Mother! (2017)

J'aime bien, encore plus que les cinéastes qui croient à fond dans leur vision, les films qui font largement débat. Je regrette de ne pas me retrouver dans le camp des admirateurs de mother!, mais ça ne m'empêche pas de vouloir apporter ma pierre à l'édifice critique d'une œuvre qui, gageons-le, sera regardée d'ici quelques années avec la révérence fascinée ou l'amusement moqueur qui font l'héritage de The Tree of L…

Blade Runner: Black Out 2022 (2017)

Les parties les plus fascinantes du making-of de Blade Runner, Dangerous Days, expliquaient la répartition improvisée du travail de direction artistique. Ridley Scott, capitaine et visionnaire, distribuait ses ordres et exigeait des ajustements jusqu'à obtenir satisfaction, ou bien jusqu'à ce que les producteurs exécutifs le menacent avec une barre de fer. Syd Mead, inspiré par le Moebius de Métal Hurlant, imaginait…

Coeur de verre (1976)

Pile je me censure, face je fais dense, tranche ça importe. File. Je tenais en estime les surréalistes, et pourtant il a fallu que je redécouvre l'écriture automatique par moi-même pour comprendre ses implications, en scandant Elaenia ou en traversant le ciel. Et encore, ce n'est qu'en post-mortem que j'ai compris que ma recherche, d'autres l'avaient déjà parcourue. Proust et Rimbaud sont venus à bout des leur…

Kuso (2017)

Je vois les accusations véhémentes de trash gratuit fleurir de toutes parts, alors je voudrais brièvement rétablir quelques vérités, quitte à ce que ça passe par un texte torché. Kuso parle de peurs inconscientes. Pour celles et ceux qui parviennent à garder leurs oreilles ouvertes dans ce chaos sonore, fear est le mot que vous entendrez le plus. L'idée centrale du film, poussée dans son esthétique jusqu'à un par…

Liberation Day (2016)

Liberation Day tient plus du reportage que du cinéma. Je n'appelle pas ça mettre en scène un film, mais tenir un journal. Et en tant que reportage, le contenu est encore discutable. Le ton est en effet implicitement conciliant, se gardant d'interroger frontalement à la fois le régime nord-coréen et le groupe slovène Laibach, dont l'esthétique totalitaire est pour le moins troublante. Quand les membres ne commentent …

Neurons to Nirvana (2013)

Derrière le titre marketing et une poignée de plans un poil trop new age, c'est un docu très équilibré sur l'usage médicinal de substances psychédéliques : sur les restrictions aberrantes auxquelles elles sont assujetties, et sur les observations et perspectives thérapeutiques. En attendant mon futur texte sur le LSD (que j'aurai du mal à maquiller en critique, mais je ne m'arrête plus à ça depuis longtemps), c'est …

Les tontons flingueurs (1963)

Je venais pour asseoir ma découverte des dialogues de Michel Audiard, quelques mois après Un singe en hiver, et j'ai été servie. Son argot, trop démonstratif dans le premier quart d'heure, s'équilibre ensuite grâce à son travail sur les chutes. Avec un montage et un cadrage d'une qualité que je n'attendais pas pour du ciné français des années 60, et puis une brochette d'acteurs de premier plan, on comprend sans mal …

Matador (1986)

Matador est un épisode ingrat de la filmographie d'Almodóvar, articulation revêche entre ses films Movida et ses drames pulp plus matures. La mort y fait une entrée fracassante et criarde, et l'intraitable Pedro ne peut s'empêcher d'y mêler de grandes louches de sexe. Éros et Thanatos batifolent ensemble, mais sans profondeur. Et puis le programme n'est excitant qu'en pratique, car certaines interprétations hasardeu…

La cité sans voiles (1948)

Bien plus proche du documentaire que du film noir, The Naked City voit Jules Dassin filmer une New York authentique, intérieurs et extérieurs, loin des studios. Cette petite ambition naturaliste est malheureusement à peu près son seul mérite : l'enquête est procédurière, générique et pas intéressante, l'écriture et les interprétations sont assez quelconques, et la voix off est une plaie. Si j'habitais Manhattan, ça …

Rambo II : La mission (1985)

Déjà quand un film s'appelle "First Blood Part II", ça pue... Pour rappel, le premier Rambo est un film plutôt non-violent que l'inverse, et assez intelligent. La suite, cette fois conforme à la réputation de la saga, est un actioner indigent et franchement simpliste. Le scénario cosigné par Cameron n'est pas complètement manichéen, il y a des mercenaires américains qui en prennent un peu pour leur grade... Ma…

La part du hasard (1984)

