Plaire, ou être raté·e — Jugements sur les personnes trans

Aujourd'hui l'endocrino m'a prescrit le début de mon traitement hormonal (TH), ce qui me rend franchement heureuse. Je le ressens comme une nécessité pour ma transition.

En même temps, je regrette de ne pas avoir l'occasion de plus remettre en question les personnes qui, malgré leurs bonnes intentions, pensent que ma transition s'articule essentiellement autour des changements physiques à venir. Comme s'il fallait que je me conforme à une certaine vision de la féminité pour mériter d'être genrée au féminin, et comme si être vue comme une belle fille permettra de qualifier ma transition de succès.

Déjà il faut se sortir de la tête qu'une femme ou un homme, c'est un corps sexué d'une façon ou d'une autre. Ça fait six mois que je déconstruis aux premières loges ce qui, avec mon éducation, passe plutôt pour masculin ou féminin chez les personnes que je croise. La gestuelle, les habits, le langage, le regard, c'est une infinité de petits riens (bien qu'ils finissent par paraître fondamentaux avec le poids des années) qui peuvent faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre, et tout ça n'a rien à voir avec ce que les gens ont entre les jambes ou avec leurs proportions hormonales.

Quand j'entends les variations dont je suis capable après quelques séances d'orthophonie, je me dis que la voix mériterait peut-être aussi d'être classée parmi ces manifestations culturelles. Quoi qu'il en soit, je n'ai pas attendu le TH pour savoir me fringuer différemment et me maquiller un peu, et être confiante par rapport au fait que la plupart des inconnu.e.s avec qui j'allais interagir allaient plutôt me classer côté femmes.

Ensuite, comme expliqué dans cet article amer (à raison), ce n'est pas parce que je me sens mieux en tendant vers certaines valeurs féminines (physiques ou non), que je cherche à poursuivre jusqu'au bout, ou même en partie, l'image que vous avez d'une belle fille. Si vous croyez que c'est un compliment de me dire que je parviens à faire comme une fille, à être comme une fille, vous vous trompez durement.

Par exemple, mon vernis est cool, pas parce qu'il m'aide à être genré comme je veux, mais parce qu'il est bleu-vert et chatoyant et hypnotique et qu'il s'accorde avec mes cheveux (ok j'en fais un peu trop). En même temps, il est un peu moins cool sur mon pouce gauche, pas parce que j'ai commis une infraction au guide de la parfaite nana, mais parce que j'ai bêtement raté une couche.

C'est là, je pense, que se définit l'acceptation que je demande, et dont beaucoup ont su faire preuve : il ne s'agit pas d'une validation de ma conformité à tel ou tel genre, mais d'une capacité à voir qu'il existe des cases de genre, auxquelles je n'ai pas besoin d'être astreinte (et vous non plus !), et qui ne devraient pas servir de filtre pour juger mes goûts et ma personne.

À la limite, si j'ai une ambition, ce n'est pas celle d'être identifiée parmi des préconceptions genrées, mais celle de remettre en question ces préjugés. Dans tous les cas, ma fierté d'être trans ne vient pas de ce que je pourrais accomplir, mais simplement d'être qui je suis.