L'envie
J'ai découvert les puzzles Michèle Wilson il y a quelques années. Contrairement à la majorité des puzzles modernes qui sont découpés à la chaîne, en pressant une grille en métal contre une plaque cartonnée, les pièces des puzzles MW sont découpées à la main, depuis des plaques de bois, et selon des motifs très irréguliers. Je trouve que l'expérience tactile de la manipulation des pièces en est plus riche et agréable, et la découpe irrégulière rend la résolution du puzzle à la fois plus difficile et plus amusante. En adaptant leur découpe au motif du puzzle, les artisans MW peuvent suivre précisément les contours de certains éléments, briser des continuités de forme ou de couleur qui semblaient évidentes, brouiller les pistes de façon délicate et espiègle. À l'image de bons jeux vidéo de réflexion (comme ceux auxquels je consacre mon activité professionnelle ces jours-ci), la résolution du puzzle s'apparente à un dialogue indirect entre créateur et joueuse, joueur et créatrice, dont j'apprécie les développements, les surprises, la résonance.
J'ai eu envie d'offrir un tel puzzle, avec une illustration de mon choix et une découpe de mon cru, à une amie. Cependant je n'avais aucune expérience dans la manipulation des scies à chantourner utilisées pour les puzzles MW (cf. photo de droite ci-dessus), et je ne voyais pas dans quelles conditions j'aurais pu m'y former et y avoir un accès facile. Je me suis donc tournée vers une autre technologie : la découpe laser. Celle-ci consiste à piloter le déplacement d'un laser sur une surface à découper ; l'énergie très concentrée du laser vaporise la matière le long du tracé de découpe fourni à la machine. Je savais que je pouvais avoir accès à une découpeuse laser à Hyperlien, un atelier de fabrication collaboratif (et, plus largement, une plate-forme de partage d'outils et de connaissances numériques) situé dans Nantes. Après avoir adhéré à l'association et suivi une formation d'une demi-journée sur la découpeuse laser qui y est mise à disposition, j'ai pu prototyper mon projet pas à pas, et itérer jusqu'à obtenir un résultat satisfaisant.
L'illustration que j'ai choisie est une estampe réalisée par un peintre et graveur japonais, Hiroshi Yoshida, qui représente Hodakayama (aujourd'hui plus connu sous le nom de Mont Hotaka). L'estampe avait été léguée à la Smithsonian Institution, qui l'a numérisée et mise à disposition pour tout usage non commercial. J'avais vu mon amie repartager cette image sur un réseau social ; les contrastes de couleur et de texture, propices au jeu, m'avaient interpelée, et la sérénité qui se dégageait de l'ensemble correspondait au sentiment premier que je souhaitais partager.
Le résultat
- Le puzzle final contient 320 pièces.
- Sa taille est de 27,5 x 20,4 cm.
- Il se résoud en 3 heures environ.
Je suis très contente de la façon dont les pièces jouent avec les formes de l'illustration. Même en connaissant le motif de départ, la découpe a continué à me surprendre alors que je résolvais le puzzle pour la deuxième fois. Je considère mes objectifs tout à fait atteints de ce point de vue !
La méthode
Ce qui suit tient lieu de documentation. J'y détaille les composants du puzzle et leur assemblage.
- Le tracé est la partie la plus créative et ludique du processus. Je me suis familiarisée avec le logiciel de dessin vectoriel Inkscape pour créer les lignes de découpe que le laser allait parcourir. J'ai exécuté cette étape en deux demi-journées, il y a plusieurs mois ; je n'ai pas pris de notes à ce moment-là, donc mes explications peuvent contenir des imprécisions.
- Il faut, en substance, commencer par importer l'image matricielle de l'illustration et la redimensionner à la taille de puzzle souhaitée. Cette image va servir d'arrière-plan par-dessus lequel les lignes de découpe vont être dessinées. On peut aussi modifier dès maintenant le point d'origine, qui doit figurer en bas à gauche afin que le tracé soit correctement interprété par le module développé à Hyperlien pour leur découpeuse laser.
