Les fraises sauvages (1957)

J'appréhendais mon premier Bergman depuis Le Septième Sceau il y a bien une dizaine d'années, d'autant plus que j'ai eu le temps de développer une aversion raisonnée pour les films qui se prenaient excessivement au sérieux et versaient dans un symbolisme surchargé (c'est ainsi qu'a mûri mon souvenir du match Max von Sydow vs. Death). Les deux films ayant été tournés à quelques mois d'écart, mes craintes n'étaient pa…

Flash Gordon (1980)

Même en film à boire, j'ai peur que ça ne marche pas. Les dialogues sont tellement lourds et neutres qu'il est impossible d'y interpréter le même humour kitsch que dans les décors et les costumes. Flash Gordon est un super-héros sans pouvoir, et Queen signe la bande-son d'un film presque sans musique (je n'avais pas connu pareille déconvenue depuis Giorgio Moroder et Midnight Express). Un bon point pour la mise en s…

La source (1960)

Semi-surprise à nouveau du côté de Bergman. Malgré son éclat pictural, le premier acte n'a pas trop résonné en moi. La faute sans doute à quelques dialogues trop sentencieux et à une mise en scène qui accumule trop de non-dits. Et puis c'est l'horreur, et le film ne s'en relève jamais tout à fait. Les mots n'en sont pas rendus plus violents, mais les valeurs civilisées qu'ils représentaient ne sont plus qu'une coqui…

Le Point de non-retour (1967)

John Boorman est décidément un excellent conteur, mais ça lui joue ici quelques tours. Point Blank est une relecture inspirée du film noir dans une Californie poisseuse, mais le scénario peine à ralentir ses rebondissements en vue d'expliquer pourquoi on suit un Lee Marvin crispé, pourquoi on devrait s'attacher à lui. Bien que les multiples décors nourrissent une atmosphère à la fois urbaine, exotique et inquiétante…

Amer (2009)

Un film presque sans paroles, qui s'apprécie de la même façon. La chose la plus importante que j'aie à en dire, c'est que je me serais mordu les doigts de ne pas l'avoir vu en salle. Le premier long-métrage de Cattet et Forzani fait non seulement l'économie des dialogues, mais aussi celle de presque toute intrigue. Le scénario est construit comme une suite de rushs stylistiques grisants, qui poussent l'esthétique…

Il n'y a pas de rapport sexuel (2011)

Les séquences de "making-of" (peut-être un terme encore trop technique pour désigner une caméra qu'on laisse tout le temps tourner) montrent comme promis, crûment, les coulisses du porno des années 2000. Pour un peu qu'on se soit intéressé à la question auparavant, ce docu ne fait que confirmer ce qu'il était déjà permis de s'imaginer : derrière le spectacle dévolu à la performance et aux fantasmes grandiloquents, i…

Margot (2007)

Où l'on comprend que l'humour de Tim Burton, au milieu de ses accès de stop-motion gothique et macabre, le sauve en fait de la naïveté. La jeune réalisatrice de ce court-métrage plonge dans le glauque jusqu'à la caricature, au point que son scénario aligne les platitudes "je tue par amour, je meurs par amour, mon cœur est glacé et je souffre éternellement pour des siècles et des siècles". Dommage pour la constructio…

La jeune fille de l'eau (2006)

L'injustice et l'incompréhension qui entourent ce conte merveilleux me font pour une fois excuser le réalisateur qui trashe les critiques ciné au sein même de son récit... Personne ne cherche à comprendre la séquence post-prologue où Shyamalan tente d'écraser la teigneuse absence de fantaisie qui cloue désormais largement le public au sol. Personne ne parle du travail de caméra qui occulte consciencieusement ce m…

Les enquêtes du Département V: Miséricorde (2013)

J'aime bien mes potes et je peux pas leur en vouloir de m'imposer un polar danois à succès après les avoir dégoûtés avec une série B hong-kongaise, mais quand même : au secours c'est trop nul, et je sais pas comment m'échapper sans passer pour une cinéphile méprisante et une amie déplorable. C'est aussi cliché et vain que les champignons moisis qui foisonnent sur les étals des librairies de gare. Je suis pas capable…

Conversation secrète (1974)

A l'image de son héros, la sobriété apparente de Coppola n'est qu'une façade pour une créativité et des tensions de mise en scène inspirées, à la fois sur l'image et sur le son. C'est toujours un plaisir, en tant que spectateur, d'être entre ses mains. Sur l'étude paranoïaque et l'approche anti-romanesque, suffisamment d'encre a déjà coulé pour que je n'aie pas à m'épancher à mon tour. Je me contenterai de dire q…

Le ventre de l'architecte (1987)

