La Femme insecte (1963)

Avant le Pornographe, il y avait la Femme insecte. Cette fois, ce n'est pas le portrait anthropologique d'un cinéaste amateur, mais le portrait anthropologique d'une exilée urbaine proxénète. Les séquences sont explicitement repérées à l'écran par leurs années ; c'est con, mais on y voit du coup tellement plus clair que dans le Pornographe. Sinon la formule est assez similaire, plans minutieusement équilibrés, noir …

Kwaidan (1964)

Kwaidan est très clair sur son ambition : partager quatre histoires folkloriques, un poil horrifiques, de celles qu'on raconte au coin du feu, avec des frissons en chemin et une chute mémorable pour conclure. Or, mon souci par rapport à cette démarche, c'est que ça ne me laisse rien à attendre sur le fond : aucun message, aucune révélation personnelle ; avant tout, une expérience instantanée, éphémère, et amenée à r…

Musique brute, handicap et contre-culture (2016)

Une autre commande étrange mais très bienvenue de la part de France Télévisions, après l'excellente surprise Etre cheval. Mathieu Mastin relate une poignée d'expériences destinées à rompre la marginalisation des handicapés mentaux. Autour de la musique noise, qui leur permet d'exprimer une individualité sans avoir à se soucier des difficultés mélodiques habituelles. Mais aussi, plus globalement, autour de diverse…

Jolie Chanson (2015)

Jean-Louis Costes est un "artiste performeur" un brin extrême. Ses spectacles sont des "opéras porno-sociaux" où il gueule beaucoup, régulièrement à poil ou presque, en parlant de bites et d'angoisse existentielle, dans une veine absurde à la Ubu. J'avais un peu écouté au lycée, la même époque où j'ai lu La Geôle de Selby Jr., genre le bouquin que j'aurais peur de retoucher aujourd'hui. Le docu de Vincent Guilber…

Nocturama (2016)

Le plan de dissert parfait, copyright Bonello : 1. Définir. Ces jeunes qui arpentent le réseau RATP, de toutes origines, c'est peut-être nous, ou bien c'était peut-être nous. Et ils préparent un truc louche. 2. Expliquer. Il s'agit de la chorégraphie des pièges enfin révélés, qui aboutit à l'attentat. Un manifeste de mécontentement et de défiance, anti-consumériste et anti-étatique, appuyé à l'aide de flashbac…

Kenzo World (2016)

(en réponse à un texte) Pleinement d'accord avec Antofisherb. La pub n'en fait pas des tonnes mais correspond très bien à l'esthétique de la marque, qui vise un public branché, moderne et un peu fou dans sa tête. C'est une façon qu'a la marque de flatter sa tranche d'acheteurs, qui ne sont pas là pour s'approvisionner en un produit ni se soumettre à une esthétique finement étudiée, mais pour laisser éclater leur …

Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire (2004)

Revu pour la première fois, une douzaine d'années après sa sortie. Un paradoxe, étant donné l'importance qu'a pu avoir cette série pour moi. C'est loin d'être idéal, les trois premiers bouquins sont scannés à l'arrache et tout va beaucoup trop vite. C'est cohérent avec le ton comique qui prédomine largement dans le film... sauf que dans la saga originale, c'était le drame et le mystère qui prévalaient largement !…

Désirs volés (1958)

Premier film d'Imamura, comédie dramatique qui accompagne une troupe de théâtre professionnelle, mais pas très douée non plus. Le metteur en scène de l'équipe est partagé entre deux femmes, et aussi entre son attachement à la troupe et ses propres aspirations, plus intellectuelles que la moyenne des représentations retenues. Le long-métrage est parcouru d'une belle légèreté, son humour ne casse pas le plafond mais n…

Nemesis (2016)

Ils sont allés tourner dans des hameaux désertiques américains, alors c'est plutôt joli. Mais en dehors de ça, le héros traqué par des vigilantes (essentiellement invisibles) pour un crime qu'il n'est pas censé avoir commis, euh, c'est l'ennui. Traitement pas original et pas crédible non plus, les quelques ennemis qui apparaissent se laissent tranquillement charcuter... Faire un film de genre, ou bien ne pas avoir u…

Alipato: The Very Brief Life of an Ember (2016)

Entre SF d'anticipation et post-apo, voilà une belle surprise. L'histoire d'un gang de gamins philippins, qui vivent dans une décharge, incarnant un genre de trash new rave aussi fascinant que dérangeant. Il y a des bouts de Clockwork Orange là-dedans, mais aussi de Il est difficile d'être un dieu. En effet, pour plus d'une scène, on est tenté de croire que la narration n'est qu'une excuse pour se livrer à des plan-…