- Pour dessiner des pièces de surface relativement régulière, il est utile d'ajouter par-dessus l'illustration une grille dont chaque cellule correspond à la surface moyenne d'une pièce. Diviser la surface totale du puzzle par le nombre approximatif de pièces souhaité, et extraire la racine carrée du résultat pour obtenir les dimensions de la cellule élémentaire. Inkscape dispose d'outils Align and Distribute (voire Tiled Clones ?) pour ensuite répartir des lignes et des colonnes uniformément sur la surface de travail.
- Le contour extérieur est un simple rectangle. Il faut qu'il soit enregistré comme tout dernier calque des groupes de découpe, afin que la découpeuse laser le traite à la toute fin, après que les lignes « intérieures » ont été découpées.
- Les lignes sont dessinées de façon libre avec l'outil Pencil, en mode Create regular Bezier path. Le smoothing doit être ajusté en fonction de la taille des pièces et de la régularité souhaitée. Chaque ligne doit être dans son propre calque, pour qu'elle corresponde à un déplacement continu du laser en marche. Il est préférable de dessiner des lignes successives proches les unes des autres, de sorte que le laser ait à parcourir moins de distance entre le traitement de chaque calque. Les lignes peuvent légèrement s'interpénétrer, pour s'assurer que les pièces se détacheront bien les unes des autres.
- Le tracé joue avec les formes de l'arrière-plan, mais doit aussi respecter quelques principes pour l'ergonomie et la pérennité du puzzle : introduire des encoches régulièrement pour que les pièces tiennent assez bien en place, et éviter les jonctions de lignes à angle aigu pour ne pas avoir de pièce à bout fin.
- Quelques ajustements globaux peuvent être réalisés à ce stade, par exemple simplifier le nombre de nodes de chaque ligne, ou s'assurer que chaque node est de type smooth.
- Il faut enfin inverser horizontalement l'ensemble des chemins tracés, car (pour des raisons discutées plus loin), le laser sera lancé avec le motif au dos du support, et donc l'image sera retournée par rapport à celle utilisée comme arrière-plan sur Inkscape.
- Ci-dessous, l'image vectorielle finale (sans grille ni arrière-plan) utilisée pour le puzzle.
- Le support est un panneau de contreplaqué de peuplier de 5mm d'épaisseur, pris à Leroy-Merlin. Pour améliorer la qualité de la découpe, il vaut mieux choisir un panneau sans nœud et le plus plan possible. J'ai consommé deux plaques de 80x60cm pour l'ensemble du prototypage.
- Le motif est un tirage commandé à l'atelier Inkolor sur papier mat standard, avec pour fichier source une version légèrement modifiée de l'image publiée par la Smithsonian Institution. La préparation du motif passe par plusieurs étapes. Compter deux heures environ pour l'ensemble.
- Il faut d'abord sceller le papier en y pulvérisant du vernis en spray. Le vernis générique vendu chez Rougier & Plé convient. Appliquer 3 ou 4 couches légères à environ 20cm de distance, en extérieur et avec des gants, en agitant doucement le tirage entre les couches pour qu'il sèche plus vite. Cette étape permet de limiter, et presque éliminer, les déchirures de papier au moment du retrait du masque (voir plus bas). Le rendu est meilleur sur papier mat plutôt que satiné ou brillant, où le vernis a plus tendance à perler.
- Il faut ensuite coller le tirage sur le support. Appliquer efficacement une couche uniforme de colle liquide au dos du tirage avec un rouleau en mousse. La colle Cléopâtre utilisée pour toute sorte d'activités créatives convient très bien. (J'ai eu des résultats moins satisfaisants avec une colle en spray, certains fragments du motif se décollant des pièces après le découpage.) Le papier va se courber à cause de la colle ; une fois le tirage positionné sur la plaque, presser avec un torchon pour assurer le contact entre le papier et le support, et utiliser un plioir pour parfaire la prise de la colle au niveau des bords récalcitrants.
