L'échelle de Jacob (1990)

J'ai eu la peur de ma vie en voyant le film démarrer exactement au point où, de dégoût, je venais d'abandonner Platoon... Heureusement la suite s'avérait toute autre, et si j'ai eu un peu moins la peur de ma vie ensuite, c'était quand même glaçant dans le montage, les décors, la cinématographie et les effets spéciaux. Beaucoup de clins d'indices narratifs disséminés d'un bout à l'autre du film, parfois aussi dans le…

Visages, Villages (2017)

Vers la fin du docu, Agnès Varda explicite les motivations de cette campagne de collages photographiques temporaires : un petit projet fantasque et gratuit, destiné à connecter les gens, à sauver des images qu'elle oubliera bientôt, et à "inviter notre imagination chez vous". Pari réussi, même si le résultat est moins goûtu que Les Plages d'Agnès. Le scénario a cherché plus que d'habitude à faire parler les parti…

La rose pourpre du Caire (1985)

C'est un peu Midnight in Paris, sauf que les personnages fantasment sur des films plutôt que sur le passé. Seulement, que ce soit parce que Woody Allen conceptualise son public de façon un peu condescendante, ou bien parce que je ne suis pas le genre de public qui rêve sur les grandes romances hollywoodiennes, je me suis sentie moins concernée par The Purple Rose of Cairo que par d'autres œuvres du même auteur, aill…

Profession : reporter (1975)

Ne connaissant pas Antonioni, j'ai été tentée un moment de lire le film comme un James Bond sans humour ni glamour. Mais en prenant l'écriture au sérieux, les tourments existentialistes de Jack Nicholson apparaissent comme la motivation principale du projet. En jouant habilement entre l'intrigue et les compositions picturales, Antonioni se livre à des questionnements abstraits et plutôt à mon goût. Les ambitions dém…

Gangs of New York (2002)

Fresque populaire d'un peuple belligérant et hypocrite, l'expérience épique de Scorsese joue simultanément le spectacle et le commentaire politique. D'un côté, j'admire les efforts créatifs du new-yorkais pour développer une mythologie malgré un décor social aux valeurs tristement contemporaines, de l'autre j'hésite à approuver l'esthétisation glorifiante de toute cette foire malade. Quoi qu'il en soit, dans son pan…

Labyrinthe (1986)

Il me semble que j'ai vu ce film de fantasy enfantine à deux ou trois occasions, assez jeune. C'était probablement la première fois que je voyais Bowie à l'écran, même s'il m'a encore fallu quelques années pour apprendre qui il était. De façon plus marquante, je pense que c'était le premier personnage queer que je voyais à l'écran ; je ne comprenais pas ce qui se passait, mais ça n'empêchait pas une fascination cert…

L'enfance d'Ivan (1962)

Mince, sans parler d'excitation, j'étais franchement volontaire pour découvrir le premier Tarkovski. Malgré mes réserves sur Solaris, Le Miroir et Stalker, je pense que j'avais su prendre leurs propos au sérieux, et les commenter de façon significative. Mais Ivan, c'est gênant tellement je sais pas quoi en dire d'utile. Je pourrai parler de la fluidité de la caméra et de ses côtés un peu poseurs qui font tache dans …

Le jour d'après (2017)

Clés de lecture éparses : HSS est plus attaché à ses acteurs que d'habitude, et en même temps les sollicite sans vergogne. L'investissement requis pour ces longs plan-séquences est particulièrement intense. Existe-t-il une réalité, ou bien plutôt des expériences du réel (plurielles, subjectives) ? Bongwan est-il plutôt le déchet qui renvoie lâchement sa nouvelle employée pour revenir dans les bonnes grâces de …

Elaenia (2015)

tracé en simultané. édition minimale. Nespole. mise en bouche. démonstration d'un enseignement classique, où les phrases de glitch se répondent en écho. orfèvre, horloger ; frottements brossés. tension fondamentale, exprimer la fluidité et la sensualité derrière le caractère discret de la musique électronique. un manifeste. Silhouettes. la grande composition. les ombres des chœurs qui se révèlent. l'envers fan…

Aguirre, la colère de Dieu (1972)

Je n'ai pas peur de la mort, car je ne mourrai jamais. Ma finitude est un échec, une aberration, et je ne l'accepterai pas. Je serai tout. Je ne peux pas mourir. Mon corps part en lambeaux. Les sangles retiennent des membres qui ne m'appartiennent pas. Les clous des coutures sont mes articulations. Mes jambes vacillent sous ma puissance terrible. Mon dos hurle, mais je l'ignore. J'ai tué mon sommeil et mes muscle…

Jeannette, l'enfance de Jeanne d'Arc (2017)

