Trois couleurs : Blanc

un film de Krzysztof Kieslowski (1994)

Dispersion

Je m'étais longtemps reposé sur l'hypothèse selon laquelle les trois volets de la trilogie des Couleurs de Kieslowski partageaient le même ton de drame intimiste un peu glauque, mais j'aurais plutôt dû me référer à mon expérience de son Décalogue hétéroclite. En effet, Blanc se révèle rapidement en tant que comédie sentimentale à la limite du grotesque. Le scénario traite d'amours déçues, de suicide, d'impuissance masculine, de crime, mais dans un registre essentiellement léger.

Je prends souvent la défense des scénarios qui, en dépit de leurs abords comiques, témoignent d'une réflexion avancée sur tel ou tel sujet : il n'y a pas besoin d'être sérieux pour être pertinent, ni même touchant. Le problème de Blanc, c'est que son histoire s'appuie sur le caractère dysfonctionnel du couple Zamachowsky-Delpy pour se permettre des incohérences et des facilités qui semblent s'arrêter aux apparences. L'humour découle du drame, et dans ce sens de causalité, je peine à trouver une pertinence. Kiesloswski verse presque dans le vaudeville ; faut-il vraiment chercher à interpréter, par exemple, le retour clandestin de l'anti-héros dans sa Pologne natale, enfermé en soute dans sa propre valise...?

Mon manque de réceptivité vient de l'écriture faible du mari rejeté... ou peut-être plutôt de mon indifférence à son égard. De l'absence de connexion dans nos identités respectives. Le bonhomme, à l'inverse de Juliette Binoche, semble ne pas avoir de vie intérieure ; sa personnalité se définit et s'arrête à ses actes. Un homme opportuniste, mesquin, et au fond assez sadique. Le résultat du test de personnalité de la mamie rabougrie qui peine à jeter sa bouteille en verre (une épreuve exécutée pour chacune des trois Couleurs) tient en un rictus goguenard.

Terminées, les radiances azurées et spectrales. Le blanc de Kieslowski est un blanc de neige sale, sans artifice. La crème des lumières du mariage a tourné, laissant place à une grisaille moisie et suspecte. La pureté de la robe de mariée est entâchée par la routine, le désintérêt, l'ennui. Les combines douteuses sont-elles le seul moyen d'entretenir les ideaux d'origine ? La restauration de la beauté passe-t-elle inevitablement par des perversions ? En un sens, je suis soulagé que l'humour creux de Blanc sabote la maigre démonstration qu'il représente. J'espère ne pas me mentir.