- Puis il faut repérer le motif sur l'envers du support, car la découpe va se faire avec le tirage au dos de la face tournée vers le laser, pour limiter les brûlures. Commencer par relever les dimensions exactes du tirage, qui peuvent légèrement différer de celles transmises à l'atelier d'impression à cause de la colle notamment. Celles-ci seront utilisées pour ajuster le tracé vectoriel de découpe. Ensuite, par un jeu d'équerre et en prolongeant les bords du tirage sur l'épaisseur du contreplaqué, reporter le contour du motif au dos du support.
- Il faut enfin masquer le motif avec un adhésif de protection. Le masque va réduire les brûlures du papier en évitant à celui-ci d'être directement au contact de l'air lorsque le laser le découpera. J'ai utilisé à cet effet le ruban de masquage Scotch pour surfaces délicates. Compte tenu de la largeur réduite du ruban, il faut en appliquer plusieurs lignes sur le tirage, positionnées l'une après l'autre. Par ailleurs, avant de placer les lignes sur le tirage, je les appliquais d'abord 3 à 4 fois sur un torchon rêche, de sorte à réduire le pouvoir adhésif et limiter les déchirures de papier à l'étape du retrait.
- Ci-dessous à gauche, un fragment qui présente des brûlures brunes au niveau de plusieurs traits de découpe. (On voit par ailleurs que le laser n'a pas totalement traversé l'épaisseur à certains endroits, à cause d'un mauvais paramétrage de la machine. Les pièces n'étant pas détachables les unes des autres, le prototype n'est pas fonctionnel.) À droite, un fragment différent issu d'une autre découpe, avec la bande de masquage violette encore présente, sauf sur une pièce où elle a été retirée. Les contours de la pièce sont nets et sans brûlure.
- Une fois que le support et le motif sont prêts, on peut corriger le tracé en fonction des dimensions réelles. Comme évoqué précédemment, il peut y avoir un léger écart entre les dimensions commandées à l'imprimeur et celles observées après collage. Pour le puzzle final, le tirage avait pour dimensions initiales 28 x 20,7 cm ; une fois collé, les dimensions étaient de 27,95 x 20,65 cm. (La taille finale du puzzle mentionnée plus haut, 27,5 x 20,4 cm, est moindre à cause de la matière supprimée par le laser entre les pièces.) En redimensionnant l'ensemble des chemins du tracé aux dimensions réelles avec Inkscape, on s'assure que le puzzle découpé ne va pas contenir des petits bouts de surface vide au niveau de certains bords, et on améliore la fidélité de la découpe aux jeux de formes et de lignes travaillés auparavant.
- La découpe, contrairement aux étapes précédentes, demande d'avoir accès à l'outil central : la découpeuse laser ! Il faut lui fournir des instructions, adaptées du tracé vectoriel précédent, qui vont servir à piloter le laser pour découper ensemble le support et le motif.
- Il est utile de lancer en premier lieu la découpe d'une grille de calibration, telle que fournie directement sur la machine par Hyperlien. Cette grille montre l'effet du laser sur la plaque avec des incréments réguliers de puissance et de vitesse de déplacement du laser.
- Pour la puissance, je conseille de s'en tenir à 100% car je n'ai pas eu de résultat intéressant à puissance inférieure. Au contraire, en faisant deux passages à 50%, le charbonnage (présence de poussières brûlées) était plus grand et la découpe moins nette. Peut-être toutefois qu'un seul passage, moins puissant mais plus lent, pourrait être plus propre.
- À puissance donnée, il faut déterminer à partir de quelle vitesse le laser traverse bien le contreplaqué utilisé. À noter que la découpe du papier photo demande aussi un peu d'énergie de la part de la machine, donc si la grille a été lancée sur une portion du support sans papier, il faut viser une vitesse inférieure à celle qui permet de traverser. Mais pas non plus descendre trop bas, sans quoi le laser, en s'attardant inutilement, agrandit l'écart entre les pièces (appelé kerf en anglais) et amplifie le charbonnage. Pour mon projet, il fallait globalement viser une vitesse entre 800 et 1000 mm/min.
