La Cordillère des songes (2019)

De façon assez incroyable, La Cordillère des songes est le deuxième film de l'année à me piéger devant les exactions du régime de Pinochet. Il partage avec Santiago, Italia le même titre métaphorico-géographique trompeur, la même affiche non représentative d'un homme face aux Andes, et la même indignation de salon contre les atteintes aux droits de l'homme (on est loin, notamment, du diptyque The Act of Killing / Th…

Bullshit Jobs (2018)

Où Graeber, avec une malice désolée, tente d'éclaircir l'émergence d'une société gangrénée de boulots inutiles et occasionnellement nocifs. Le livre, méticuleux, développe des idées aussi stimulantes que variées : dissocier un secteur de l'information du secteur des services effectifs, mettre en évidence la prévalence des métiers du care face à l'image consacrée de l'ouvrier d'usine, creuser la souffrance psychologi…

The Irishman (2019)

Il y a pas dix façons de le dire : le dernier Scorsese est nul. Une histoire de crime comme il savait en filmer, mais qui sent le moisi aujourd'hui, avec ses criminels sans épaisseur psychologique, des vieux mecs blancs tous clônes les uns des autres, et des conflits d'intérêt dont on se moque d'autant plus qu'on sait dès le départ que ça les mènera à leur perte. La dernière demi-heure, dont certains prétendent qu'e…

Psychomagie, un art qui guérit (2019)

Relecture appliquée de la psychanalyse, la psychomagie de Jodorowsky est censée alléger patientes et patients de leurs troubles respectifs, via des célébrations poétiques et individualisées. La mise en scène est minimaliste, et l'analyse critique est nulle : Jodo pourrait tout aussi bien être un gourou ayant ruiné des dizaines de personnes, son docu n'en laisserait rien paraître. Ceci étant, la suite de success stor…

Le Traître (2019)

Le Traître est un maillon manquant entre Le Parrain et Gomorra, mais alors un maillon que personne n'aurait pensé à demander. Il ne se démarque ni par son côté épique essoufflé, ni par ses transgressions trop sages. Dommage que la mise en scène n'ait pas choisi son camp ; elle laisse sur les bras un film bien écrit et bien joué, mais dont je reste gênée de ne pas pouvoir extraire une identité.

L'Œuvre au Noir (1968)

Au-delà de la première impression d'esbrouffe causée par un étalage de mots obsolètes, j'ai rapidement été séduite par le foisonnement de l'Histoire réassemblée par Marguerite Yourcenar, et par la clarté des questionnements (sur l'esprit, le corps et l'âme) qu'elle y a inscrits. Zénon, son alchimiste, traverse l'aube de la Renaissance avec un désir incandescent de savoir, et chacune de ses découvertes l'élève et nou…

Les enfants d'Isadora (2019)

Il y a cette idée fondamentale que chaque geste renferme une beauté impondérable, qu'il soit chiffré sur papier, rejoué cent ans plus tard, ou enregistré avec un smartphone sur la plage. Damien Manivel, l'air de rien, poursuit la même grâce transcendante que Miguel Gomes dans Les mille et une nuits, ou Bruno Dumont dans Jeannette. Et il la frôle d'ailleurs de plus près que le père Dumont, car sa mise en scène se pré…

Comprendre les règles tacites des relations sociales (2005)

J'ai trouvé ce livre mauvais pour deux raisons, assez proches des débuts de réserves que j'avais exprimées sur le livre de Tony Attwood dans la même collection. D'une part, le texte se ressent comme un enchaînement de quinze débats TED Talk™ pas du tout édités, farci de redondances, d'historiettes et de connivence artificielle (à l'américaine) qui noient complètement le poisson. Et je ne mentionne même pas la tra…

Le Syndrome d'Asperger : Guide complet (2006)

Le livre s'adresse pêle-mêle aux parents d'enfants SA, au corps enseignant, au grand public, aux psychologues, aux psychothérapeutes, et un peu aux personnes SA. En voulant tout faire à la fois, il perd en crédibilité. Sans compter le validisme latent (et la transphobie plus discrète). J'aimerais un monde où les personnes SA sont respectées pour ce qu'elles sont, pas pour leur capacité à se fondre parmi les neurotyp…

Ad Astra (2019)

James Gray adapte le monomythe avec une rigueur qui touche parfois à l'autodérision. À mi-chemin entre les méandres de High Life et les tribulations d'Interstellar, son scénario aborde la dépression avec un objectif maximaliste, et conclut radicalement (quoique dans un vide abstrait) en faveur de la vie.

