avec le refrain du morceau California de Grimes qui boucle indéfiniment
À quoi tient le recul que certains parviennent à porter sur eux-mêmes ? Il semble qu'il faille avoir été blessé, cassée, pour accéder à cet état curieux. Je ne serais pas surpris que cette réaction de l'individu ait un fondement physiologique pas encore découvert. Proposition : le corps se développe une conscience réparatrice. Ou censée l'être.
Ma jalousie, ce n'est pas souhaiter que tu ne partages rien avec d'autres, mais regretter que tu ne puisses pas tout partager avec moi.
Pourquoi ne peut-on se parler intérieurement qu'avec une seule voix ? Le cerveau serait-il incapable de multithreading ? Constat à modérer : Grimes me tourne en tête depuis un bon moment... même si, maintenant que j'y réfléchis activement, je ne suis plus capable de considérer le morceau que séquentiellement, par intervalles entrecoupés avec les segments de la pensée présente (celle que je matérialise par ces propres mots). Le mystère s'épaissit en considérant tous les processus inconscients qui peuvent s'activer dans l'ombre. Je n'entends qu'une voix intérieure, mais il n'est pas dit que ce soit la seule que j'émette. La conscience est une clé du problème. Par ailleurs, il est largement établi que le langage conditionne la pensée figurée, mais je ne me souviens pas avoir rencontré de considérations quant à son influence sur la pensée physique, cette voix qui résonne en moi. Pourquoi cette pensée immatérielle s'est-elle modelée en un dialogue fictif ? Et surtout : est-il possible de dépasser cette maigre condition ?
Tiens, à propos de conscience, The Witness parle-t-il de phénoménologie ? Qu'est-ce que j'avais dit à Maratz, déjà ? Épistémologie, esthétique, théologie. Phénoménologie, encore un nom à rallonge, je vais passer pour l'intello pénible. Pas grave, c'est pas comme s'il y avait foule en face de moi. Et puis il faut bien admettre mes souvenirs du sujet sont creux, par rapport à ceux auxquels j'ai directement pensé. À part le nom de Hegel... En tout cas, ça mérite que je me renseigne rapidement, je ne serais pas surprise d'y trouver une grille de lecture complémentaire sur le jeu.
Déjà une semaine que j'ai brusquement mis sur brouillon mes impressions de l'album Elaenia. Je continue d'y penser avec à peine moins de force, je veux, j'ai besoin d'en faire un texte. Chaque composition est si abstraite qu'elle permet d'y coller une histoire que Floating Points n'a peut-être pas imaginée, et que d'autres auditeurs n'auront sans doute pas entendue. Cette musique demande d'être peu à peu découverte et comprise, et me motive à créer des mondes qui révèlent son sens. Mince, je n'avais jamais senti une continuité si forte entre la découverte et la création !
Une raison pour laquelle si peu de fictions parlent des prépas, en dehors de l'activité d'études que les cinéastes n'ont jamais su romancer : les artistes se nourrissent de ce qu'ils ont appris, passivement au fil de leur vie, ou bien par une recherche tacite. Cependant parmi les artistes, la présence d'anciens prépas est menue, car l'encadrement pédagogique encourage moins à la création qu'à la servitude.
En fait mes critiques nourrissent plus ma construction d'une esthétique propre, dont la nouveauté et l'apprentissage semblent constituer les fondements, qu'elles ne s'attachent à commenter les films. Je n'ai pas de problème par rapport à ça. Je suis en fait satisfait que, même à tâtons, mes textes convergent vers des idéaux cohérents. Dommage que ca s'apparente à un dialogue avec moi-même. Enfin si certains s'intéressent à ce qui remue dans ma tête, tant mieux, mais chercher activement à me constituer un public sur la base d'une approche critique qui, en tout cas ici, n'a rien à voir avec les attentes des lecteurs... Mon ego n'en est pas rendu à cette prostitution.
En définitive Proust avait raison, la critique est une activité oisive et un gâchis de potentiel. J'avais protesté avec véhémence contre cette position, il y a quelques mois, mais c'est une réalité que je suis mieux prêt à accepter maintenant. C'est surtout que je ne voulais pas renier l'indispensable aspect formateur que ces commentaires étudiés ont eu sur mon goût. Et d'ailleurs je ne le renie aucunement. Mais enfin les critiques individuelles m'ont faite glisser vers une esthétique englobante, et depuis quelques temps les poussées d'idées qui m'ont motivée à écrire mes textes se versent plutôt dans des envies de créations autonomes. Le génie ignore sans doute cette progression, mais puisque je n'en suis pas un, je suis prêt à l'accepter humblement. Créer, c'est rattraper le temps perdu.
