Baraka (1992)

Après avoir vu et applaudi Koyaanisqatsi, il était difficile de ne pas craindre de trouver en Baraka une photocopie léchée mais sans intérêt. C'était sans savoir que Ron Fricke était déjà chef op' du film de Godfrey Reggio, et que par conséquent, il était presque impossible qu'il soit animé par autre chose que d'excellentes intentions. Je me calme sur les négations en cascade, promis. Koyaanisqatsi parlait de pro…

Planète interdite (1956)

Il y a une énorme méprise qui entoure ce classique des space operas, et à laquelle l'affiche m'avait d'ailleurs rendue vulnérable avant que je ne parvienne au milieu du film : je parle de la croyance qu'il s'agirait d'un monument de sexisme. Clairement, Forbidden Planet capitalise sur la libido réprimée de geeks 50s en mal de space bunnies, en mettant en avant une midinette ingénue qui tombe dans les bras de militai…

Théorème (1968)

Teorema est aux antipodes de l'agressivité graphique de Salò, mais les deux films partagent une même révolte contre la bourgeoisie. Terence Stamp, magnétique, vient bouleverser les préjugés (sentimentaux, sociaux, économiques, sexuels, artistiques...) de chacun des quatre membres d'une famille italienne cossue. Dans un second temps, abandonnés à eux-mêmes, ils s'auto-détruisent un à un, incapables d'embrasser les id…

Le dernier des Mohicans (1992)

Sans passif de jeunesse avec ce film, je n'ai pas trouvé quoi en tirer. The Last of the Mohicans est une bizarrerie dans la filmographie de Michael Mann, mais les incursions lyriques auxquelles il se livre ne sont pas toutes heureuses. Qu'il s'agisse du thème orchestral de vingt tonnes, de la romance cliché, ou des regards de cent mètres de long que les acteurs s'échangent à chaque scène (parfois au ralenti, youpi),…

Last Action Hero (1993)

Touchant dans son quart d'heure initial, vu à travers les yeux d'un gosse cinéphile, le film s'essouffle paradoxalement quand il fait passer l'action au premier plan. Au carrefour de la fantaisie du cinéma d'aventure des années 80 et de l'humour référencé qui obsède l'industrie depuis les années 2000, la tentative de parodie des codes du blockbuster a tendance à s'abîmer dans une liste échevelée de clins d'œil trop …

L'homme sans passé (2002)

Je n'osais pas m'enfermer dans une salle avec De l'autre côté de l'espoir, mais je voulais tout de même vérifier qu'Aki Kaurismäki ne me parlait pas. C'est chose faite avec L'Homme sans passé, histoire douce-amère d'un quadra amnésique, qui cache sa vacuité derrière un manichéisme naïf propre à séduire les festivaliers (le système social est indifférent et cruel mais les damnés de la terre se serrent les coudes et o…

Uzak (2002)

Procrastination et misère sentimentale : programme alléchant du troisième long-métrage de Nuri Bilge Ceylan. Le scénario est comme attendu taciturne, bien qu'il jongle finalement avec des réflexions déjà très proches de Winter Sleep. (Pour rappel, sur la forme, la logorrhée de la Palme 2014 vaut pour antithèse de son cinéma, conçue en partie comme réponse à ses détracteurs.) Il est tentant d'inscrire Uzak dans un…

Les glaneurs et la glaneuse (2000)

Difficile transition entre l'équilibre de Richard Brouillette et le documentaire "à l'instinct" d'Agnès Varda. L'impression qu'elle ouvre des portes au hasard, trace des parallèles plus ou moins arbitraires... Surtout quand elle vient parler de son processus créatif, sans rapport apparent avec les anonymes qu'elle est allée filmer. Des bonnes et douces intentions contre le gaspillage, mais dont la matérialisation fr…

L'encerclement - La démocratie dans les filets du néolibéralisme (2008)

Cqfd... Le montage et même la couleur s'effacent pour laisser la parole aux intellectuels et à une poignée d'intertitres. Les discours ont manifestement été millimétrés au mot près afin de maximiser le potentiel pédagogique du documentaire, et c'est une franche réussite (malgré sa rareté, j'avais déjà pu observer l'efficacité de cette didactique dans Poétique du cerveau, fin 2015). Doucement mais sûrement, les expli…

Kids Return (1996)

Malgré quelques jours de réflexion, je ne peux pas me départir du sentiment d'avoir assisté avec Kids Return à une version larvée de la mélancolie qui imprègne Sonatine et Hana-bi. Pris en tant que tel, Kids Return mériterait pourtant qu'on s'y attarde, qu'on y décortique la sensibilité de Kitano. Mais le film s'embarrasse d'une narration qui désarçonne, conjonction des ellipses sauvages propres au réalisateur et d'…

