Les plages d'Agnès (2008)

C'est amusant, et en fait surtout révélateur, qu'Agnès Varda, lancée dans le premier projet ouvertement autobiographique de sa carrière, se mette si rapidement en retrait de la caméra, pour montrer ses collaborateurs (récents ou non, jeunes ou non), sa famille, ses amis, et une quantité infinie d'anonymes avec qui elle a interagi au cours de sa carrière. Son identité et son but semblent avoir toujours été de tenter …

Madame de... (1953)

Il y a deux façons de voir le classique de Max Ophuls. D'un côté, les décors coquets, les costumes élégants, les interprétations gracieuses et les valses de caméra, graduellement rejoints par l'expression sobre de sentiments solennels quoique sincères, nourrissent une esthétique des plus raffinées. Comme Bertolucci dans Le Conformiste, Ophuls se livre à cet exercice distingué sous le prétexte de déjouer les appar…

Sans soleil (1983)

"La poésie naît de l'insécurité : Juifs errants, Japonais tremblants. A vivre sur un tapis toujours prêt d'être tiré sous leurs pieds par une nature farceuse, ils ont pris l'habitude d'évoluer dans un monde d'apparences fragiles, fugaces, révocables, des trains qui volent de planète en planète, des samouraïs qui se battent dans un passé immuable : cela s'appelle l'impermanence des choses." Mais sérieux qui ose éc…

Baby Driver (2017)

Baby Driver est cool, tellement cool qu'il parvient à passer pour pop alors qu'il déterre des vinyles pas possibles pour son OST et que sa fluidité cache une expertise de mise en scène déterminée et redoutable. Parfois même un peu trop cool pour son propre bien, laissant entendre que les braquages et la violence c'est quand même super fun (j'ai surtout la happy end en travers de la gorge, alors que jusqu'avant les d…

Daguerréotypes (1976)

J'ai vécu dans le rayon de cent mètres autour de la maison d'Agnès Varda, qui a servi de zone de tournage pour Daguerréotypes il y a quarante ans. Merci au Reflet Médicis de m'avoir enfin permis d'assouvir ma curiosité égocentrique pour ce documentaire. :') Encore chez Varda cette passion à aller vers les autres, à essayer de les raconter, à montrer la part de beauté chez n'importe qui, pour peu qu'on s'y intéres…

Tideland (2005)

La première heure suffira largement. Tideland est un remix naïvement glauque des précédents films de Gilliam : on y fait quand même péter un cadavre, plusieurs fois... Une gamine déambule entre des sketchs surréalistes pendant qu'elle déblatère un monologue assommant, le tout sous les angles obliques de la caméra de Gilliam, plus éreintants encore que dans The Zero Theorem. Il s'agit bien de poésie, conçue pour être…

Rambo (1982)

N'ayant rien lu auparavant sur le film, extrapolant sur la base de l'affiche et de la réputation de la saga, je m'attendais à un actionner bourrin. Oui mais. En fait je ne m'étais pas autant plantée dans mes attentes depuis Saturday Night Fever : le premier Rambo, non content d'être très efficacement mis en scène, est un plaidoyer paradoxal de non-violence, écrit avec de vraies subtilités. Contrairement à The Dee…

Noriko's Dinner Table (2005)

Mon cinquième Sono Sion, en demi-teinte. J'avais peur de la durée, mais c'est passé sans encombre, grâce au style de narration exhaustive que j'avais rencontré dans Why Don't You Play in Hell et que je commence à bien connaître : narrateurs/personnages principaux multiples, enchevêtrement temporel très équilibré, spontanéité des voix off. Seulement, autant sur ce travail d'écriture et montage, que sur les thèmes de …

Love Hunters (2016)

J'ai appris à suivre à l'aveugle bon nombre de recos de Fritz. Beaucoup de belles surprises à l'arrivée, mais on ne se retrouve pas du tout sur Hounds of Love. Tant pis, ça fait partie du jeu. Enfin tout de même, je reste dubitatif face à son appréciation, vu qu'on partage une même allergie à l'auteurisation des films de genre, et que Ben Young met complètement les pieds dans le plat à ce niveau... Le ralenti de …

Platoon (1986)

Bof j'ai arrêté au milieu, quand un soldat explosait le crâne d'un handicapé vietnamien à coups de crosse, avec force éclaboussures sanglantes sur ses pauvres, pauvres compagnons de peloton. Je sais pas ce qui m'ennuie le plus dans cet énième film de guerre : les dialogues virils et attardés des soldats surécrits par le scénario, la pudeur hypocrite d'un voyeurisme de la violence, ou bien le pleurnichage sur des jeu…

