affiche promotionnelle de L'homme irrationnel de Woody Allen, n'ont pas manqué d'interrompre ma traversée pourtant comateuse d'un couloir de métro anonyme, mais sans doute pas pour les raisons anticipées par le distributeur. Brillant, intelligent, pourquoi pas : rien ne me garantit que les compliments soient mérités, …

Sur le globe d'argent (1988)

tl;dr tg Sur le Globe d'Argent est un des plus grands gâchis de l'histoire du cinéma. Pas parce que le film est émaillé de trous du fait d'une production prématurément interrompue (en remplacement, une voix-off narre les événements qui étaient prévus, sur un fond visuel plutôt neutre), mais parce que Zulawski jouissait d'une vision, d'un perfectionnisme et d'une équipe qui pouvaient l'amener n'importe où, et qu'i…

Un rêve solaire (2016)

Assoupi dans un train, bercé par la lumière du soleil à travers les arbres qui défilent, le cinéaste rêve. Il rêve de vieilles connaissances, ombres mouvantes et indistinctes, reflets perdus d'un passé enfoui sous le sable miroitant d'une plage sans fin. Il rêve de son petit-fils, peut-être, silhouette dansante, rédemption de joie et de vitalité accompagnée de percussions candides. Il rêve de son propre travail, des…

Starseed Pilgrim (2013)

Je m'accorderais sans doute plus de temps à découvrir des jeux vidéo si je n'avais pas la sensation que les productions actuelles offrent des expériences trop semblables les unes aux autres. Prenez la ribambelle de FPS qui se reproduisent incestueusement depuis... Halo ? Half-Life ? Doom ? Si j'ai tendance à regarder de haut ce filon AAA, ce n'est pas tant parce que je trouve les mécaniques du genre intrinsèquement …

L'antre de la folie (1994)

Je trépigne régulièrement à l'idée d'une adaptation digne de Lovecraft, et j'aimerais citer avec la ferveur de mise son influence prééminente sur In the Mouth of Madness. Hélas, de ma part, ce serait mentir. Il ne suffit pas d'évoquer une horreur indicible dans un nombre réduit de scènes, encore faut-il se tenir à cette attitude silencieuse et suggérée... Quand John regarde dans l'abîme des Anciens avec la caméra qu…

Koyaanisqatsi (1982)

Il me semble que réduire Koyaanisqatsi à une fable écolo, que ce soit pour le descendre ou au contraire en faire l'éloge, constitue un raccourci assez décevant. Pas nécessairement erroné, dans la mesure où le réalisateur défend lui-même les diverses interprétations qu'a pu faire naître sa création, mais tout de même regrettablement simpliste et inoffensif par rapport à ce qui est proposé. À mes yeux, ce documenta…

Black Swan (2010)

Faire ou ne pas faire prépa : telle n'a jamais été la question. Collectionnant avec insouciance les meilleures notes de la classe primaire au baccalauréat, et animé par une douce et illusoire fascination pour le déterminisme des mathématiques, mes professeurs n'ont sans doute jamais douté de ma transition en milieu préparationnaire. Mes parents, pas plus familiers des CPGE que du moindre parcours universitaire, ont …

Faites le mur (2010)

Je laisse à ceux que ça intéresse le soin de catégoriser ce film en documentaire, documenteur, docufiction, biopic, prankumentary (qu'est-ce qu'il faut pas entendre). L'essentiel, c'est de constater que Banksy a complètement conscience de qui il est, et que la façon dont il le raconte rejoint parfaitement la culture dont il rend compte. Banksy, à la base je suis pas particulièrement fan, je vois ça comme du détou…

Le Cheval de Turin (2011)

Depuis près de deux ans, je me découvre particulièrement réfractaire aux cinémas qui manifestent un pessimisme absolu et irrationnel, au point presque de posséder un repère pour l'attribution de mes notes minimales : The Tribe, Au hasard Balthazar, Dancer in the Dark, Biutiful, Festen, Hunger, vous voyez le tableau. Il s'avère que le programme de fond du Cheval de Turin n'est guère éloigné, mais Béla Tarr ne chercha…