Est-ce que vous verrez jamais ça ailleurs ? Non. Est-ce que ça vous touchera ? Probablement pas. P'tit Quinquin et Ma Loute ont prouvé à tout le monde que Dumont avait un caractère bien trempé et ne craignait pas d'être radical. Son problème dans Jeannette, c'est qu'il n'a tellement plus peur de rien qu'il confond long-métrage et travail de recherche. La production se laisse distraire par toutes les improvisat…

Excalibur (1981)

Je me suis lancée là-dedans sur la foi du nom de John Boorman, alors que j'étais pas trop d'humeur et que le mythe d'Arthur ne m'a jamais emportée très loin. Et le film m'a happé dans son monde fantastique d'un bout à l'autre. Bon travail d'adaptation et excellente mise en scène, pleine d'attention aux décors et d'estime pour les personnages. Je n'ai même pas envie de reprocher durement au scénario de faire de la lé…

Fusion (2003)

Des ingénieurs qui s'amusent, dans une version alternative de SF spatiale. J'ai souri, soit parce que c'était inepte (la destruction de Rome par de méchants éclairs, quelle blague), mais plus souvent parce que les équipes derrière font preuve d'une imagination candide pour s'attaquer à des conditions physiques pas communes. Le vaisseau ver de terre est une belle création, la caverne géode pourquoi pas aussi... Je co…

Perfect Blue (1997)

Satoshi Kon, grand fou. J'attendais de me sentir bizarre au milieu d'une nuit pour découvrir son premier long-métrage, et ça n'a pas raté. Sans épiloguer sur le charme de la belle animation 90s ni l'horreur insidieuse du piège dissociatif qui se joue, parce que les frontières entre l'actrice (de la diégèse) et le personnage qu'elle interprète sont si habilement et violemment brouillées, je n'ai jamais autant eu l'im…

Public Enemies (2009)

Au bout d'un quart d'heure, je me vois déjà arrêter. Un scénario de film de gangster terriblement codifié, qui jette ses ficelles comme on l'attend et ne promet ni surprise, ni plaisir, ni enseignement. Mais le carton rouge, c'est de filmer tout ça caméra à l'épaule, avec la pire rudesse du numérique. Mann a beau être sur son terrain, c'est d'une contre-productivité dramatique par rapport à la figure fantasmée du ba…

Domino (2005)

Tony Scott tente d'intensifier la grammaire cinématographique américaine dans un paroxysme de mauvais goût, mais ni la "créativité" ni l'intrigue ne sont assez intenses pour maintenir mon attention. J'ai arrêté au bout d'une demi-heure, quand Keira Knightley offre ses fesses à un gangsta latino dans un lap dance salement gratuit. Si en fait c'était de la satire à la Showgirls ou Spring Breakers, prévenez-moi, mais l…

Le papier ne peut pas envelopper la braise (2007)

Ce soir j'ai regardé un Cronenberg en mangeant, puis un docu sur des prostituées cambodgiennes avant de me coucher. Absolument plombant. Je sais pas d'où viennent ces motivations subites de visionnage, mais à ce niveau de bêtise j'ai peur de m'enfermer sur mon palier avant de réussir à atteindre mon lit... Pas grand-chose à ajouter aux textes de gallu et Fritz ("merci" pour la reco), autrement. Rithy Panh ne fait…

Toto le héros (1991)

Mr Nobody meets Harold Crick. Du trivial maquillé en tragi-comique, plein de clichés pour que chacun s'y retrouve, et du coup pas très accrocheur en ce qui me concerne. Dans la même veine, la mise en scène mange à tous les râteliers, sans parvenir à imposer sa propre identité. Avec son histoire de bébés échangés, Jaco van Dormael a l'air un peu obsédé par cette idée qu'on puisse lui voler sa vie dès l'enfance. Pense…

Le nom de la rose (1986)

Le vénérable Jorge l'explique vers la fin du film : le rire tue la peur, et la peur tue la foi. Jean-Jacques Annaud est ainsi très conscient de ce qu'il accomplit dans son adaptation, en mettant en scène Sean Connery comme un Sherlock facétieux dans une abbaye franciscaine (à moins que ce ne soit une boîte gay médiévale). Il veut amuser, il veut divertir, mais il le fait hélas aux dépens de l'atmosphère roman gothiq…

La jetée (1962)

Euh ? Je suis complètement passée à côté. Chris Marker fait un "photo-roman", on ne peut pas lui reprocher de mentir sur la marchandise. Mais quelle idée pour tant de critiques d'y voir une remise en question inventive du mouvement au cinéma ? C'est au contraire une régression vers un mode narratif qui appartient à la littérature, et une grammaire visuelle qui relève de l'animation archaïque. C'est différent oui,…