- Il faut aussi relever l'épaisseur réelle du support et du motif collé, qui détermine la focale selon laquelle le laser doit opérer. Hyperlien dispose de pieds à coulisse à cet effet. Généralement cette épaisseur était stable à 5,2mm d'un essai au suivant.
- Ces paramètres vont permettre de convertir le tracé vectoriel en instructions machine à l'aide de l'extension Laser-engraver développée à Hyperlien pour Inkscape. L'extension peut être capricieuse parfois (souvent) et échouer sans raison apparente, auquel cas il peut être utile de créer un nouveau fichier, y coller tous les éléments du fichier précédent, et relancer le calcul. Vérifier ensuite que le fichier créé correspond effectivement au tracé d'origine, par exemple en le visualisant avec l'outil en ligne NC Viewer. Puis déposer le fichier dans l'interface web d'opération de la machine, accessible sur le réseau local de l'atelier.
- À ce stade, on peut placer dans la découpeuse le support avec motif. La plaque est posée sur la grille de travail dans la machine avec le motif tourné vers le bas (i.e. sur la face opposée au laser) afin de réduire le risque de brûlure du papier au moment de la découpe. Par ailleurs, comme le laser a un effet de suppression de la matière selon un profil conique inversé, le côté haut sera légèrement plus creusé que le côté bas, et donc en plaçant le motif en bas, on minimise le kerf apparent entre les pièces. Il s'agit d'un gain d'un ou deux dixièmes de millimètre, mais je trouve la différence appréciable. Une fois la plaque à l'intérieur, positionner les poids métalliques fournis pour aplanir le support, et placer un plateau sous la grille de travail afin de récupérer plus facilement les pièces qui se détacheront du support et tomberont pendant la découpe.
- Reste à repérer le support. Déplacer le laser à l'aide de la console de l'interface embarquée, pour caler la mire sur l'angle en bas à gauche du contour qui avait été reporté au dos du support. Déplacer encore le laser de 2mm à gauche, et exécuter la gravure d'un simple trait vertical sur toute la hauteur du puzzle, afin de vérifier que l'axe de déplacement du laser est tout à fait parallèle au bord du motif. Dans le cas contraire, tourner légèrement le support en fonction de l'écart observé, et relancer la gravure du trait 1mm plus à gauche pour confirmer l'alignement. Puis ramener le laser sur l'origine à droite.
- On peut enfin lancer la découpe ! Une étape satisfaisante, quoiqu'un peu angoissante après tous ces préparatifs, mais qui ne demande de toute façon qu'à attendre les bras croisés pendant que le laser fait son œuvre, en surveillant l'avancement de temps en temps. Avec mon tracé et la vitesse indiquée précédemment, la découpe prenait environ 15 minutes. Si tout s'est bien passé, quelques pièces seront tombées dans le plateau en dessous, et d'autres resteront emboîtées les unes aux autres, en équilibre sur la grille de travail. Débarrasser tout ça et confier la découpeuse à l'utilisateur·ice suivant·e !
- Le nettoyage final est une suite d'étapes longues, répétitives et peu gratifiantes. À faire de retour chez soi, avec de la musique et des pauses pour ne pas s'impatienter...
- Il faut brosser les pièces une par une, pour retirer le plus possible les particules brûlées dans l'épaisseur de la découpe. Sans ça, même en petite quantité, elles collent aux doigts puis finissent sur le motif et créent des taches disgracieuses.
- Il faut ensuite démasquer les pièces ; non pas révéler qu'elles sont à l'origine du crime, mais retirer la bande de masquage. Pièce. Par. Pièce. Je commençais par gratter à l'ongle pour en détacher un petit bout. Puis j'utilisais une petite pince pour tirer le reste. Le fait d'avoir scellé le papier avec du vernis réduit beaucoup le risque qu'il se déchire, mais il faut quand même faire preuve de délicatesse et de patience. Quand une déchirure arrive (et il en arrive forcément), il y a généralement moyen de rattraper le coup avec un point de colle et un supplément de délicatesse. C'est une étape franchement pénible.
