Le ventre de l'architecte (1987)

J'ai beau lire quelques avis, je ne comprends rien de ce que Greenaway a cherché à accomplir ici. Le mieux que j'aie à dire, c'est qu'il filme l'architecture avec un appétit obscène comparable à la goinfrerie baroque de The Cook, the Thief, his Wife and her Lover. Quant à affirmer qu'il se cache des choses plus profondes derrière la déchéance de ce directeur d'exposition angoissé, j'attends qu'on m'en convainque. L'…

120 battements par minute (2017)

Il y avait, dans Les Revenants et paradoxalement plus encore dans Eastern Boys, un sens du mystère qui fait complètement défaut au troisième long-métrage de Robin Campillo. Le travail du réalisateur a ici le charme assez limité du déterrage d'archives, dans le but de recomposer le milieu militant de lutte contre le VIH et le sida au début des années 90, et évidemment, de sensibiliser le public d'aujourd'hui à la min…

D'après une histoire vraie (2017)

Malgré la bénédiction des amis cannois, le dernier film de Polanski, co-écrit avec Assayas, est d'une régularité plutôt décevante. Emmanuelle Seigner possède une gentille alchimie avec Eva Green, mais bien en-deçà de la passion troublante qu'elle pouvait partager avec Amalric dans La Vénus à la fourrure. Cause ou conséquence, la mise en scène reste plutôt ténue, revisitant sans éclat la paranoïa et l'érotisme domest…

A Beautiful Day (2017)

C'est un peu la frustration qui prime à la fin de You Were Never Really Here ; le constat de deux talents immenses, qui ont accordé leur énergie à des partitions déjà jouées. Lynne Ramsay d'une part, qui met en scène une violence silencieuse et traumatisante, que le montage et le cadrage tentent d'occulter mais qui ne cesse de réinvestir brutalement l'écran. Sans doute cette recherche esthétique n'avait jamais ét…

Ratcatcher (1999)

Je n'ai pas compris ce que Lynne Ramsay cherchait à accomplir avec son premier long-métrage, mais il faut lui reconnaître du caractère. Au niveau de la photographie déjà : c'est un peu l'équivalent visuel du jus de poubelle. Le contexte s'y prête particulièrement, 1973 et un quartier prolétaire de Glasgow en passe d'être démembré, la grève des éboueurs, le désœuvrement de la jeunesse... On sent la lumière constam…

Alien: Covenant (2017)

L'essentiel se joue en cinq minutes. Weyland Scott proclame d'entrée de jeu que rien n'importe en dehors de la question des origines, et franchement discute pas mec, sers-moi juste le thé, et aboule le fric de ta place de ciné. Adieu à toute réflexion moderne, et adieu à votre liberté d'esprit en tant que spectateur. Les inspirations de Weyland Scott ? Le David de Michel-Ange, pour ne pas perdre le dernier tou…

D.A.F.T. (2000)

Il y a une abstraction qui ne manque jamais de m'émouvoir quand j'écoute Random Access Memories, et en particulier Touch et Giorgio by Moroder : c'est la façon dont les Daft Punk rendent hommage à leurs précurseurs sans aucun voile, décortiquent leurs propres origines, réincarnent leurs inspirations, tout en s'en servant pour rebondir et emmener leur création plus loin. Les deux morceaux se terminent chacun avec une…

Tout le monde dit I love you (1996)

On attend pas forcément Woody Allen sur le terrain de la comédie musicale, mais il y a de jolies chorés, des plans-séquences sympatoches, il s'en sort agréablement bien. La sphère de haute-bourgeoisie dans laquelle le new-yorkais se prélasse peut irriter, mais il a rarement autant reconnu le privilège de son petit nuage que dans cette gigue enjouée. En comparaison, ça n'a pas moins à raconter que La La Land, mais l'…

The Fall (2006)

Mazette, quel voyage. Une vingtaine de pays reliés entre eux par un montage visionnaire, plein d'analogies surprenantes mais fluides. Décors, costumes, couleurs, le production design enterre à peu près tout ce qui s'est fait avant et depuis. Aussi grandiose que les plus ambitieux projets de Gilliam et Jodorowsky. Du rêve fait film, avec une proclamation d'amour explicite au cinéma en plus, sincère, personnelle et ex…

Comedian (2002)

La caméra suit Jerry Seinfeld dans les comedy cellars new-yorkais, et raconte un peu ce que c'est que de faire du stand-up. C'était l'occasion de confirmer que le gars me fait pas rire (bonjour les blagues xénophobes), mais ça ne m'a pas empêché d'être un peu intéressée par le travail, l'excitation et la dépendance par lesquels passent les comédiens. C'était comme certaines séquences de la série Louie, mais sans jam…

