BioShock Infinite

un jeu de Irrational Games (2013)

Du vent

En dépit d'un moteur de jeu passable pour 2013, la direction artistique aux accents de steampunk impressionne, mais c'est bien le seul aspect convaincant de BioShock Infinite.

Certains ont écrit des tartines pour essayer de démêler l'histoire, mais force est de constater qu'elle est trop éparpillée. Omettant le commentaire anti-ségrégation assez bateau, le studio a voulu jouer avec des notions de physique quantique et d'univers alternatifs parce que c'est cool, et la prise de risques me plaît sur le principe, mais le jeu est bourré de règles et de limitations plus arbitraires et fantastiques que l'épisode moyen de X-Files, tout en tentant de convaincre qu'il y a des fondements très rationnels derrière tout ça. Par exemple on piste un chinois pendant trois heures tout ça pour atterrir dans un monde où la quête n'a servi à rien, ou alors on nous dit qu'il y a une infinité de choix mais aussi une infinité de constantes donc du coup tes choix servent à rien et il faut que untel clamse quoi qu'il arrive. Ah d'accord.

Pour ce qui est du reste de l'univers Columbia, les maps plus ouvertes sont de véritables bols d'air par rapport aux parcours assez linéaires de BioShock 2, mais on ne retrouve pas la variété de décors qui faisait une partie de la force du jeu original. En-dehors du Hall of Heroes on a presque l'impression de se balader toujours dans le même niveau, dommage. La transmission de l'histoire par logs audio étoffe un peu les ambiances, par contre il faudra m'expliquer pourquoi il n'y a pas de sous-titres à disposition. Alors qu'ils ont pris le temps de sous-titrer les intertitres qui figurent pendant les mini-métrages muets de ces pénibles kinetoscopes. Je sais pas ce qui leur est passé par la tête.

Côté gameplay, des hauts et des bas. La limitation à deux armes est un peu audacieuse, mais du coup ça réduit les options pendant les combats. Et pourquoi permettre de ramasser tous les types de munitions si justement on ne peut porter que deux armes ? D'autant plus que le niveau de loot est over 9000, le jeu assure qu'on manque rarement d'objets ou de salts/mana (peut-être que c'est pas le cas en mode plus difficile, cela dit). Autrement, le perso qui se met à parler pour dire d'aller à tel ou tel endroit parce que tu ne vas pas assez vite, c'est pire que dans BioShock 2 et ça m'insupporte toujours autant, c'est vraiment prendre les joueurs pour des débiles. Je n'épiloguerai pas sur toutes ces options d'aide activées par défaut ou bien sur les achievements Steam qui apparaissent toutes les dix secondes (compteur de loot ou de kills avec telle ou telle arme, n'importe quoi) mais je n'ai pas moins de ressentiment à leur égard.

Enfin au niveau de l'écriture des personnages plus que de l'intrigue, c'est raté. C'est pas l'aspect le plus important du jeu mais vu que Booker et Elizabeth dialoguent pas mal, les incohérences cassent régulièrement mon investissement dans le jeu, ma suspension d'incrédulité. Genre Booker qui est grave tourmenté par des indiens qu'il a massacrés, mais qui n'a pas de problème à empiler les cadavres sur Columbia. Et ensuite se permet de faire la morale à Elizabeth comme quoi tuer c'est mal. Ou bien un passage encore plus aberrant, où Booker avoue à Elizabeth dans un dialogue in-game qu'il veut la vendre à un type à New York, et la fille ne réagit pas du tout ; et deux minutes plus tard dans une séquence plus cinématique, Booker redit en substance la même chose et Elizabeth se met à pleurer puis assomme le gars. Wtf.

Bref, BioShock Infinite prétend être intelligent en retirant la notion de choix au joueur, mais de façon moins crédible que le jeu original et pas pertinente. Et il essaye d'être fun en revisitant une formule qui a fait ses preuves cinq ans auparavant, mais une multitude d'éléments trahissent une complaisance à l'égard du joueur et une retenue regrettable d'inventivité. Irrational Games a fermé en 2014, Ken Levine semble parti vers un autre projet : j'espère, avec une naïveté certaine et malgré ces constantes auxquelles il est difficile d'échapper, que la franchise n'ira pas plus loin.