Signes de vie (1968)

Aux côtés de Volker Schlöndorff, Wim Wenders ou encore Rainer Werner Fassbinder, il est courant de voir Werner Herzog cité parmi les principaux représentants du Nouveau cinéma allemand. Très certainement, Herzog appartient à une génération d'auteurs profondément marquée par la reconstruction de l'Allemagne, et la diffusion de ses court-métrages de jeunesse coïncide avec la reconnaissance critique de ce cinéma émerge…

La Défense sans pareil de la forteresse Deutschkreutz (1967)

En 1962, Herzog finissait de monter son premier court-métrage, Herakles. L'expérience affermit sa volonté de consacrer sa vie au cinéma, mais ne l'encourage nullement à s'enfermer chez lui pour plancher sur son prochain script. Au contraire, du haut de ses vingt ans, conscient des limites de ses connaissances du monde encore plus que du savoir-faire cinématographique qui lui reste à acquérir, il laisse libre cours à…

Les huit salopards (2015)

Alors parce qu'il y a des têtes qui explosent et des couilles en bouillie je devrais me marrer, c'est ça ? Contrairement à Django Unchained, dont les deux passages les plus marquants (le pugilat mandingo et l'esclave dévoré par les chiens) voyaient enfin Tarantino s'essayer au suggéré, et avec réussite, pour imprimer dans l'esprit du spectateur la malfaisance absolue de l'esclavagisme, The Hateful Eight se vautre da…

Herakles (1962)

La légende veut que Werner Herzog, quelque part vers la fin de son adolescence, ait fait acquisition de sa première caméra 35mm en piochant dans les réserves de l'École du film de Munich. Sans autorisation de prêt. Et sans jamais y avoir étudié le cinéma, en fait. « À mes yeux, ce n'était pas du vol. C'était une nécessité. J'avais un genre de droit naturel à posséder une caméra, un outil pour travailler. » Il racont…

007 Spectre (2015)

Je vais sauter quelques paragraphes déjà écrits ailleurs et passer directement à la scène de torture. Pourquoi la menace de ces perceuses de poche lobotomisantes se dégonfle-t-elle totalement une fois mise à exécution ? Ce qui aurait pu être un traumatisme pour Bond et les spectateurs prend des allures de pétard noyé dès que 007 saute de sa chaise et emballe Léa Seydoux. La minute clinquante qui suit confirme l'inco…

Sur écoute (2002)

Il s'agit donc de mettre moins de 9 à The Wire en essayant de ne pas passer pour un blaireau, sachant que la série est à l'origine d'un consensus critique qu'aucun film n'a su susciter en plus d'un siècle de cinéma. Partir dans une telle direction, c'est s'exposer d'emblée aux soupçons de bêtise (au mieux) et de malhonnêteté (au pire). J'espère que les paragraphes qui suivent dissiperont ces vapeurs délétères. Th…

Deep Web (2015)

Bien que les internautes se souciant de leurs droits demeurent encore minoritaires, l'inquiétude qui entoure les questions numériques n'est plus l'apanage de types barbus qui codent en assembleur dans leurs garages. La décennie 2010, progressivement envahie par la culture geek et les hashtags, marque aussi l'émergence de scandales numériques aux retentissements significatifs. Plusieurs documentaristes ont pris le re…

FTL: Faster Than Light (2012)

C'est la dernière incarnation du vaisseau-mère de la flotte rebelle, le fameux boss final. Quatre heures de jeu pour en arriver là, vous avez pris votre temps mais c'est une solide partie. Votre stratégie, au point aux deux tiers de l'aventure et après quelques achats passablement coûteux, a largement fait ses preuves : enclencher le Cloaking qui vous rend invisible en début de combat, charger les missiles Pegasus e…

Mad Max: Fury Road (2015)

