Un mot pour une année : l'attente. J'ai traversé 2021 suspendue à l'arrivée d'une opération, de papiers à jour, d'un logement, de réunions avec un amant... Derrière chaque jalon se trouvait d'autres envies contrariées, de sorte que vivre ressemblait plus à une succession de répits que de joies. L'attente, en elle-même, ne porte aucun désagrément ; c'est dans sa forme impatiente qu'elle est devenue pénible. Car je m'accrochais au sentiment que les choses auraient pu, auraient dû se dérouler autrement, et en premier lieu : plus tôt. Le fait d'avoir connu, par le passé, la plupart de ce à quoi j'aspire, ne justifie qu'en partie ces volontés fiévreuses —mais qu'importe. Je n'ai pas de raison d'intenter un procès à mes frustrations, du moins pas ici, plus maintenant. Gardons ce bilan factuel.
Santé
- J'ai bénéficié d'une mastoplastie, ce qui a immédiatement réduit mes dysphories ;
- j'ai obtenu en tribunal le changement de mon sexe à l'état civil, et fait rééditer plein de papiers ;
- j'ai tenu un journal de rêves jusqu'en mai, puis lâché l'affaire face à leur pauvreté persistante ;
- j'ai attentivement décrit mon monologue intérieur et mes embardées mentales ;
- j'ai appris à reconnaître ma colère, pour m'en mettre à distance précautionneusement ;
- j'ai, globalement, été moins sujette à des états dépressifs (qu'ils soient aigus ou diffus) ;
- j'ai, par contre, eu des pensées de plus en plus nerveuses, encombrées et/ou turbulentes ;
- j'ai toqué à une vingtaine de portes ou de répondeurs avant de retrouver un suivi psy ;
- j'ai envisagé mon rapport à Crypt of the Necrodancer sous l'angle d'une addiction ;
- j'ai recommencé à porter des lunettes, en réponse à une fatigue accrue devant les écrans ;
- j'ai consulté une kiné, pour soulager des douleurs lombaires qui dataient d'au moins cinq ans ;
- j'ai ressenti les saisons, j'ai regardé les comètes, passagèrement je me suis sentie ancrée ;
Tech
- j'ai réalisé une série de photos, ainsi qu'une série jumelle de photomontages génératifs ;
- j'ai codé et maintenu un bot Telegram capable de signaler le début d'un stream sur Twitch ;
- j'ai monté un site web et un serveur de documents pour l'association Chez Mamie ;
- j'ai créé un miroir local du blog où j'avais publié, en 2013, ma première critique ciné ;
Culture
- j'ai retrouvé un rythme régulier de lecture, qui alterne entre fictions et essais ;
- j'ai relancé et (presque) terminé l'intégrale de Werner Herzog que j'avais entamée en 2015 ;
- j'ai écouté des podcasts, notamment le Sens du son, Méta de Choc et Parler comme jamais ;
- j'ai plongé sans le savoir dans plusieurs sources de frissons mémorables :
- A World in Their Screams, un album composé par le groupe Elend ;
- Promenade de la mort, une nouvelle écrite par Jean Giono ;
- La Liseta, un morceau chanté par le groupe San Salvador ;
- Below, un jeu développé par le studio Capybara Games ;
Misc
- j'ai poursuivi une relation à distance, et beaucoup apprécié les temps où elle se faisait physique ;
- j'ai randonné quelques jours dans les Vosges, en amoureux, et dormi sous l'orage ;
- j'ai marché dans la nuit, et regardé les étoiles filantes pleuvoir sur un lac ;
- j'ai cherché une place dans le champ des arts visuels à Nantes, mais ça ne m'a vraiment pas plu ;
- j'ai tourné plusieurs autres pages, sans pour autant émettre de prescriptions :
- j'ai cessé d'écrire sur les films que je voyais, sur les jeux auxquels je jouais ;
- j'ai arrêté de broder au point de croix, avec la même soudaineté que j'avais démarré ;
- j'ai consommé très peu d'alcool, moins que depuis mon passage aux Mines ;
- j'ai brûlé les buvards de LSD qui me restaient sur les bras tout en me faisant de l'œil ;
- j'ai également liquidé les millibitcoins gardés en monnaie de ce lointain achat ;
- j'ai consciemment mis un terme à mes déplacements nomades ;
- j'ai découvert ce que ça faisait d'enterrer un ami ;
- je me suis perçue un peu moins comme une pelote psychologique qui serait à démêler jusqu'à son origine, et un peu plus comme un sujet social aiguillé par des corrélations statistiques (concrètement, j'ai trouvé du sens et un réconfort paradoxal à considérer les risques accrus d'isolement, de précarité et de dépression chez les populations trans et neurodivergentes, qui plus est si une reconversion professionnelle et une rupture sentimentale viennent s'en mêler) ;
- et j'ai continué à exercer mon faible pour les vernis brillants. :3
C'est dingue tout ce qu'on peut faire même en ayant l'impression de pas avancer, hein.
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