- On peut maintenant résoudre le puzzle, pour être tout à fait sûre qu'aucune pièce ne manque. L'étape pourrait être facultative, mais comme mon puzzle était de taille modeste et qu'il s'agissait d'un cadeau pour une amie, je n'ai rien voulu laisser au hasard.
- Plus qu'à empaqueter l'ensemble des pièces. La présentation n'étant pas mon fort, et mon énergie créative commençant à atteindre un niveau plutôt bas, je me suis contentée de mettre les pièces dans une pochette plastique transparente que j'ai étiquetée avec le nombre de pièces et les dimensions du puzzle. Je n'ai pas joint de copie de l'illustration, d'abord parce que je n'avais plus de tirage de l'estampe à disposition, et aussi parce que j'ai pensé que résoudre le puzzle sans en connaître le motif serait peut-être un défi amusant ? Le choix est sans doute téméraire, mais au pire, l'image est disponible en ligne.
Les pistes d'amélioration
J'ai procédé à de nombreux essais avant d'obtenir un résultat satisfaisant. Le prototypage m'a occupée tout le long de l'année 2025 (sans que j'y travaille à temps plein non plus, loin de là), et en définitive je n'ai produit qu'un seul exemplaire qui me convienne bien. J'ai gardé trace des étapes intermédiaires et essais manqués dans différents paquets, dont la plupart (mais pas tous !) figurent sur la photo ci-dessous. On y voit bien la bande violette de masquage, que je ne me suis pas souciée de retirer de chaque pièce dès lors que l'exemplaire n'atteignait pas un niveau de qualité suffisant.
J'ai beaucoup d'idées pour améliorer ma méthode, certaines pour en réduire la durée, d'autres pour améliorer la qualité. Je ne pense pas les explorer sérieusement (en tout cas pas maintenant, parce que je veux faire autre chose de mon temps libre), mais je les liste ici dans l'éventualité où elles pourraient profiter à d'autres personnes, ou bien si je décidais un jour de revenir sur ce projet.
- Changer de papier. Malgré des essais sur plusieurs échantillons gracieusement fournis par l'imprimeur des tirages, je n'ai pas réussi à trouver un papier qui réduise efficacement le risque de déchirures au moment du retrait du masque. Plutôt mat ou brillant, texturé ou non, ça ne faisait pas vraiment de différence. En fait, j'en ai bien trouvé un qui convenait vis-à-vis des déchirures, mais il contenait a priori des particules plastiques qui le rendait impropre à la découpe laser (car sources de vapeurs chlorées lorsqu'elles brûlent).
- Changer de masque. La bande de masquage avec laquelle je travaillais, vendue comme particulièrement adaptée aux surfaces sensibles, était encore bien trop collante pour l'usage que j'en faisais. Je pense qu'il doit exister des produits plus appropriés, qui soient plus rapides et moins dangereux à décoller, qui laissent moins de particules de colle sur le tirage, et sans doute aussi qui réduisent mieux le risque de brûlures (cf. les photos ci-dessous, où des traces brunes à certains endroits du passage du laser sont apparues malgré le masquage). J'ai trouvé quelques références de paper-based transfer tape en ligne, mais seulement par rouleaux de 30 mètres importés depuis les USA... Pour un projet qui relève du hobbyisme, il va sans dire que c'est trop. (Mais il a quand même fallu que je me le répète plusieurs fois.)
- Changer de support. Il aurait sans douté été plus simple de découper du bois moins épais, mais je voulais retrouver une sensation de volume similaire à celle des puzzles Michèle Wilson. Peut-être cependant qu'utiliser un contreplaqué de 3mm d'épaisseur, plutôt que 5mm, pourrait être un compromis intéressant ? Et je n'ai pas du tout exploré la piste du plexiglas, mais je pense que le rendu pourrait être très intéressant, en plus d'établir une identité forte par rapport à MW puisque cette matière ne peut pas être aussi bien travaillée à la scie à chantourner.