Z (1969)

La référence du thriller politique, indépassée depuis cinquante ans ? Conflit idéologique, attentat, propagande, conspiration, trafic d'influence, organisation paramilitaire, charognards de la presse, drame intime, tout y est. L'équilibre du scénario, touffu mais fluide, est d'autant plus incroyable que l'affaire racontée est directement inspirée d'un tournant politique majeur pour la Grèce. La mise en scène, ton…

L'imaginarium du docteur Parnassus (2009)

Que Gilliam se soit perdu en cours de route ou que nos mondes intérieurs respectifs souffrent d'un fossé impossible à combler, Parnassus achève de me montrer, en complément de Fear and Loathing in Las Vegas, Tideland et Zero Theorem, que je ne tolère pas de voir le surréalisme se compromettre au divertissement foutraque qui imprègne l'industrie ciné depuis la fin des 90s. Ce vain sens du spectacle désamorce les visi…

La valse des pantins (1982)

Je crois désormais comprendre que, après des années 70 marquées par des histoires nerveuses et téméraires, Scorsese a prolongé son oeuvre en faisant poindre l'angoisse derrière l'agressivité, avec un crescendo assez clair et trop peu commenté pendant les années 80 : The King of Comedy, le névrosé After Hours, puis le lancinant The Last Temptation of Christ. Il me manque certains épisodes de sa filmographie, notammen…

Constantine (2005)

Je voulais rattraper ce machin qui avait tant fait jaser ma classe de 3ème. Mais douze ans plus tard (deux fois plus vieille... *angoisse*), je suis pas capable d'apprécier un tel torchon, et puis j'ai perdu contact avec mes potes du collège de toute façon. Fin du voyage. N'ayant aucune connaissance du comics d'origine, je ne saurais pas précisément distribuer les torts, mais ils doivent au moins autant venir de …

Dersou Ouzala (1975)

J'ai trouvé mon Kurosawa préféré, avant de faire un dernier détour du côté de Rêves. Dépouillé du moralisme (certes bienfaisant) qui infuse et m'a donné du fil à retordre sur des classiques tels que Barberousse, Sanjuro, ou encore Dodes'kaden, Dersou Ozala témoigne d'une philanthropie candide, quoique sincère et émouvante (comme dans Vivre), tout en se livrant à des performances cinématographiques exaltantes. Jamais…

World of Tomorrow (2015)

Le nom de Don Hertzfeldt me laissait jusqu'ici méfiante : j'avais cordialement détesté le noirceur gratuite de ses court-métrages de jeunesse (dont Billy's Balloon et Rejected sont les plus connus), et la trilogie It's Such a Beautiful Day alternait un peu trop entre l'auto-flagellation dépressive et la mélancolie rêveuse pour que je l'embrasse totalement. Dernière étape en date, l'intro de deux minutes réalisée pou…

Amadeus (1984)

J'ai cru pouvoir résister au director's cut de trois heures en suivant la frustration du personnage de F. Murray Abraham, confronté au génie d'un jeune Mozart indécent d'excentricité frivole. Seulement la progression de son personnage est très inégale, tour à tour hypocrite, révérencieux, vicieux, passionné... Ces motivations inconsistantes vident le scénario de tout crédit à commenter le processus de création artis…

Catwoman (2004)

Il fallait que je vérifie si c'était drôle. J'ai pu y croire le premier quart d'heure, puis mes yeux ont commencé à saigner face à ces travellings de synthèse hideux, mes oreilles crachaient du pus devant les interactions idiotes des personnages sur fond de r'n'b skyrock 90s crasseux, et mon cerveau a fini par se casser au Guatemala, dégoûté de cette équivalence affichée entre libération de la femme et sexualisation…

La sorcellerie à travers les ages (1922)

Le premier quart d'heure horriblement pédagogue (une moitié d'intertitres, une autre moitié de plans quasi fixes) a failli avoir ma peau, puis le film prend des directions assez inattendues. Que ce soit parce qu'il n'y avait pas encore de codes documentaires en vigueur, ou parce que Christensen était particulièrement brillant, Häxan est empreint d'un éclectisme revigorant, jouant en plus avec brio dans chacun des re…

Cartel Land (2015)

C'est franchement déstabilisant de tomber sur un documentaire avec à peu près la même photo que le Serpico de Villeneuve. Heineman est allé filmer deux groupes de vigilantes, un au centre du Mexique, l'autre en Arizona. Le ton n'est ni accusateur, ni protecteur, et vu que les gouvernements respectifs n'ont pas été invités à commenter leur impuissance face caméra, il y a moyen de croire que certaines de leurs actions…