Amanohashidate, "le pont du ciel", banc de sable résistant effrontément aux assauts marins depuis plusieurs siècles, cisaillant d'une improbable passerelle cette baie de la mer du Japon. Ai-je profité du paysage, de cette traversée atypique ? Quel laid réflexe de ma part que de considérer cet endroit comme un vulgaire produit consommable. C'est mon droit, d'ailleurs bien plus que ça : à la fois mon identité et mon plaisir, que de profiter de cet endroit pour laisser mes pensées s'aérer. Le boulot ne pouvait m'offrir que de quoi m'étouffer, ça n'a jamais été aussi manifeste, et djaevel a raison sur toute la ligne. En tout cas, personne ne me fera culpabiliser sur ma satisfaction d'être ici et maintenant, même si elle ne s'accompagne pas d'un ébahissement visuel et d'exclamations enchantées. Et puisque je ne laisse à personne le droit de m'attaquer sur mon bonheur, il serait temps d'arriver à ne pas m'infliger moi-même ce genre d'accusation.
Et si je nettoyais ces notes dans les deux heures de train jusqu'à Kyoto ? Quand bien même ça n'intéressait personne une fois sur la place publique de SC, l'expérience m'a montré que ces instantanés de vie me seront agréables à déterrer dans quelques années. En tout cas je comprends désormais l'aspect prolixe des notes que Cioran ou Camus ont laissé publier. Il faut un peu d'égocentrisme et surtout beaucoup de je-m'en-foutisme pour laisser parvenir ces errances rien qu'à l'édition. Je pourrais trouver un joli titre, comme Notes de la traversée du ciel. Non, c'est trop pompeux, trop béatement lyrique. Je trouverai plus tard. Le train s'arrête exactement maintenant.
Carte postale
avec le refrain du morceau California de Grimes qui boucle indéfiniment
À quoi tient le recul que certains parviennent à porter sur eux-mêmes ? Il semble qu'il faille avoir été blessé, cassée, pour accéder à cet état curieux. Je ne serais pas surpris que cette réaction de l'individu ait un fondement physiologique pas encore découvert. Proposition : le corps se développe une conscience réparatrice. Ou censée l'être.
Ma jalousie, ce n'est pas souhaiter que tu ne partages rien avec d'autres, mais regretter que tu ne puisses pas tout partager avec moi.
Pourquoi ne peut-on se parler intérieurement qu'avec une seule voix ? Le cerveau serait-il incapable de multithreading ? Constat à modérer : Grimes me tourne en tête depuis un bon moment... même si, maintenant que j'y réfléchis activement, je ne suis plus capable de considérer le morceau que séquentiellement, par intervalles entrecoupés avec les segments de la pensée présente (celle que je matérialise par ces propres mots). Le mystère s'épaissit en considérant tous les processus inconscients qui peuvent s'activer dans l'ombre. Je n'entends qu'une voix intérieure, mais il n'est pas dit que ce soit la seule que j'émette. La conscience est une clé du problème. Par ailleurs, il est largement établi que le langage conditionne la pensée figurée, mais je ne me souviens pas avoir rencontré de considérations quant à son influence sur la pensée physique, cette voix qui résonne en moi. Pourquoi cette pensée immatérielle s'est-elle modelée en un dialogue fictif ? Et surtout : est-il possible de dépasser cette maigre condition ?
Tiens, à propos de conscience, The Witness parle-t-il de phénoménologie ? Qu'est-ce que j'avais dit à Maratz, déjà ? Épistémologie, esthétique, théologie. Phénoménologie, encore un nom à rallonge, je vais passer pour l'intello pénible. Pas grave, c'est pas comme s'il y avait foule en face de moi. Et puis il faut bien admettre mes souvenirs du sujet sont creux, par rapport à ceux auxquels j'ai directement pensé. À part le nom de Hegel... En tout cas, ça mérite que je me renseigne rapidement, je ne serais pas surprise d'y trouver une grille de lecture complémentaire sur le jeu.
