Genderwrecked (2017)

Le personnage incarné dans Genderwrecked se lance dans une quête complexe : comprendre cette mystérieuse notion que l'on appelle « genre ». Peut-être les créatures des îles environnantes l'aideront-elles à y voir plus clair ? Ma réflexion personnelle sur le sujet n'est pas franchement aboutie. Le genre est une construction sociale, soit. Mais l'unanimité s'évanouit rapidement, entre autres sur la possibilité ou n…

Alt-Frequencies (2019)

C'était mon premier jeu exclusivement audio, et j'ai été surprise de m'y glisser avec confort. Les environnements sonores sont très soignés, et les voix des interprètes sont mémorables. Pour l'écriture par contre, je reste dubitative. Déjà parce que j'ai pas compris la logique de la boucle temporelle (oups), mais aussi pour la douche froide de la fin : malgré tes efforts d'activiste, tu finis seule et le monde avanc…

Manifold Garden (2019)

La mécanique centrale des puzzles est si simple, élégante et originale, que je recommande de la découvrir par soi-même plutôt que dans mon texte. William Chyr sait sa création destinée à n'être jouée qu'une seule fois et, de l'accroche à la conclusion, a travaillé la mise en scène pour intensifier la surprise et l'émerveillement potentiels de son public. Les puzzles de Manifold Garden, donc, tournent autour de la…

Katamari Damacy (2004)

Rouler une boule, ramasser tout et n'importe quoi, grandir au fur et à mesure. L'euphorie que procure Katamari Damacy est primitive. C'est le plaisir enfantin de s'impressionner avec des chiffres de plus en plus grands. La musique et l'humour des objets collectés n'ont finalement pas grande importance. Tout à moi et toujours plus. Par contre, sur le niveau spécial littéralement dédié à ramasser le plus de femmes …

SweetXheart (2019)

Un aperçu de la vie d'une jeune femme noire à New York. Le niveau de stress monte ou baisse en fonction de dialogues avec tes camarades, tes collègues, tes parents, et les mecs qui te draguent quand tu veux rentrer chez toi... L'écriture s'équilibre entre les petites joies quotidiennes et la crainte constante d'exprimer tes émotions, avec le risque d'avoir à encaisser encore plus d'injustice et de frustration si tu …

Problem Attic (2013)

Problem Attic est un peu au jeu vidéo ce que Fata Morgana est au cinéma : une œuvre impossible à transposer en dehors de son propre média, a fortiori à capturer en mots, faute de pouvoir reproduire l'interactivité et le passif culturel qui sont au cœur de sa conception. Qui dit interactivité dit aussi interprétation : ma mission d'analyse se heurte à la perspective de priver le lectorat de cette part de l'œuvre, …

The Red Strings Club (2018)

Avec ses questionnements transhumanistes et ses personnages ambivalents qui gravitent autour d'une megacorp, The Red String Club fait partie des rares jeux contemporains dont l'appropriation du genre cyberpunk ne s'arrête pas à la présence de néons bleus ou rose. Nonobstant le final douteux qui se rabat sur le poncif de l'AI consciente, la rigueur cartésienne de certains dialogues a su me prendre de court et mettre …

Night Call (2019)

À jeu foireux, review paresseuse. Pastiche noir largement incohérent, sans atmosphère, qui collectionne les tropes photocopiés, mal (ré)écrits. Le défenseur civil des banlieues victime de pédophilie, intercalé entre le biohacker qui voit la matrice et la poétesse qui rentre en transe sur la banquette arrière. Comment ressentir quoi que ce soit dans une telle foire ? Régulièrement moralisateur (dénonciation des…

Beeswing (2014)

Notes éparses. Premier contact, sentimentalité à la Garden State, ou Night in the Woods. Mais : la familiarité dissonnante d'Animal Collective ; les voix enfouies de Godspeed You! Black Emperor ; la franchise désarmante de Devon Welsh. Œuvre éminemment subjective. Le narrateur et créateur s'adresse à nous et aux autres, il n'est pas un homme anonyme et muet. Virages incessants dans les représentations graphiques,…

Final Fantasy VI (1994)

Il y a une discussion intéressante à avoir sur le renouveau permis par les émulateurs. Dans un contexte de divertissement, la fidélité à l'expérience de jeu originelle ne m'intéresse pas. Il me semble qu'il ne peut y avoir que la nostalgie pour justifier un attachement (fantasmé ?) à certaines exigences de ce Final Fantasy, notamment le grind d'expérience exigé pour vaincre certains boss d'une puissance sans comp…

Knytt Stories (2007)

