Cartographie d'une volonté

Mes désirs portent sur des satisfactions subjectives. Naviguer les rêves et l'hypnagogie, explorer la sexualité, flotter dans le calme, frissonner dans le sublime. Satisfactions indéfinies et fuyantes, dont l'inconstance ou la perte inexpliquées exacerbent ma mélancolie.

Il y a d'autres projets, moins informes, dont je me figure parfois qu'ils pourraient me rapprocher d'un certain contentement. Les voici : disposer d'un logement individuel, de revenus réguliers, d'une pièce insonorisée ; construire des liens pérennes avec une communauté ; réaliser une vaginoplastie ; dissiper mes perspectives critiques, et alimenter une discussion avec ma démarche artistique ; représenter des symptômes autistiques et neurodivergents, par l'écriture ou la photographie ; étudier la calligraphie et en développer une pratique ; créer un nouveau prototype de light painting, produire des images dans une performance publique, et rechercher des passerelles avec la danse.

D'un côté, ce que je souhaite mais qui se dérobe, et de l'autre... Des causes motrices, peut-être ? J'espère que ce que je fais me rapproche de ce qui me plaît, mais je manque d'arguments pour articuler ces deux plans de volonté. Je n'avance, puisqu'il faut avancer, qu'avec un espoir vacillant.

J'ai l'impression que l'adoption des buts et le déploiement des forces sont bien plus simples chez d'autres. Mais si mes considérations sont luxueuses, pourquoi sont-elles si débilitantes ?

Passons.

J'ai versé beaucoup de mon énergie dans ma transition au cours des dernières années. La dysphorie n'est plus la menace qu'elle a été. Il reste cependant un certain nombre de réserves, de freins, de phénomènes subjectifs à dépasser. Puissent l'écriture et la publication les exorciser un peu plus.

Je voudrais reconnaître pleinement que ma transition n'est pas un choix, dans la mesure où elle est la seule réponse vivante à la dysphorie. Je voudrais accepter que je n'aurais pas pu vivre aussi bien à une époque antérieure, et que je n'aurais pas non plus pu vivre seule, sans les soutiens (médicaux ou non) que j'ai pu recevoir, ni que j'aurais pu vivre

*bâillement*

Faisons ça autrement. Ces rémanences ne méritent pas de mise en forme.

Prétentions d'autosuffisance et de décroissance VS. soins reçus et contexte social favorable-ish.
Prétentions d'indépendance d'esprit VS. poids de la cisnormativité dans mes décisions.
Prétentions d'anticapitalisme VS. affliction face à ma productivité ralentie.

Ah, s'il m'était permis d'outrepasser les contradictions...

Les quatre cavaliers de mon apocalypse : la Dysphorie, la Colère et l'Ennui, qui précèdent et pavent le chemin du Désespoir. Terribles et effrayantes majuscules, juchées sur leurs canassons fantômes.

J'ai découvert la perspective contrariante que mon corps ne tienne pas assez longtemps pour dépasser ce qu'il me paraît indispensable d'accomplir. Et ce, même si j'avance à plutôt bon rythme (une année par an, précisément), et que j'ai entrepris et traversé suffisamment de ces expériences pour ne pas ressentir de regrets. La peur de la mort profilerait-elle son nez taquin sur mes projets ?

Je me languis de jamais sentir mes sinus délivrés du joug suffocant des écoulements de mucus.

Ailleurs : mes rêves tirent leur confort de l'absence globale de conscience réflexive.

Définir un Projet™ aiderait à suturer les plaies, mais je n'ai pas encore accepté de ne pas tout être. Il n'y a pas de position éthique satisfaisante, et puis je trouve bien compliqué de me dire non. Dans le cahier des charges du Projet™, j'attends le sentiment d'accomplissement à la fois pendant et après le travail. Ma fusion de la programmation et de la photographie est née de cette soif.

Peut-être n'ai-je jamais écrit qu'une lettre de suicide éclatée. Il conviendrait de s'en débarrasser.

...Quels sont les risques à bâcler un exorcisme ?