Le Bruit et la Fureur (1929)

La confusion des deux premières parties, plongées dans les flux de conscience, élargit le champ des possibilités narratives sans forcément enrichir l'histoire... Ce Parnasse dérégulé fascine autant qu'il épuise. En même temps, peut-être que la réponse au puzzle des Compson n'est pas à chercher dans l'emmêlement de leur ruine familiale, mais dans les gouffres qui séparent leurs mondes intérieurs respectifs. Peut-être…

Roubaix, une lumière (2019)

Sur tous les plans, c'est le grand écart entre polar et naturalisme. Le chef de police est une figure paternelle omnipotente et rassurante, mais on le voit aussi déléguer les missions, distribuer les dossiers, nourrir ses chats. Son jeune lieutenant est à la source d'une voix-off emblématique des films noirs, mais ses confessions révèlent une candeur et une foi désarmantes d'authenticité. Les effets de style photogr…

Parasite (2019)

Le dernier Bong Joon-ho tient plus de la farandole hitchcockienne que du brûlot social. Sa gentille satire des classes écorche encore moins que The Square, et ridiculiser la richesse sans en montrer la violence symbolique est une impasse. Il n'y a même pas d'ironie dans la reconnaissance critique attribuée unanimement par le jury du royaume du glamour : à ce niveau, il s'agit plutôt d'une mascarade en bande organisé…

Myst (1993)

Vingt-cinq ans après, le plaisir des puzzles reste intact. La 3D pré-calculée affecte à peine mon appréciation, ce qui revient à dire que les rendus en temps réel, quoique tenus pour acquis en 2019, ne sont pas indispensables au genre. La conclusion est assez anticlimactic, mais autrement le jeu a comblé mes attentes qui, au regard de sa réputation, n'étaient pas insignifiantes. C'est toujours un plaisir, en ce qui …

Permaculture, la voie de l'autonomie (2019)

Un tour d'Asie à la rencontre de diverses techniques de permaculture, variant selon les contraintes climatiques et sociétales de chaque région. Dénué d'ambitions auteuriales, le documentaire n'en est que plus éclairant. Si la « voie » du titre reconnaît les limites actuelles de cette dynamique, je regrette toutefois que le film (certes court) ne les discute pas plus : implantation dans les pays en développement, sta…

Santiago, Italia (2019)

Le documentaire n'a pas répondu aux attentes que son affiche avaient suscitées chez moi. Le titre, déjà, est largement trompeur. L'essentiel du film retrace l'historique (ou refait le procès) du coup d'État contre Allende, et l'intervention de l'ambassade italienne n'est relatée que sur le tard. Les témoignages des réfugiés, peu au fait des tensions politiques et internationales qui ont pu se nouer, m'ont laissée…

Sunset (2019)

Dans les yeux d'Irisz, tant de rage, de révolte, d'usure, de détermination... Pas de retentissement historique ou social à chercher, même si la reconstitution était soignée et sublime sur cette pellicule vaporeuse. Il s'agit d'abord d'une expérience de mystère puis d'effondrement, un peu comme Le fils de Saul était une expérience de survie. En quelque sorte, un travail d'ambiance par l'action. Il y a ce mouvem…

Crypt of the NecroDancer (2015)

Banging your head against a wall, in rhythm, for 2 months. And then some. PB Dorian - 4:41:01 PB Mary - 7:21:82 PB Cadence - 9:18:77 PB Aria - 8:05:18 PB Melody - 6:21:83 PB Dove - 3:24:08 Your browser does not support the video tag. Your browser does not support the video tag. Your browser does not support the video tag. Your browser does not support the video tag.

Le monde du silence (1956)

Qu'on excuse ou non l'équipage de la Calypso pour ne pas avoir développé de conscience écologique au début des années 50, il faut aujourd'hui avoir le cœur plutôt accroché pour voir ce jeune cachalot lacéré par le moteur du navire puis abattu au fusil, et ensuite ces requins allègrement massacrés à l'arme blanche. On en pardonnerait presque la séquence des tortues géantes prises pour des sièges ou des partenaires d'…

La Liberté (2019)

Parti pour réaliser un documentaire topographique sur la « prison ouverte » de Casabianda en Corse, Guillaume Massart s'est retrouvé à déconstruire l'image monstrueuse des coupables d'inceste, telle qu'elle règne dans l'inconscient collectif. La rudesse de la photographie cache un montage complexe et sourdement sidérant, qui parvient à commenter dans un même temps la condition carcérale et le concept de culpabilité.…