Le lauréat (1967)

The Graduate commence sur le jeunisme et l'embrigadement des classes moyennes-supérieures, puis part en sucette en tentant de maquiller une histoire de stalker en romcom d'émancipation, avec des dialogues qui tournent à la jacasserie. Même s'il ne rattrape pas complètement cette errance longuette, je salue la suprême ironie du dernier plan (qui semble avoir échappé à des chroniqueurs pourtant avertis) : le jeunot et…

L'échelle de Jacob (1990)

J'ai eu la peur de ma vie en voyant le film démarrer exactement au point où, de dégoût, je venais d'abandonner Platoon... Heureusement la suite s'avérait toute autre, et si j'ai eu un peu moins la peur de ma vie ensuite, c'était quand même glaçant dans le montage, les décors, la cinématographie et les effets spéciaux. Beaucoup de clins d'indices narratifs disséminés d'un bout à l'autre du film, parfois aussi dans le…

Visages, Villages (2017)

Vers la fin du docu, Agnès Varda explicite les motivations de cette campagne de collages photographiques temporaires : un petit projet fantasque et gratuit, destiné à connecter les gens, à sauver des images qu'elle oubliera bientôt, et à "inviter notre imagination chez vous". Pari réussi, même si le résultat est moins goûtu que Les Plages d'Agnès. Le scénario a cherché plus que d'habitude à faire parler les parti…

La rose pourpre du Caire (1985)

C'est un peu Midnight in Paris, sauf que les personnages fantasment sur des films plutôt que sur le passé. Seulement, que ce soit parce que Woody Allen conceptualise son public de façon un peu condescendante, ou bien parce que je ne suis pas le genre de public qui rêve sur les grandes romances hollywoodiennes, je me suis sentie moins concernée par The Purple Rose of Cairo que par d'autres œuvres du même auteur, aill…

Profession : reporter (1975)

Ne connaissant pas Antonioni, j'ai été tentée un moment de lire le film comme un James Bond sans humour ni glamour. Mais en prenant l'écriture au sérieux, les tourments existentialistes de Jack Nicholson apparaissent comme la motivation principale du projet. En jouant habilement entre l'intrigue et les compositions picturales, Antonioni se livre à des questionnements abstraits et plutôt à mon goût. Les ambitions dém…

Gangs of New York (2002)

Fresque populaire d'un peuple belligérant et hypocrite, l'expérience épique de Scorsese joue simultanément le spectacle et le commentaire politique. D'un côté, j'admire les efforts créatifs du new-yorkais pour développer une mythologie malgré un décor social aux valeurs tristement contemporaines, de l'autre j'hésite à approuver l'esthétisation glorifiante de toute cette foire malade. Quoi qu'il en soit, dans son pan…

Labyrinthe (1986)

Il me semble que j'ai vu ce film de fantasy enfantine à deux ou trois occasions, assez jeune. C'était probablement la première fois que je voyais Bowie à l'écran, même s'il m'a encore fallu quelques années pour apprendre qui il était. De façon plus marquante, je pense que c'était le premier personnage queer que je voyais à l'écran ; je ne comprenais pas ce qui se passait, mais ça n'empêchait pas une fascination cert…

L'enfance d'Ivan (1962)

Mince, sans parler d'excitation, j'étais franchement volontaire pour découvrir le premier Tarkovski. Malgré mes réserves sur Solaris, Le Miroir et Stalker, je pense que j'avais su prendre leurs propos au sérieux, et les commenter de façon significative. Mais Ivan, c'est gênant tellement je sais pas quoi en dire d'utile. Je pourrai parler de la fluidité de la caméra et de ses côtés un peu poseurs qui font tache dans …

Le jour d'après (2017)

Clés de lecture éparses : HSS est plus attaché à ses acteurs que d'habitude, et en même temps les sollicite sans vergogne. L'investissement requis pour ces longs plan-séquences est particulièrement intense. Existe-t-il une réalité, ou bien plutôt des expériences du réel (plurielles, subjectives) ? Bongwan est-il plutôt le déchet qui renvoie lâchement sa nouvelle employée pour revenir dans les bonnes grâces de …

Aguirre, la colère de Dieu (1972)

Je n'ai pas peur de la mort, car je ne mourrai jamais. Ma finitude est un échec, une aberration, et je ne l'accepterai pas. Je serai tout. Je ne peux pas mourir. Mon corps part en lambeaux. Les sangles retiennent des membres qui ne m'appartiennent pas. Les clous des coutures sont mes articulations. Mes jambes vacillent sous ma puissance terrible. Mon dos hurle, mais je l'ignore. J'ai tué mon sommeil et mes muscle…