La réussite de Nifflas tient autant à la concision des mécaniques de jeu qu'à la communauté qu'il est parvenu à créer grâce à l'éditeur de niveau. Il y a quelque chose d'essentiel dans le mouvement qui a vu des dizaines d'amateurs s'emparer de cet outil et s'exprimer par l'intermédiaire de niveaux hétéroclites, parfois travaillés sur l'espace de plusieurs années. Le registre de niveaux est infini, mes préférés ont é…

Pyre (2017)

Entre le duel sportif et le visual novel, pour moi la sauce ne prend pas. Pris séparément, l'un ou l'autre aurait pourtant pu aller quelque part, le premier avec une épuration des power-ups, le second avec un remaniement de la narration (les parties soap et mythologie connectent mal). Dommage pour la direction artistique, qui était très rafraichissante, du travail sur les couleurs à la bande-son, en passant par le c…

EarthBound (1994)

Bien que le gameplay reste celui d'un RPG traditionnel, avec des combats un brin poussifs turbinés par d'occultes calculs (ce dont un émulateur permet fort heureusement de s'abstraire aujourd'hui), la force du jeu réside incontestablement dans son humour lunatique. Ce décalage fournit en plus un bon alibi pour l'insertion de quelques piques satiriques à l'égard de la culture contemporaine occidentale. (J'en regrette…

When Rivers Were Trails (2019)

When Rivers Were Trails est le fruit d'un travail de recherche mené en collaboration avec l'Indian Land Tenure Foundation, un organisme qui défend la restitution et l'auto-administration des territoires amérindiens. Le jeu propose d'incarner un Anishinaabeg à la suite d'une expropriation fédérale, au début des années 1890. Il est particulièrement éclairant sur ce pan de l'histoire américaine, que jusqu'ici je détach…

Edvard Munch (1974)

Commandée par la télévision scandinave, cette longue fresque biographique retrace les déboires artistiques et émotionnels du désormais célèbre peintre norvégien, de sa naissance en 1863 jusqu'à la reconnaissance critique au tournant du siècle. Quelques morceaux d'analyse esthétique sont aussi proposés, sans faire dérailler l'aspect personnel du portrait. Bien que le choix de cette période occulte la maturité plus…

Sea of Solitude (2019)

Je pourrais parler de l'interactivité tour à tour maladroite et artificielle, ou du symbolisme bas-de-plafond, mais l'erreur cardinale de ce jeu réside ailleurs. Le studio prétend (et croit) aborder un sujet de santé mentale, alors que Sea of Solitude parle de solitude et de tristesse. Pas de maladie. Dire qu'il est dangereux de repousser ses émotions et qu'il est bon de regarder en face les frustrations et les bles…

Brothers of the Night (2016)

La prostitution d'immigrés bulgares à Vienne, contre leur orientation sexuelle. Le sujet est dur, cruel presque, et j'ai été plutôt décontenancée par le dispositif romantique mis en place par le réalisateur. L'idée de faire interpréter des rôles fictifs à ces hommes n'est pas fertile ; leurs attitudes lorsque la caméra s'est faite oublier dans le décor en dit cent fois plus. L'alternance entre les euphémismes pudiqu…

Just Shapes & Beats (2018)

Entre bullet hell et jeu de rythme, Just Shapes & Beats est un bonbon de synesthésie dont les premières doses dilatent les pupilles et les tympans. Le travail graphique phénoménal et les morceaux EDM/chiptune se fondent dans une transe rarement interrompue (le jeu reste assez permissif dans son mode standard de difficulté). En bonus, les niveaux sont proposés dans un mode coopératif —une bonne façon de partager ce p…

Sur le chemin des glaces (1978)

Convoité pendant plusieurs années, recherché sans succès dans de multiples librairies, entamé en confinement national, poursuivi à la dynamo pendant une coupure de courant, et terminé dans la surprise d'une insomnie : ce petit livre porte une aventure qui lui va bien. Il s'agit, je crois, du premier carnet de voyage que je lis, et c'est peut-être avec des platitudes que je m'apprête à le commenter. Herzog apprend…

Le Tango de Satan (1994)

Paradoxalement, c'est dans une durée gargantuesque que Sátántangó trouve son caractère irréductible. Le plus noir et blanc des cocons offre de nous engloutir dans la prière et l'adoration païennes d'une poignée de prolos désolés, bacilles conscientes perdues au centre d'une plaine infinie. À charge d'Irimiás, prophète misérable et miraculeux, de secouer les grilles de la cage fangeuse dans laquelle cette cohorte pat…