Fata Morgana (1971)

I keep going to a lot of places, and ending up somewhere I've already been. Pourquoi le cinéma tient-il si fort à reproduire ce que nous connaissons déjà ? Honnis soient les metteurs en scène qui se détournèrent de la transgression de leurs origines foraines, ignorèrent les expérimentations des sulfureux surréalistes, et s'attachèrent à représenter cette fichue réalité. J'entends l'excuse que leurs tombes murmure…

Trois couleurs : Rouge (1994)

La présence visuelle de la couleur éponyme est immédiatement plus frappante que pour les deux précédents volets de la trilogie des Couleurs. S'agit-il de la rendre agressive, ou bien de révéler son agressivité inhérente ? Une interrogation esthétique de plus à porter au crédit de Kiesloswski, dont la recherche ne s'arrête pas à farcir aveuglément ses films de teintes homogènes (comme trop d'amateurs s'empressent de …

Ténèbres (1982)

Il y a bien deux plans phénoménaux qui assoient le génie d'Argento, ainsi qu'un futur sample de Justice sur la base duquel est construit une atmosphère musicale envoûtante. Il faut cependant beaucoup de laxisme pour parvenir à respecter une intrigue d'enquête inutilement touffue. Argento amorce bien une auto-critique de son propre cinéma, sexiste, gore et stylisé, mais la réflexion est largement laissée à un stade e…

Trans, c'est mon genre (2016)

J'ai immédiatement repensé à "Homos, la haine", un autre docu TV qui avait fait un peu plus de bruit il y a 2-3 ans. Splendide époque où une part gerbante de la droite s'amusait à orchestrer l'homophobie à des fins électorales. Ah, le bon temps... Et maintenant les chars vénézuéliens menacent de parader sur les Champs-Elysées. Tous aux abris ! Bref, il s'avère que "Homos, la haine" et "Trans, c'est mon genre" éta…

American History X (1998)

Au début on ne comprend pas bien pourquoi le réalisateur Tony Kaye a cherché à renier son film. Mais quand arrive le flash-back noir et blanc en slow-mo avec une musique orchestrale et la caméra fixée sur de l'eau qui coule, il n'est plus possible de croire à la moindre ironie dans la mise en scène. C'est très gênant. Dans sa première heure, le scénario synthétise une rhétorique néo-nazie savante et inquiétante. …

Le Roi et l'Oiseau (1980)

Le film ne va pas tout à fait au bout de ses valeurs, ni dans son surréalisme, ni dans son amour de la langue. Il y a tout de même beaucoup de rêve, de plaisir, de douceur et de malice, à prendre dans cette aventure fantaisiste. Par ailleurs, derrière le sauvetage de la princesse s'animent les rouages d'une révolution inquiétante menée par l'oiseau manipulateur. Quand le dernier plan retentit et que le poing du robo…

La bataille de Solférino (2013)

C'est original, c'est un peu ambitieux, c'est du bel auteurisme français. Seulement : Je hais la foule. Je hais les militants, à gauche et à droite, méprisants et idiots. Je hais la mascarade des reportages télévisés. Je hais Vincent Macaigne qui passe son temps à geindre et à se victimiser. Je hais Laetitia Dosch en journaliste stressée et surbookée. Je hais les flics condescendants. Je hais le…

Voyage à deux (1967)

Quinze ans après les niaiseries de Singin' in the Rain, Stanley Donen livre une fresque amoureuse d'une maturité inattendue. Sur le dispositif narratif, déjà : a-t-on jamais vu chronologie si éclatée ? Même Hong Sang-soo, qui ne se soucie pas autant d'être rigoureux dans la construction de ses personnages, est plus ténu dans ses expérimentations ! Les quatre (?) lignes temporelles s'emmêlent, et la progression du ré…

Taipei Story (1985)

Déprime à Taipei dans les années 80. Les gratte-ciels poussent comme des champignons pendant que les locaux assistent impuissants à l'évaporation express de leurs vies passées. Morcellement familial, dettes environnantes, étouffement émotionnel, logements désincarnés, bref c'est pas la joie. Difficile de savoir si Edward Yang, pour son deuxième film, voulait tirer l'alarme contre ce nouveau monde morose, ou simpleme…

Avenir handicapé (1971)

Après avoir fait parader des handicapés pour alimenter la monstruosité ambiante et douteuse de "Les nains aussi ont commencé petits", Herzog rééquilibre la balance avec un documentaire tourné tout entier vers la question de leur intégration sociale en RFA. Ce n'est pas seulement la considération pour les handicapés qui est inversée, mais la motivation même du projet. Non plus métaphore grinçante de l'absurdité de la…

After Hours : Quelle nuit de galère (1985)

