Showgirls

un film de Paul Verhoeven (1995)

vu le 18 septembre 2016 au Brady

Il y a anguille sous roche, et les indices tombent assez rapidement : Paul Verhoeven, le réalisateur des sommets d'ironie acide Robocop et Starship Troopers ; Kyle MacLachlan, acteur fétiche de Twin Peaks, beau gosse mensonger de l'Amérique ;

"I'm afraid of Americans" en discret fond sonore de la première discothèque, morceau assez explicite de Bowie (en passant, j'étais convaincu que c'était un morceau de l'angoissé Outside, en fait il est apparu sur le suivant, Earthling... mais a été écrit pendant les sessions de Outside, tout est dit).

Bref, comme avec ses films de SF, ou comme NWR avec The Neon Demon, Verhoeven s'approprie l'esthétique de l'ennemi pour mieux le ronger de l'intérieur. En l'occurrence, on parle ici de Vegas la dépravée, et plus globalement d'une certaine tendance de la culture américaine à confondre les corps des femmes avec des hamburgers juteux à dévorer comme un porc en se foutant de la graisse partout sur le visage.

C'est laid, c'est kitch, ça fait vraiment mal aux yeux sur la durée. C'est irritant tellement c'est outré et agressif. Mais c'est exactement ce que Verhoeven visait. Le film a gagné 7 Razzie Awards et c'est dire la débilité des types à l'oeuvre derrière cette cérémonie. Je le dis et je le pense, c'est un travail d'écriture et de réalisation parmi les plus impressionnants de sa décennie. Quand on essaye de regarder à côté des projecteurs multicolores en surrégime ou des actrices qui en font des tonnes, le travail de Verhoeven est visiblement minutieux et déterminé. Ca pique les yeux, mais c'est un démontage en règle de ce commerce de la chair.

Anecdotes atterrantes : une actrice a refusé le rôle parce qu'elle le trouvait sexiste, la promo du film s'appuyait avant tout sur le fait qu'ils vendaient de la chair fraîche (donc, exactement ce que le film dénonce), et DiCaprio et ses potes auraient harcelé Berkley après qu'elle a repoussé leurs avances.

A la fin, ce panneau "Los Angeles", suggestion à peine voilée qu'Hollywood est aussi pourrie que Vegas... Pas étonnant, en définitive, que Showgirls se soit fait trasher dans tous les sens. Du culot et du talent, ce Verhoeven.