Rétrospective 2020

J'ai plutôt aimé 2020, et je le dis avec une certaine hargne. Le discours dominant selon lequel l'année passée était imbuvable, la pire de son espèce, bon débarras et tutti quanti, m'agace. Il accentue mon aliénation, mes difficultés à inscrire mon expérience personnelle dans le monde qui m'entoure. Étant trans, dépressive de longue date, et neuroatypique, je vis consciemment dans un état de catastrophe diffuse que la situation sanitaire et la farce gouvernementale ont à peine effleuré. Et tous ces vœux alarmistes attisent la solitude de mon urgence permanente. Ne me demandez pas d'ânonner les lamentations de ceux qui m'ont fait croire que ma voix ne comptait pas.


En 2020 :

  • sur le volet santé mentale :
    • j'ai mené/suivi une psychanalyse, en physique puis à distance, qui m'a permis de mieux identifier les mécanismes de mes accès dépressifs et d'en réduire la durée et l'intensité ;
    • j'ai plus ouvertement communiqué avec mes proches sur cette condition ;
    • j'ai moins souvent eu à lutter pour m'endormir, et mon sommeil était plus stable ;
    • j'ai arrêté progressivement les antidépresseurs au cours de l'été ;
    • j'ai retrouvé une certaine sensibilité esthétique, de la libido, et plus de plaisir au quotidien ;
    • j'ai encore recours aux anxiolytiques, en moyenne deux fois par mois ;
    • j'entretiens/je reste sujette à des pensées suicidaires, quoique moins obsédantes ;
    • je ne me suis pas frappée une seule fois (...il me semble) ;
    • j'ai toujours du mal à mobiliser ma volonté, à croire et à m'investir ;

  • j'ai rompu avec ma compagne en début d'année, et je suis hantée par les souvenirs ;

  • sans logement fixe, j'ai été hébergée par ma mère et par plein d'ami·e·s (merci encore) ;

  • j'ai vécu quelques mois avec ma mère, qui mérite bien une ligne à elle seule ;

  • je n'ai eu aucun contact avec mon père, sauf pour une remarque désobligeante sur ma rupture ;

  • j'ai demandé en justice le changement de mon état civil, et les mois d'attente m'écœurent ;

  • j'ai consulté une chirurgienne en vue de mon augmentation mammaire ;

  • j'ai été opérée des dents de sagesse, c'était ma première anesthésie générale ;

  • j'ai quitté Twitter, et plus généralement réduit ma consommation de flux numériques ;

  • j'ai réalisé une série de photos d'architecture au fil de l'été, entre Paris, Lyon et Nantes ;

  • je n'ai pas une seule fois touché aux psychédéliques, pour le meilleur et pour le pire ;

  • j'ai eu des rêves assez pauvres, très rarement lucides, sans contrôle de l'hypnagogie, et avec une récurrence têtue de la prépa (motif prévalent du deuil de ma pré-transition... peut-être) ;

  • je suis passée à deux reprises Chez Mamie, et je me suis engagée sur des projets numériques ;

  • j'ai randonné une dizaine de jours dans les montagnes du nord de la Corse ;

  • j'ai brodé pendant des heures et des heures au point de croix, un sédatif redoutable ;

  • j'ai écrit environ 75 pages de commentaires critiques, essentiellement à propos de jeux vidéo ;

  • j'ai d'ailleurs streamé plusieurs jeux, lorsque mes conditions d'hébergement le permettaient ;

  • j'ai échangé beaucoup d'attention et d'amour avec deux personnes très chères ;

  • j'ai retrouvé une sexualité joyeuse et épanouissante ;

  • j'ai cessé de culpabiliser de ne pas entretenir mes amitiés aussi intensément que possible...

  • ... et j'ai accepté de ne pas saisir et travailler chaque amitié potentielle ;

  • j'ai poursuivi mon régime végétarien, en me permettant à peu près un écart par mois ;

  • je n'ai pas pris d'avion, je n'ai pas fait de commande amazon, j'ai acheté très peu de textile ;

  • j'ai glissé vers une vision thématique, plutôt que chronolinéaire, de mes activités.


Je lève mon verre aux incertitudes et aux changements à venir.