Débarrassé de ses histoires de gangster (finalement consensuelles pour le cinéphile moderne), comme Scorsese brille à jouer la comédie ! Le travaillé The Wolf of Wall Street passe pour laborieux en face de After Hours. Fougue, spontanéité et équilibre, le récit regorge de connexions cachées sans jamais enrayer le calvaire grotesque et fascinant du personnage principal. Entre la mise en scène outrée et l'onirisme lat…

Pusher (1996)

J'aime ce que je connais de NWR, mais là après un quart d'heure j'ai déjà envie d'arrêter. C'est Mean Streets au Danemark, avec une caméra à l'épaule et de la sous-exposition. Je sais que je n'arrive pas à faire preuve de patience, mais comment ignorer que j'ai déjà fait le tour de ce que le film peut proposer ? De base, l'enjeu de réalisme, j'ai tendance à le rejeter ; si j'ai envie de ressentir quelque chose, j…

Sans toit ni loi (1985)

Je ne connaissais d'Agnès Varda que le réjouissant Cléo de 5 à 7, mais Sans toit ni loi m'a plutôt refroidi. C'est l'histoire de Mona, électron libre crado, perdue entre plusieurs villages terreux. Pas de potes, pas d'ennemis, pas de désirs, pas de futur. Elle est libre, enfin, libre de vivre pour vivre, mais piégée dès qu'il s'agit d'accomplir quoi que ce soit. Figure bohème radicale mais pourtant usée, bonne à fai…

Où est la maison de mon ami ? (1987)

Difficile de juger de l'authenticité d'un néoréalisme quand je ne connais de la culture iranienne que ce que j'en ai vu au cinéma, mais de mon point de vue occidental, c'est un réquisitoire sans appel contre la conception nationale de l'éducation. Les adultes sont des dictateurs de la parole, qui préfèrent ne pas prendre au sérieux, ou encore plus simplement ne pas écouter les enfants, dès lors que ceux-ci cherchent…

Silent Hill (2006)

Faute d'y avoir joué, je peux pas commenter le travail d'adaptation de la saga. Mais en tant qu'adaptation de jeu tout court, je sais pas s'il existe beaucoup mieux. Il y a de fausses notes assez flagrantes ici et là, et les cinq minutes d'exposition de la mythologie sont d'une confusion frustrante (Fritz parle de "flashback déchirant", là je suis aux fraises), mais enfin Christophe Gans restitue une ambiance bien p…

Les heures oisives (1332)

avec le refrain du morceau California de Grimes qui boucle indéfiniment À quoi tient le recul que certains parviennent à porter sur eux-mêmes ? Il semble qu'il faille avoir été blessé, cassée, pour accéder à cet état curieux. Je ne serais pas surpris que cette réaction de l'individu ait un fondement physiologique pas encore découvert. Proposition : le corps se développe une conscience réparatrice. Ou censée l'êtr…

Trois couleurs : Blanc (1994)

Je m'étais longtemps reposé sur l'hypothèse selon laquelle les trois volets de la trilogie des Couleurs de Kieslowski partageaient le même ton de drame intimiste un peu glauque, mais j'aurais plutôt dû me référer à mon expérience de son Décalogue hétéroclite. En effet, Blanc se révèle rapidement en tant que comédie sentimentale à la limite du grotesque. Le scénario traite d'amours déçues, de suicide, d'impuissance m…

Trois couleurs : Bleu (1993)

Juliette Binoche n'a même pas attendu la trentaine pour porter un film sur ses épaules sans frémir. Ou peut-être est-ce parce que sa sensibilité résonne en moi, que je ne lui connais pas une seule interprétation qui ne m'ait fait ravaler mes larmes, depuis Mauvais Sang jusqu'à Camille Claudel, 1915. D'individualités, on le verra, il est justement très question dans la série des Trois Couleurs de Kieslowski. Le sc…

Certaines femmes (2016)

Pendant que je somnolais tout le long du deuxième segment, je me suis dit que j'allais arrêter de faire la bise à mes collègues féminins ou aux filles que je connais pas du tout en soirée. Depuis quelques mois ça me met mal à l'aise de traiter différemment les hommes et les femmes dès ce premier contact (premier contact de la journée de travail, ou premier contact d'une fête). C'est du sexisme plus-évident-tu-meurs,…

Steamboy (2004)

Un sommet d'esthétique steampunk (et l'occasion de voir que c'est plus forcément quelque chose qui résonne beaucoup en moi). Le film ne s'arrête pas totalement à ses images, il se permet bien quelques questions positivistes, et finit par schématiser, consciemment ou non, la science comme un carré d'interactions entre l'utilisateur, le chercheur, le dirigeant, et le penseur. Le problème étant que ces profils se cheva…