Final Fantasy VI (1994)

Il y a une discussion intéressante à avoir sur le renouveau permis par les émulateurs. Dans un contexte de divertissement, la fidélité à l'expérience de jeu originelle ne m'intéresse pas. Il me semble qu'il ne peut y avoir que la nostalgie pour justifier un attachement (fantasmé ?) à certaines exigences de ce Final Fantasy, notamment le grind d'expérience exigé pour vaincre certains boss d'une puissance sans comp…

Knytt Stories (2007)

La réussite de Nifflas tient autant à la concision des mécaniques de jeu qu'à la communauté qu'il est parvenu à créer grâce à l'éditeur de niveau. Il y a quelque chose d'essentiel dans le mouvement qui a vu des dizaines d'amateurs s'emparer de cet outil et s'exprimer par l'intermédiaire de niveaux hétéroclites, parfois travaillés sur l'espace de plusieurs années. Le registre de niveaux est infini, mes préférés ont é…

Pyre (2017)

Entre le duel sportif et le visual novel, pour moi la sauce ne prend pas. Pris séparément, l'un ou l'autre aurait pourtant pu aller quelque part, le premier avec une épuration des power-ups, le second avec un remaniement de la narration (les parties soap et mythologie connectent mal). Dommage pour la direction artistique, qui était très rafraichissante, du travail sur les couleurs à la bande-son, en passant par le c…

EarthBound (1994)

Bien que le gameplay reste celui d'un RPG traditionnel, avec des combats un brin poussifs turbinés par d'occultes calculs (ce dont un émulateur permet fort heureusement de s'abstraire aujourd'hui), la force du jeu réside incontestablement dans son humour lunatique. Ce décalage fournit en plus un bon alibi pour l'insertion de quelques piques satiriques à l'égard de la culture contemporaine occidentale. (J'en regrette…

When Rivers Were Trails (2019)

When Rivers Were Trails est le fruit d'un travail de recherche mené en collaboration avec l'Indian Land Tenure Foundation, un organisme qui défend la restitution et l'auto-administration des territoires amérindiens. Le jeu propose d'incarner un Anishinaabeg à la suite d'une expropriation fédérale, au début des années 1890. Il est particulièrement éclairant sur ce pan de l'histoire américaine, que jusqu'ici je détach…

Edvard Munch (1974)

Commandée par la télévision scandinave, cette longue fresque biographique retrace les déboires artistiques et émotionnels du désormais célèbre peintre norvégien, de sa naissance en 1863 jusqu'à la reconnaissance critique au tournant du siècle. Quelques morceaux d'analyse esthétique sont aussi proposés, sans faire dérailler l'aspect personnel du portrait. Bien que le choix de cette période occulte la maturité plus…

Sea of Solitude (2019)

Je pourrais parler de l'interactivité tour à tour maladroite et artificielle, ou du symbolisme bas-de-plafond, mais l'erreur cardinale de ce jeu réside ailleurs. Le studio prétend (et croit) aborder un sujet de santé mentale, alors que Sea of Solitude parle de solitude et de tristesse. Pas de maladie. Dire qu'il est dangereux de repousser ses émotions et qu'il est bon de regarder en face les frustrations et les bles…

Brothers of the Night (2016)

La prostitution d'immigrés bulgares à Vienne, contre leur orientation sexuelle. Le sujet est dur, cruel presque, et j'ai été plutôt décontenancée par le dispositif romantique mis en place par le réalisateur. L'idée de faire interpréter des rôles fictifs à ces hommes n'est pas fertile ; leurs attitudes lorsque la caméra s'est faite oublier dans le décor en dit cent fois plus. L'alternance entre les euphémismes pudiqu…

Just Shapes & Beats (2018)

Entre bullet hell et jeu de rythme, Just Shapes & Beats est un bonbon de synesthésie dont les premières doses dilatent les pupilles et les tympans. Le travail graphique phénoménal et les morceaux EDM/chiptune se fondent dans une transe rarement interrompue (le jeu reste assez permissif dans son mode standard de difficulté). En bonus, les niveaux sont proposés dans un mode coopératif —une bonne façon de partager ce p…

Sur le chemin des glaces (1978)

Convoité pendant plusieurs années, recherché sans succès dans de multiples librairies, entamé en confinement national, poursuivi à la dynamo pendant une coupure de courant, et terminé dans la surprise d'une insomnie : ce petit livre porte une aventure qui lui va bien. Il s'agit, je crois, du premier carnet de voyage que je lis, et c'est peut-être avec des platitudes que je m'apprête à le commenter. Herzog apprend…

Le Tango de Satan (1994)

