Tess (1979)

D'habitude, je parle avec réserve de Roman Polanski. Il reste impliqué dans (au moins) une affaire criminelle et immonde dans les années 70. Mais le feuilleton judiciaire qui a suivi, surmédiatisé et interminable, un différent jeu de pouvoir, bien qu'il ne m'écœure pas autant, me laisse dubitative. Par ailleurs, depuis Repulsion jusqu'à La Vénus à la fourrure, Polanski et ses actrices ont régulièrement composé des p…

DMT: The Spirit Molecule (2010)

Plusieurs intervenant·e·s de ce documentaire semblent avoir des connaissances dignes d'être partagées au sujet du psychotrope. Malheureusement la mise en scène leur fait gravement défaut. Le montage, peu structuré et sans introduction, éparpille ses objectifs, ne parvient pas à choisir, peine à communiquer un message durable. La première demi-heure est émaillée de théories qui, sans être farfelues, n'ont fait l'o…

Pluie noire (1989)

L'adaptation d'Imamura dévie significativement du roman d'origine. La mise en retrait du bombardement d'Hiroshima permet au réalisateur de rejoindre un de ses thèmes de prédilection : les parias et les oublié·e·s de la société japonaise, à travers les victimes des retombées radioactives de l'attaque (et aussi un soldat atteint de PTSD). L'impact des cadavres carbonisés et des chairs disloquées dans un champ de ru…

Bitter Lake (2015)

Le collage pratiqué comme mise en scène donne au documentaire une variété de tons qui confirme la complexité des enjeux économiques, politiques et sociaux avec lesquels jonglent les dirigeants de tous pays. Mais je ne pense plus avoir besoin de compléments sur l'histoire combinée de l'Afghanistan, des États-Unis et de l'Arabie Saoudite, pour savoir que le monde occidental est aussi sale que le reste des acteurs de c…

Into the Inferno (2016)

Dans son plus récent documentaire, Herzog reste fidèle à ses convictions : poursuivre des vérités qui transcendent l'individualité, et les saupoudrer d'images envoûtantes, à la limite de l'abstraction. La dimension internationale du projet est particulièrement impressionnante : Herzog et son comparse volcanologue, Clive Oppenheimer, se déplacent nonchalamment de l'Islande à l'Indonésie, de l'Éthiopie à la Corée du N…

L'œuf de l'ange (1985)

La symbolique chrétienne relève à nouveau du coffre à exotisme, babioles vides de sens, que l'animation japonaise réouvre trop régulièrement. Mais après tout, pourquoi pas ? L'œuf de l'ange est un poème libre plus qu'une histoire, ou même un conte ; et l'ombre d'un dieu vengeur s'accorde avec l'organique damné autant qu'avec le futurisme aliéné. J'en viens à regretter un peu que la putrescence de l'atmosphère soit e…

L’Empereur Tomato-Ketchup (1971)

Les enfants prennent le pouvoir, envoient les adultes récalcitrants en camps de concentration, et se vautrent dans l'oisiveté. Ce film japonais rebelle tourne en ridicule les empereurs ou les soldats qui brandissent leur autorité arbitraire pour rappeler leur suprématie, alors que, le reste du temps, ils n'éprouvent et ne manifestent qu'une indifférence totale à l'égard des autres, absorbés qu'ils sont par leur r…

Meurtre dans un jardin anglais (1982)

Le deuxième long-métrage de Peter Greenaway laisse penser que son inimitable style baroque avait déjà trouvé une maturité dans le développement des multiples courts-métrages qui ont précédé son passage au grand écran. Les dialogues, codifiés dans leurs tournures précieuses et leurs scansions uniformes, se disputent aux actions des personnages, festival de vices a priori inavouables. Même dans les situations où l'…

Les garçons sauvages (2018)

La cinématographie est stimulante, avec des bouts de La Chambre interdite autant que de Il est difficile d'être un Dieu. Par contre sur le fond, je trouve que c'est un naufrage complet. Malgré la transgression de façade (on montre des organes, wouuuh), la pensée de Mandico est franchement embrigadée, que ce soit sur les questions de genre (le genre se définit par les attributs sexuels, la fluidité est un échec, etc.…

Phantom Thread (2018)

I tried to, but it seems working can only feel meaningful if it takes on my health
I have to leave some parts of me behind
It may worry me but
I like spitting blood
I like that my knee cracks whenever I go up some stairs
I like to feel on the brink of crying from exhaustion
I like that it may take so much energy to soothe you
And to fear that you might not be safe, and to wish so hard for you to be
I like hu…

La forme de l'eau (2018)