Voyage of Time : Au fil de la vie (2016)

J'aimerais pouvoir faire comprendre aux sceptiques la rupture fondamentale entre le "créateur" et sa création, somme toute la même qui anime la pensée camusienne, et encore celle dont Cioran se désole indéfiniment. Mais c'est une tension qui se vit, puis qui s'apprivoise ; on ne peut pas l'apprendre par les mots. Quand bien même c'était le cas, quelle cruauté ce serait que d'imposer la conscience de ce tourment fond…

Vampiros Lesbos (1971)

Jess Franco a du caractère, mais je peux pas me sortir de la tête que tous les efforts qu'il déploie pour Vampyros Lesbos sont au service d'un érotisme stérile. C'est dommage pour le sens du cadre, dommage pour la bande-son psychédélique, mais vraiment les relents de soft porn s'infiltrent partout et court-circuitent le plaisir cinéphile que j'aurais pu éprouver devant cet objet bizarre. Quant à savoir si c'est l'ér…

Poetry (2010)

Au cinéma, la "poésie", c'est comme la contemplation et l'humanisme : on l'invoque dix fois pour une, parce que c'est plus facile de parler en des termes un peu creux que de chercher à comprendre, et oser juger, des valeurs plus profondes. Poetry, malgré son titre ronflant, n'est pas le désastre que l'on pouvait craindre, mais échoue quand même à transformer sa promesse en autre chose qu'un portrait doux-amer généri…

La règle du jeu (1939)

J'avais constaté la maîtrise de Renoir dans son adaptation de La Bête humaine, mais il aura fallu La Règle du jeu pour que je l'apprécie pleinement, loin de toute prétention naturaliste. Même 80 ans plus tard, ça reste un plaisir impertinent et tendre. L'écriture des personnages est un modèle encore moderne, la chorégraphie des acteurs et de la caméra est brillante, le menuet du montage est captivant. Une bulle de c…

Un singe en hiver (1962)

Le film me fait sentir trop jeune, ou peut-être trop vieux. Jeune parce que je ne suis pas sensible à ce duel monumental Gabin-Belmondo, et que la valse ciselée des dialogues d'Audiard ne m'émeut pas plus. Vieux parce que le thème de l'alcoolisme n'a sans doute plus beaucoup à me révéler, la mécanique de l'addiction, l'engourdissement comme échappatoire aux angoisses ou à la routine, etc. J'en suis pas encore à prôn…

Belle de jour (1967)

Catherine Deneuve se découvre des tendances masochistes et, plus largement, Buñuel proteste tranquillement contre la répression sexuelle au sein de la bourgeoisie. Autant sur la nature du projet que dans sa narration assez démonstrative, le cinéaste se fait donneur de leçon. Il ne s'érige pas *pour* quelque chose, mais *contre* ce dans quoi il ne se reconnaît pas. Un camp adverse dont il grossit d'ailleurs les trait…

Diva (1981)

Un polar français plutôt inattendu. L'écriture des personnages et les interprétations prêtent au film une atmosphère mélancolique et langoureuse assez rare. Par contre l'enquête ne se prive pas de quelques facilités honteuses. Mais c'est surtout la direction artistique (ou quel que soit le titre utilisé à l'époque) qui interpelle : d'un côté, on constate un grand amour pour Paris doublé d'un sens pictural affûté, ma…

Hana-bi - Feux d'artifice (1997)

Je n'ai rien d'un expert sur Kitano, mais j'ai eu l'impression d'un film encore plus clair que Kikujiro et Sonatine sur les motivations de son auteur. Si l'homme d'honneur mutique et intouchable n'est pas un cliché chez lui, c'est grâce à sa recontextualisation du personnage en tant qu'enfant désabusé. La violence exacerbée qu'il affronte avec flegme dans la fiction, c'est tous les obstacles minables mais pesants qu…

Monsters (2010)

Sur le papier, un croisement entre Cloverfield et District 9. À l'écran : des dialogues atroces, un couple principal inexistant, des péripéties sans queue ni tête... Le production design, c'est 50% de synthèse pas belle et 50% d'affiches "/!\ MONSTERS /!\" placardées sur des panneaux publicitaires mexicains. Gareth Edwards ne touche à aucun moment cette note surhumaine qui m'avait fait apprécier des bouts de Godz…

NWR (2012)

Un portrait qui déterre deux-trois archives intéressantes, mais manque visiblement de valeur ajoutée. NWR cabotine devant la caméra, agitant son personnage de génie nerd et mégalo, et le réalisateur du documentaire ne cherche jamais à le provoquer (ni par ses questions, ni par son montage) pour gratter la surface. Les minutes les plus mémorables viennent sans doute de Mads Mikkelsen, qui explique que, contraireme…