Les fraises sauvages

Smultronstället

un film de Ingmar Bergman (1957)

J'appréhendais mon premier Bergman depuis Le Septième Sceau il y a bien une dizaine d'années, d'autant plus que j'ai eu le temps de développer une aversion raisonnée pour les films qui se prenaient excessivement au sérieux et versaient dans un symbolisme surchargé (c'est ainsi qu'a mûri mon souvenir du match Max von Sydow vs. Death). Les deux films ayant été tournés à quelques mois d'écart, mes craintes n'étaient pas tout à fait injustifiées, quoique Les Fraises sauvages m'ait réservé quelques surprises.

L'exposition est ici un excellent moteur du récit, du fait que la demi-heure qui la suit va s'appliquer à la déconstruire et à la contredire. Ainsi le personnage principal, un docteur célébré qui semblait apaisé et à la fin de son histoire, se voit remettre en question par sa belle-fille, par de vieux souvenirs qui l'assaillent, et par des inconnus croisés sur le chemin ; et ce qui s'annonçait comme un drame domestique se change subrepticement en road movie. La composition des plans pourrait passer pour austère, mais la beauté des décors forestiers et l'expressivité contenue des acteurs finissent par laisser voir une belle humilité plutôt qu'un dénuement punitif. Enfin l'écriture de certaines scènes se fait parfois avec une légèreté que je n'attendais pas, mais tout à fait bienvenue.

Malheureusement le scénario patine dans sa seconde moitié. Les nombreuses métaphores des séquences de rêves sont d'autant plus artificielles et dures à avaler que leur mise en scène fort démonstrative ne raccorde pas avec une imagerie onirique. Mais le plus gênant à mes yeux, c'est que Bergman jongle avec la famille, la mort, la foi, l'amour, le passé, les regrets, la routine, l'inconnu, bref une collection de thèmes dont le nombre et la généricité l'empêchent de formuler la moindre vérité mémorable. On navigue donc dans un grand flou, certainement bien intentionné mais finalement sans enjeu.

Je peux à la limite envisager que Bergman ait cherché à narrer sa propre histoire, en se faisant interpréter par un vieil homme littéralement deux fois plus vieux que lui (un peu prétentieux, si vous voulez mon avis). Mais du coup le film blêmit en face du Miroir de Tarkovski... Je continuerai à explorer sa filmographie sans trop y croire, peut-être que je trouverai plus de satisfaction plus loin dans sa carrière.