Un témoignage de plus contre une industrie embourbée dans ses codes stériles : une romance artificielle, une créature déjà vue cent fois, et une formule mastiquée au moins depuis le King Kong de 1933. Au-delà des premières scènes, del Toro ne cherche plus à surprendre par ses décors, et déroule ses péripéties en mode automatique, un œil derrière la caméra pendant que l'autre surveille le manuel des histoires de gent…

Woyzeck (1979)

D'un côté je pourrais parler du scepticisme et de la méfiance sociale de Woyzeck, qui le poussent à lire des signes n'importe où autour de lui, et puis Kinski est au bout du rouleau et son jeu est impressionnant. De l'autre, ce serait de la mauvaise foi d'ignorer les grandes lignes : un passif qui psychote et s'énerve contre une femme qui ne l'aime pas, jusqu'à la charcuter. Adaptation théâtrale ou non, j'ai bien du…

Mai 67, ne tirez pas sur les enfants de la République (2017)

Un épisode oublié, enfoui, de la Glorieuse Nation Française : la mort de dizaines de guadeloupéens au cours d'une manifestation ouvrière, il y a cinquante ans, sous le feu des forces de l'ordre. Les institutions restent globalement dans l'indifférence ou le silence face à ce déni de citoyenneté, de dignité, privant par là les populations concernées de la reconnaissance qui soulagerait le traumatisme. Une commission …

Le sermon de Huie (1981)

Vu à la suite de Fric et foi, Le sermon de Huie voit Herzog s'effacer encore plus derrière sa caméra, retranscrivant une messe de façon quasi ininterrompue. Aucune facétie dans le montage, mis à part la brève insertion de travellings sur des quartiers déshérités. De quoi donner une saveur opiacée au sermon filmé, qui se lamente d'une humanité gangrénée par l'argent ? Pas de quoi s'enthousiasmer... Je suis tentée …

Fric et foi (1981)

Herzog filme le télévangéliste Gene Scott avec une distance vaguement complaisante. Sans compter la voix-off qui double l'essentiel des personnages de façon assez fastidieuse, le réalisateur ne s'exprime guère que par une poignée de plans tenus légèrement plus que la normale, sur tel ou tel détail qu'il a vite fait de passer sous silence ensuite. Si cette objectivité apparente était sans doute le prix à payer pou…

Satyricon (1969)

La direction artistique est épatante ; les visions de Fellini marient l'antique et le surréalisme sans aucune décence de proportions. L'interprétation, le doublage, la narration segmentée, tout concourt à l'impression que l'humanité ne tourne pas rond... Seulement on comprend au bout de quelques minutes que, dans le même registre que The Square, ce Satyricon n'est là que pour illustrer et marteler la prétendue laide…

Still Life (2006)

Jia Zhangke marque ses distances face aux bourreaux de la Chine traditionnelle, mais en est sans doute le plus beau fossoyeur. Still Life est un triste instantané de l'essor économique du pays : les familles se disloquent dans de grises tragédies, l'argent est le diapason du lien social, les immeubles explosent, les riches festoient, et le passé est littéralement englouti par le barrage des Trois Gorges. Pas glop.

Le sang du châtiment (1987)

Bien que tourné en 1986, Rampage voit Friedkin se débarrasser de l'outrance visuelle des 80s en faveur du réalisme cynique du début des 90s. Musique à gros sabots (Morricone cherchait aussi sa reconversion) et photographie plate, il reste beaucoup de plâtres à essuyer... La cabale judiciaire contre le psychopathe meurtrier et nazi n'est pas moins subtile que ledit accusé : la moitié du scénario s'abreuve de discu…

Danse avec les loups (1990)

En matière d'appréciation des espaces et des cultures, Dances With Wolves est à peu près aux Grandes Plaines ce que Lawrence of Arabia était à la péninsule arabique. Je pourrais pinailler sur l'accompagnement orchestral parfois pataud, la troisième heure parasitée par une romance textbook, ou encore le manque de profondeur du personnage principal (par négligence plus que par hypocrisie), mais je n'en ai pas moins ét…

La ballade de Bruno (1977)

Les Etats-Unis selon Herzog, terre de précarité et d'hypocrisie, plus cruelle encore que l'indifférente Allemagne par les insidieuses illusions qu'elle entretient. Ce créancier, coiffé vainement, qui vient s'excuser d'être fort contrarié d'avoir vraiment besoin de l'argent du prêt, pour la banque vous comprenez, une montre plaqué or au poignet. Une maison qui disparaît aussi vite qu'elle a été livrée. L'impasse sent…