- Inclure des marges. Puisque mes tirages n'incluaient aucune marge, toute imprécision de repérage des contours du puzzle avait pour résultat ou bien une perte de la surface du motif, ou bien l'inclusion de surface non recouverte par le motif. J'ai su être précise dans mes derniers repérages pour virtuellement réduire à zéro ces écarts, mais il serait sans doute plus simple d'inclure dans le motif des marges de 1mm qui permettent de relâcher cette exigence.
- Réaliser un tracé zero-kerf. L'écart entre les pièces avec ce procédé est de 0,2 ou 0,3mm, ce qui est assez important par rapport aux puzzles découpés à la grille. Les formes restent largement distinctes et caractéristiques, mais les quelques dixièmes de millimètre de jeu entre les pièces nuisent à la précision de l'emboîtement et font que les fragments en cours d'assemblage sont souvent peu solidaires. C'est moins satisfaisant à manier, et parfois même un peu agaçant. Théoriquement, il serait possible d'augmenter légèrement la surface des pièces dans Inkscape, pour compenser la perte de matière due au laser. Mais cela demanderait que le contour de chaque pièce corresponde à un seul chemin de découpe, alors que ma méthode de dessin aboutit à ce que le contour d'une pièce soit généralement la combinaison de 3 ou 4 chemins distincts. Il faudrait donc que je revoie ma méthode de dessin (ce dont je n'ai pas vraiment envie, vu qu'elle me fait plaisir) ou que je trouve comment automatiser l'extraction de chemins connexes de mon calque, ce qui me paraît algorithmiquement assez ambitieux. Il y a aussi la question d'arranger ces pièces sur une surface, ce qui est un autre problème algorithmique, et occasionnerait quoi qu'il arrive beaucoup de pertes... De toute façon, même si j'arrivais à faire marcher cette découpe pièce par pièce pour le support, je m'aperçois que je n'ai aucune solution pour gérer pareillement le tirage, donc en fait toute cette réflexion relève du fantastique.
- Changer de découpeuse. En cours d'année, le personnel d'Hyperlien a effectué une révision de la machine, ce qui a amélioré la netteté de la découpe laser. Je soupçonne que d'autres équipements pourraient s'en tirer encore mieux, ce qui permettrait de réduire (d'éliminer ?) le charbonnage du bois, et si possible s'épargner d'avoir à brosser chaque pièce après la découpe. L'installation d'une mire pour visualiser le point d'impact du laser (réalisée pendant ladite révision) a facilité mon étape de repérage, mais ça restait encore un peu hasardeux et ce serait certainement mieux avec des outils de mesure (de simples graduations ?) intégrés à la machine. Enfin, la table de travail en fines lignes sur laquelle repose la plaque n'est pas adaptée à retenir des pièces de puzzle ; mieux vaudrait une table en nid d'abeille. (J'ai bien essayé de procéder à la découpe avec une plaque « martyr » sous celle du puzzle, mais la chaleur entre les deux plaques a complètement roussi le dos de mes pièces ; comparer le résultat ci-dessous à gauche avec celui, sans martyr, à droite.) De façon générale, j'ai l'impression que la découpeuse que j'ai utilisée n'était pas le meilleur outil pour les travaux fins que j'avais en tête.