Pourquoi une narration étoffée serait-elle plus indispensable à un film que la maîtrise du travelling aérien, ou encore l'utilisation de musique classique ? Je m'interroge. L'explosion des structures narratives est un exercice de haute voltige. Le procédé ne flatte pas particulièrement le box-office, mais il est la marque de plus d'un film culte, depuis 2001 jusqu'à Mulholland Drive en 2001 (coïncidence ou con…

Les portes du soleil (2014)

Nul besoin d'exagérer pour laisser deviner l'échec fulgurant de l'auto-proclamé premier film d'action algérien, Les Portes du soleil. Les faits suffisent amplement. Reste à déterminer lequel, de l'échec ou de la fulgurance, prévaut. Prenez Jean-Marc Minéo, réalisateur en herbe, présenté sur le site officiel du film comme « champion du monde de kung-fu de 1987 à 1991 », et « chorégraphe du spectacle de Johnny Hall…

Another World (1991)

Another World est un responsable parmi bien d'autres de l'image peu respectable que continue de se traîner le jeu vidéo en-dehors de l'écosystème gamer. La faute à sa philosophie punitive et injustifiée, qui sanctionne chaque erreur avec l'obligation de reparcourir une suite de tableaux parfois complètement vides, réessayer l'action problématique, se planter parce que les hitboxes sont incompréhensibles et que le co…

Ping Pong (2014)

Qui se souvient du moi haïssable de Pascal et de ses pénibles, pompeuses, prétentieuses velléités d'abolition des egos ? Loin de la plupart des séries qui, parce qu'elles paressent ou qu'elles ne pigent rien au medium, continuent à prendre leurs personnages pour des objets au service d'une intrigue, Ping Pong plonge dans les psychés de tous ceux qui sont mis en scène, construisant dans une fureur soigneuse une céléb…

Interstellar (2014)

A l'heure où David Fincher fait le pari inattendu et réussi d'un Gone Girl plutôt retenu, dévoilant une subtilité et une richesse d'interprétation régulièrement absentes de ses précédents films tapageurs, Christopher Nolan, autre réalisateur populaire s'il en est, emprunte le chemin complètement opposé et signe avec Interstellar son film le plus pataud, glorifiant sans aucun recul de nombreux codes balourds du block…

Dancer in the Dark (2000)

Dancer in the Dark est un film abject qui met en scène la déchéance misérabiliste d'une immigrée immaculée, et ordonne à son public de pleurer. Mais quand ce gros Lars de von Trier éventre mes tympans pour y enfoncer les cris de Björk, et qu'il postillonne les larmes de sa victime partout sur mon visage, non seulement mes yeux restent secs, mais en plus ça me donne la haine, j'ai juste envie que le type devienne pou…

À la recherche de Vivian Maier (2013)

Comment Vivian Maier a-t-elle pu réaliser des dizaines de milliers de photographies d'une sensibilité artistique exceptionnelle, sans que personne n'ait jamais eu vent de son travail ? C'est la question que se pose John Maloof depuis sa découverte des premières malles de pellicules, et qui est à l'origine de la réalisation de ce documentaire. En 2007, lorsqu'il a fait l'acquisition de premières photographies, Joh…

Be Happy (2008)

Happy-Go-Lucky n'a pas grand-chose d'un feel-good movie. Malgré son affiche et son titre français d'une gaieté vaguement écœurante, malgré une héroïne qui déborde indéniablement d'optimisme, ce film se désintéresse globalement d'apporter un sourire aux lèvres des spectateurs. Mike Leigh cherche à brosser un nouveau tableau des anglais "précaires" qu'il observe depuis le début de sa carrière, et manœuvre de façon bie…

The Thing (1982)

Cette critique examine les aspects technologiques et anthropologiques du coup de maître de John Carpenter. Elle a été écrite à l'occasion d'un cours qui n'avait rien à voir avec mes études, et ne manquera pas de faire fuire les anglophobes. Elle est bourrée de spoilers et, comme évoqué pas plus loin que trois lignes au-dessus, elle n'a pas la prétention de faire le tour de cet excellent film. Pour vous donner le con…