Paradoxalement, c'est dans une durée gargantuesque que Sátántangó trouve son caractère irréductible. Le plus noir et blanc des cocons offre de nous engloutir dans la prière et l'adoration païennes d'une poignée de prolos désolés, bacilles conscientes perdues au centre d'une plaine infinie. À charge d'Irimiás, prophète misérable et miraculeux, de secouer les grilles de la cage fangeuse dans laquelle cette cohorte pat…

Cobra Verde (1987)

Parvenus à leur ultime collaboration, Kinski crépitait de ses dernières étincelles, mais Herzog restait alerte comme à ses premiers projets. Peut-être encore plus, du fait de tourner sur ce continent africain qui l'intrigue, lui résiste et le malmène (la production de Fata Morgana demeure édifiante à ce niveau). Le personnage de Cobra Verde, bandit acide dont les premiers déboires brésiliens n'étaient pas sans rappe…

Night Is Short, Walk On Girl (2017)

Masaaki Yuasa récidive avec un long-métrage dérivé de l'anime The Tatami Galaxy. Même si je grimace un peu par rapport au rôle qu'y tient l'alcool, la fanfare hédoniste de cette nuit à Kyōto est irrésistible, à la fois drôle et palpitante, exaltante presque comme si on y était. Ici, toute aventure est bonne à prendre, et l'inaction serait un gâchis. Ici, vivre c'est explorer, essayer, découvrir, avec le parachute ra…

Slacker (1991)

En fait, la persistance de Slacker ne tient pas à son défilé d'énergumènes hors normes, mais bien plutôt à l'absence de toute norme perceptible. Il suffit à Linklater de vignettes de deux ou trois minutes pour tirer toute une vie de chaque interprète. Le film persiste parce que, dans leur diversité collective et leur incomplétude individuelle, les personnages persistent dans la diégèse, au-delà de leur disparition i…

Mon frère (2018)

Un petit essai d'inspiration autobiographique où, par un jeu d'alternance entre chapitres à la première personne et extraits de la nouvelle Bartleby de Melville, Daniel Pennac met en regard la complicité et l'incompréhension qui le rattachaient à son frère aîné. L'identification au notaire du texte rapporté, qui cherche sans succès à percer l'apathie apparente du personnage éponyme, est rapidement évidente. Une lect…

L'Arabe du futur (2014)

Sous une perspective enfantine, mais pas moins sérieuse, Riad Sattouf assemble un témoignage social de premier ordre autour des thèmes de la famille et de la transnationalité (il manque un mot pour désigner ce tiraillement entre deux cultures), ainsi que du racisme, de l'antisémitisme et du patriarcat. À titre plus personnel, j'ai aussi trouvé très éclairantes ses explications, menées en filigrane, autour de la géop…

La cravate (2020)

À l'image de son sujet, le documentaire, malgré ses airs sympathiques, n'accomplit pas grand-chose de bon. Avec juste ce qu'il faut de neutralité pour ne pas paraître mener un procès d'intention, mais tout de même pas au point de s'interdire une ironie de connivence, le film confortera les gauchos qui ont accès aux cinémas art et essai dans leur dédain pour l'électorat lepéniste, tandis que chez les droitiers qui en…

L'Écriture ou la Vie (1994)

Entre l'essai psychologique et l'autobiographie romanesque, L'Écriture ou la Vie retranscrit une expérience de retour des camps nazis. Retour social, par l'arrivée de l'armée américaine à Buchenwald, et le corps qui retrouve un état de liberté fébrile et sonnée, mais surtout retour à « l'appréhension du vécu ». Cette vivencia (à défaut de correspondance française satisfaisante) s'oppose à la traversée du système con…

Ouvrez (1997)

Moins emballée que par Les Fruits d'Or. Sarraute donne littéralement la parole aux mots ; dans un espace imaginaire qui s'étire avant et après le dialogue réel, les non-dits observent et commentent pour nous leurs congénères effectivement prononcés. La dispositif lasse d'autant plus vite que, sans mouvement apparent d'un chapitre à l'autre, sans progression de rythme ni de réflexion, l'expérience de lecture en devie…

Merveilles à Montfermeil (2020)

L'idée de départ, une municipalité qui passe à gauche et déploie une nouvelle politique, a déjà montré son potentiel comique dans Parks and Recreation. Le problème, ici, c'est que le scénario semble n'avoir suivi aucune relecture, et la plupart des gags tombent à plat. La direction d'acteurs, pas du tout unifiée, ajoute à la confusion et à l'occasionnelle gêne. Hibou aussi était sincère, ça n'en était pas moins une …