J'ai beau lire quelques avis, je ne comprends rien de ce que Greenaway a cherché à accomplir ici. Le mieux que j'aie à dire, c'est qu'il filme l'architecture avec un appétit obscène comparable à la goinfrerie baroque de The Cook, the Thief, his Wife and her Lover. Quant à affirmer qu'il se cache des choses plus profondes derrière la déchéance de ce directeur d'exposition angoissé, j'attends qu'on m'en convainque. L'…

120 battements par minute (2017)

Il y avait, dans Les Revenants et paradoxalement plus encore dans Eastern Boys, un sens du mystère qui fait complètement défaut au troisième long-métrage de Robin Campillo. Le travail du réalisateur a ici le charme assez limité du déterrage d'archives, dans le but de recomposer le milieu militant de lutte contre le VIH et le sida au début des années 90, et évidemment, de sensibiliser le public d'aujourd'hui à la min…

D'après une histoire vraie (2017)

Malgré la bénédiction des amis cannois, le dernier film de Polanski, co-écrit avec Assayas, est d'une régularité plutôt décevante. Emmanuelle Seigner possède une gentille alchimie avec Eva Green, mais bien en-deçà de la passion troublante qu'elle pouvait partager avec Amalric dans La Vénus à la fourrure. Cause ou conséquence, la mise en scène reste plutôt ténue, revisitant sans éclat la paranoïa et l'érotisme domest…

A Beautiful Day (2017)

C'est un peu la frustration qui prime à la fin de You Were Never Really Here ; le constat de deux talents immenses, qui ont accordé leur énergie à des partitions déjà jouées. Lynne Ramsay d'une part, qui met en scène une violence silencieuse et traumatisante, que le montage et le cadrage tentent d'occulter mais qui ne cesse de réinvestir brutalement l'écran. Sans doute cette recherche esthétique n'avait jamais ét…

Ratcatcher (1999)

Je n'ai pas compris ce que Lynne Ramsay cherchait à accomplir avec son premier long-métrage, mais il faut lui reconnaître du caractère. Au niveau de la photographie déjà : c'est un peu l'équivalent visuel du jus de poubelle. Le contexte s'y prête particulièrement, 1973 et un quartier prolétaire de Glasgow en passe d'être démembré, la grève des éboueurs, le désœuvrement de la jeunesse... On sent la lumière constam…

Alien: Covenant (2017)

L'essentiel se joue en cinq minutes. Weyland Scott proclame d'entrée de jeu que rien n'importe en dehors de la question des origines, et franchement discute pas mec, sers-moi juste le thé, et aboule le fric de ta place de ciné. Adieu à toute réflexion moderne, et adieu à votre liberté d'esprit en tant que spectateur. Les inspirations de Weyland Scott ? Le David de Michel-Ange, pour ne pas perdre le dernier tou…

D.A.F.T. (2000)

Il y a une abstraction qui ne manque jamais de m'émouvoir quand j'écoute Random Access Memories, et en particulier Touch et Giorgio by Moroder : c'est la façon dont les Daft Punk rendent hommage à leurs précurseurs sans aucun voile, décortiquent leurs propres origines, réincarnent leurs inspirations, tout en s'en servant pour rebondir et emmener leur création plus loin. Les deux morceaux se terminent chacun avec une…

Tout le monde dit I love you (1996)

On attend pas forcément Woody Allen sur le terrain de la comédie musicale, mais il y a de jolies chorés, des plans-séquences sympatoches, il s'en sort agréablement bien. La sphère de haute-bourgeoisie dans laquelle le new-yorkais se prélasse peut irriter, mais il a rarement autant reconnu le privilège de son petit nuage que dans cette gigue enjouée. En comparaison, ça n'a pas moins à raconter que La La Land, mais l'…

The Fall (2006)

Mazette, quel voyage. Une vingtaine de pays reliés entre eux par un montage visionnaire, plein d'analogies surprenantes mais fluides. Décors, costumes, couleurs, le production design enterre à peu près tout ce qui s'est fait avant et depuis. Aussi grandiose que les plus ambitieux projets de Gilliam et Jodorowsky. Du rêve fait film, avec une proclamation d'amour explicite au cinéma en plus, sincère, personnelle et ex…

Comedian (2002)

La caméra suit Jerry Seinfeld dans les comedy cellars new-yorkais, et raconte un peu ce que c'est que de faire du stand-up. C'était l'occasion de confirmer que le gars me fait pas rire (bonjour les blagues xénophobes), mais ça ne m'a pas empêché d'être un peu intéressée par le travail, l'excitation et la dépendance par lesquels passent les comédiens. C'était comme certaines séquences de la série Louie, mais sans jam…