Déjà une semaine que j'ai brusquement mis sur brouillon mes impressions de l'album Elaenia. Je continue d'y penser avec à peine moins de force, je veux, j'ai besoin d'en faire un texte. Chaque composition est si abstraite qu'elle permet d'y coller une histoire que Floating Points n'a peut-être pas imaginée, et que d'autres auditeurs n'auront sans doute pas entendue. Cette musique demande d'être peu à peu découverte et comprise, et me motive à créer des mondes qui révèlent son sens. Mince, je n'avais jamais senti une continuité si forte entre la découverte et la création !
Une raison pour laquelle si peu de fictions parlent des prépas, en dehors de l'activité d'études que les cinéastes n'ont jamais su romancer : les artistes se nourrissent de ce qu'ils ont appris, passivement au fil de leur vie, ou bien par une recherche tacite. Cependant parmi les artistes, la présence d'anciens prépas est menue, car l'encadrement pédagogique encourage moins à la création qu'à la servitude.
En fait mes critiques nourrissent plus ma construction d'une esthétique propre, dont la nouveauté et l'apprentissage semblent constituer les fondements, qu'elles ne s'attachent à commenter les films. Je n'ai pas de problème par rapport à ça. Je suis en fait satisfait que, même à tâtons, mes textes convergent vers des idéaux cohérents. Dommage que ca s'apparente à un dialogue avec moi-même. Enfin si certains s'intéressent à ce qui remue dans ma tête, tant mieux, mais chercher activement à me constituer un public sur la base d'une approche critique qui, en tout cas ici, n'a rien à voir avec les attentes des lecteurs... Mon ego n'en est pas rendu à cette prostitution.
En définitive Proust avait raison, la critique est une activité oisive et un gâchis de potentiel. J'avais protesté avec véhémence contre cette position, il y a quelques mois, mais c'est une réalité que je suis mieux prêt à accepter maintenant. C'est surtout que je ne voulais pas renier l'indispensable aspect formateur que ces commentaires étudiés ont eu sur mon goût. Et d'ailleurs je ne le renie aucunement. Mais enfin les critiques individuelles m'ont faite glisser vers une esthétique englobante, et depuis quelques temps les poussées d'idées qui m'ont motivée à écrire mes textes se versent plutôt dans des envies de créations autonomes. Le génie ignore sans doute cette progression, mais puisque je n'en suis pas un, je suis prêt à l'accepter humblement. Créer, c'est rattraper le temps perdu.
Amanohashidate, "le pont du ciel", banc de sable résistant effrontément aux assauts marins depuis plusieurs siècles, cisaillant d'une improbable passerelle cette baie de la mer du Japon. Ai-je profité du paysage, de cette traversée atypique ? Quel laid réflexe de ma part que de considérer cet endroit comme un vulgaire produit consommable. C'est mon droit, d'ailleurs bien plus que ça : à la fois mon identité et mon plaisir, que de profiter de cet endroit pour laisser mes pensées s'aérer. Le boulot ne pouvait m'offrir que de quoi m'étouffer, ça n'a jamais été aussi manifeste, et djaevel a raison sur toute la ligne. En tout cas, personne ne me fera culpabiliser sur ma satisfaction d'être ici et maintenant, même si elle ne s'accompagne pas d'un ébahissement visuel et d'exclamations enchantées. Et puisque je ne laisse à personne le droit de m'attaquer sur mon bonheur, il serait temps d'arriver à ne pas m'infliger moi-même ce genre d'accusation.
Et si je nettoyais ces notes dans les deux heures de train jusqu'à Kyoto ? Quand bien même ça n'intéressait personne une fois sur la place publique de SC, l'expérience m'a montré que ces instantanés de vie me seront agréables à déterrer dans quelques années. En tout cas je comprends désormais l'aspect prolixe des notes que Cioran ou Camus ont laissé publier. Il faut un peu d'égocentrisme et surtout beaucoup de je-m'en-foutisme pour laisser parvenir ces errances rien qu'à l'édition. Je pourrais trouver un joli titre, comme Notes de la traversée du ciel. Non, c'est trop pompeux, trop béatement lyrique. Je trouverai plus tard. Le train s'arrête exactement maintenant.