- Posséder une découpeuse. La raison principale pour laquelle ce prototypage m'a pris tant de temps, c'est que chaque essai de découpe nécessitait que je me rende à l'atelier Hyperlien, en centre-ville de Nantes, à plus d'une heure de transports de chez moi, avec mes affaires sur le dos. L'atelier est ouvert un jour par semaine, en horaires de bureau, et pas pendant l'été. Dans mes affaires j'avais besoin de mon vieux PC portable, un bestiau de 3 kilos qui ne serait certainement pas ma plate-forme de prédilection, et que je n'aurais pas à me soucier de maintenir, si je pouvais travailler directement depuis chez moi. Enfin, la machine est partagée par tous·tes les adhérent·es, et il n'est pas rare d'avoir à patienter dans une file d'attente de deux heures pour y avoir accès (à moins de se présenter tambour battant à l'ouverture), de sorte que je n'ai souvent pu faire qu'un ou deux essais à chaque fois que je me rendais sur place. Je suis évidemment reconnaissante envers l'association PiNG, dont le personnel fournit un excellent travail pour opérer au mieux Hyperlien, et sans qui je n'aurais sans doute jamais pratiqué sur cette machine ; par ailleurs ma situation est sans doute moins frustrante que celle des quelques habitué·es qui parient sur cette machine pour le développement de leur activité professionnelle. Ça n'efface pas pour autant le fait que cette configuration a été une source significative de temps perdu et de fatigue, et par conséquent je n'envisage pas de me relancer dans un tel projet à moins de disposer d'un équipement personnel, directement accessible.
- Disposer d'un atelier. La dernière pierre de ma liste au père Noël, ce serait d'avoir un atelier chez moi, une pièce dédiée qui m'épargne de déballer et remballer mes affaires de sous mon lit pour chaque session de travail, de me soucier d'avoir perdu des bouts de puzzle entre chaque déplacement, de m'inquiéter de ce que va faire mon chat si je quitte mon travail du regard plus de dix secondes. Un atelier, plutôt qu'une table au milieu de ma cuisine-séjour-bureau.
Mon père avait installé un grand atelier d'ébenisterie dans son garage. En douze ans, je me souviens n'avoir vu en sortir que quatre meubles : une table basse et un ensemble de consoles en trois pièces, avant qu'on ne déménage dans une maison moins grande et que les machines et outils ne soient remisés chez une connaissance. Je ne crois pas que ce matériel ait été utilisé depuis. Je n'ai jamais vu de meubles aussi beaux. Je n'arrive pas à me souvenir de signes de satisfaction de la part de mon père, ou bien je n'ai pas su les interpréter. La table basse était un cadeau.
Pour revenir à mon travail, rétrospectivement je m'aperçois que ma démarche était assez inédite : combiner le dessin à la main de pièces irrégulières avec la découpe automatique au laser. J'aurais aimé poursuivre cette voie plus loin, mais l'énergie que chaque nouveau prototype demande et l'absence de rentabilité ont fini par doucher mon enthousiasme. Si jamais celui-ci revenait, je pense qu'il serait pertinent que je m'entretienne avec des professionnels pour aller plus loin. J'ai bien cherché des conseils auprès du référent technique d'Hyperlien, mais il s'est avéré que j'avais déjà suivi la plupart des raisonnements qu'il avait à me présenter. À voir certains puzzles ou témoignages en ligne, je suis convaincue qu'il existe des spécialistes quelque part qui pourraient m'aider....
Quelle idée de poursuivre des standards commerciaux, alors que je n'ai ni l'environnement professionnel, ni les ressources financières pour m'y élever tout à fait. J'avais déjà fait ça pour l'encadrement d'une série de photos, et je récidive. C'est moi, saugrenue peut-être, déterminée, ingénue des forces du capital, joueuse et sérieuse, qui espère faire plaisir à une amie.
Ressources
- Création de puzzles
- Puzzle Michèle Wilson (scie, France)
- Nervous System (laser, USA)
- Artifact Puzzles (laser, USA)
- Liberty Puzzles (laser, USA)
- Wentworth Puzzles (laser, UK)
- Sources d'illustrations
- Tutoriels et techniques
- Make a Laser Cut Puzzle sur Instructables
- Making a Laser Cut Jigsaw Puzzle sur Youtube
- Puzzle cartographique à la découpeuse laser sur le wiki PiNG/Hyperlien
- Maskable Photo Paper?, How To: Weed a Puzzle Like A Boss sur Glowforge Community
- A technique for accurate laser cutting on upside-down digital prints
- Best laser to get started with wooden puzzle making? sur r/lasercutting
- Inkscape Tutorial: Basic, Shapes & Advanced
























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