Where to Invade Next (2015)

Déjà, il faut comprendre que le titre est franchement trompeur : la question du militarisme n'est pas sur la table, en fait Michael Moore "envahit" des pays d'Europe (+ la Tunisie, et éventuellement le dernier que je n'ai pas eu le temps de voir) pour discuter avec quelques autochtones et "repartir" avec des idées d'acquis sociaux à développer aux USA. Donc ça parle de congés payés, de parité hommes-femmes, de devoi…

Désir meurtrier (1964)

Imamura gagne en maturité. La Femme Insecte est sortie à un an d'écart et ça se sent. Personnages mieux creusés, relations sulfureuses, érotisme dérangeant. D'un point de vue technique aussi, ça avance. Le souci de la construction des plans est présent comme depuis son premier film, mais le catalogue de procédés employés s'est clairement enrichi. Je pense notamment aux gros plans sur les personnages, plus osés, plus…

Raman Raghav 2.0 (2016)

Quel ennui, quel vide. C'est ma faute aussi, si j'avais appris avant les dix premières secondes du film (douche froide) que Psycho Raman avait été sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs, j'aurais immédiatement compris qu'il ne s'agissait aucunement du film indien nanardesque que j'attendais un petit peu. Du coup on nous ressort le coup du flic justicier et du criminel de bas étage qui suivent les mêmes pa…

Cochons et Cuirassés (1961)

Ayant vu une majorité des films de sa première moitié de carrière, je peux maintenant affirmer que je me sens rarement concerné par les histoires d'Imamura, mais je suis tellement amoureux de sa mise en scène que ça ne change pas grand-chose. Cochons et cuirassés déroule son récit mafieux sur fond d'occupation américaine. Non content d'entretenir la maîtrise qu'il manifeste depuis trois ans et cinq films, Imamura, p…

Showgirls (1995)

Il y a anguille sous roche, et les indices tombent assez rapidement : Paul Verhoeven, le réalisateur des sommets d'ironie acide Robocop et Starship Troopers ; Kyle MacLachlan, acteur fétiche de Twin Peaks, beau gosse mensonger de l'Amérique ; "I'm afraid of Americans" en discret fond sonore de la première discothèque, morceau assez explicite de Bowie (en passant, j'étais convaincu que c'était un morceau de l'ango…

Le nouveau monde (1995)

Il ne me manquait plus qu'un Malick. Comme tous ses autres films, je suis heureux d'avoir attendu une réédition en salle. Comme tous les autres aussi (à l'exception peut-être de The Thin Red Line), je suis admiratif devant le travail accompli, et je suis un peu touché par ce qui se déroule sous mes yeux, mais je me sens glisser sur ce qui se passe, et je regrette de ne pas atteindre l'état de pensée idéal pour recev…

Rester vertical (2016)

Guiraudie ouvre la rentrée cinématographique avec un objet délicieusement étrange. D'un côté, tout est fait pour désorienter le public. Bien que les scènes se succèdent dans une progression nettement à sens unique, les pistes sont brouillées dans le temps aussi bien que dans l'espace. Rester Vertical ne rechigne pas à montrer des trajets en voiture ou en barque, mais ailleurs, n'hésite pas non plus à opérer des elli…

L'antre de la folie (1994)

Je trépigne régulièrement à l'idée d'une adaptation digne de Lovecraft, et j'aimerais citer avec la ferveur de mise son influence prééminente sur In the Mouth of Madness. Hélas, de ma part, ce serait mentir. Il ne suffit pas d'évoquer une horreur indicible dans un nombre réduit de scènes, encore faut-il se tenir à cette attitude silencieuse et suggérée... Quand John regarde dans l'abîme des Anciens avec la caméra qu…

Vacances à Venise (1955)

David Lean est décidément un grand touche-à-tout. S'il avait été du style à bosser nuit et jour, étant donné la variété des intérêts que sa filmo laisse transparaître, Kubrick serait un bon point de comparaison. Summertime passe pour un film mineur dans sa carrière, mais l'ignorer face à The Bridge on the River Kwai ou à Lawrence of Arabia reviendrait un peu à dire que Paths of Glory est une bobine facilement oublia…

Faits Divers (1983)

Je vois des gens écrire que Depardon nous rappelle ce que c'est que la réalité en nous montrant des victimes de viol et des violeurs, des kidnappeurs d'enfant, des drogués, des suicidaires, des mamies cliniquement séniles, d'autres plus simplement frontistes, et tutti quanti. Le titre est pas assez clair peut-être ? Faits Divers, c'est-à-dire tout ce qui va dévier de la rengaine tranquille du parigot et être un tant…