À force d'enchaîner les films, derrière lesquels grouillent (dans le meilleur des cas) toute une équipe de techniciens talentueux, chapeautés par un metteur en scène aussi bien visionnaire que maître d'orchestre, j'avais perdu de vue le visage brut du génie. Dans ce documentaire, Patrick Bokanowski s'efface derrière les mains du peintre Henri Dimier, pour laisser la créativité pure s'exprimer. Animé des mêmes int…

Je veux seulement que vous m'aimiez (1976)

Peter est un gentil allemand, tendance je-me-laisse-marcher-sur-les-pieds. Il amène des fleurs à ses parents, à sa grand-mère, à sa femme, mais ils ont l'habitude, ils ne font plus gaffe, ils s'en foutent. D'ailleurs ses parents ont tellement l'habitude de l'avoir à leur botte qu'ils le remercient à peine après que gentil Peter leur ait construit une maison. Gentil Peter ne proteste pas contre son boss qui le paye u…

Thirty Years of Adonis (2017)

Que le réalisateur veuille filmer des beaux mecs à poil, avec une mise en scène un peu léchée mais au fond franchement gratuite, fondamentalement ça ne me gêne pas. Au bout d'une heure par contre, le temps commence à se faire bien long. Mais quand dans le dernier quart d'heure, Scud se sent de justifier son voyeurisme artsy, entre prétentions kharmiques et condescendance de cinéaste ("au fond j'aide mes acteurs à ré…

Tokyo Vampire Hotel (2017)

Je sais pas ce qui m'a fait le plus mal pendant cette séance : les torrents de violence, ou bien la débauche de fric grâce à la complicité d'Amazon. Sans doute plus le fric, en fait. Même si le spectacle sanguinolent est éreintant et désagréable, Sono Sion parvient à lui donner du sens en le raccordant avec le parcours désenchanté de son héroïne. Un monde indifférent, stupide et brutal, bourré de doutes et d'illu…

Mansfield 66/67 (2017)

Signé par les producteurs exécutifs de Room 237, ce docu semble en partager les mêmes tares (sur les base des retours que j'ai croisés). Des parallèles et des coïncidences forcées sont tracées autour de la vie de l'actrice Jayne Mansfield, pour embellir l'histoire de sa mort qui est d'une banalité tristounette. La première partie qui tentait d'expliquer son personnage au sein de la hiérarchie des stars hollywoodienn…

Thelma (2017)

De timides notes fantastiques disséminées le long d'une histoire coming-of-age assez attendue. La mise en scène est presque craintive par rapport à l'angoisse qu'elle veut instiller ; on sait que Joachim Trier ne vient pas du cinéma fantastique, mais enfin ça n'excuse pas non plus cette approche si réservée que le long-métrage en devient inoffensif. L'écriture des personnages est plus équilibrée, et leur interpré…

Mad God: Part 1 (2014)

Phil Tippett, le génie derrière les effets spéciaux de Star Wars, Jurassic Park, Starship Troopers (...) réalise dans l'ombre, depuis le début des années 2010, un film dont on peut déjà dire qu'il marquera l'histoire du cinéma d'animation. Sans dialogue, presque sans intrigue, mais storyboardé dans les moindres détails, Mad God est une plongée apocalyptique fascinante. Chaque plan, sans exception, regorge d'ambition…

Barbara (2017)

Post-moderne par excellence, Barbara (le film) est sans cesse engagé dans une lutte contre lui-même. Mais une lutte tendre, amoureuse, plutôt un mélange, une fusion. Sujet, acteur et auteur ne font qu'un, ou bien deux, si l'on croit bon de séparer le couple Balibar-Amalric. Un jeu de miroirs infinis capturé sur une seule surface d'écran, inédit non par cet entrelacement des frontières narratives (Irma Vep et, beauco…

Le sacrifice (1986)

Reprise de ce que j'avais dit sur Stalker, et qui tient plus que jamais : "J'ai beaucoup d'estime pour la maestria technique de Tarkovski et pour son originalité. Je suis plus partagée vis-à-vis de sa constante morgue. Quant à sa philosophie, c'est bien simple, je suis franchement pas intéressée, et presque contre. J'ai déjà exposé ailleurs mes positions camusiennes, en particulier que l'absence d'espoir face …

L'anguille (1997)

L'Anguille, comme Rosetta, Wild at Heart, ou le dernier Ken Loach, fait partie des palmes cannoises dont il est difficile de concevoir qu'elles acclament plus un film, que l'ensemble de la carrière de leur metteur en scène. Les multiples plans construits en profondeur, les intérieurs domestiques, les drames passionnels, les personnages bloqués dans les bas-fonds de l'échelle sociale japonaise... l'esprit d'Imamura e…