Je ne sais pas quelle expérience était la plus étrange : se faire draguer par un maghrébin quarantenaire et marié en attendant mon film, ou bien assister à une séance 3D 4K HFR ATMOS ETTQT (et tutti-quanti). À choisir, autant prendre la drague, ça ne coûte pas 13,90€. C'est d'ailleurs dans ce cinéma qu'au premier semestre 2013, Pathé avait expérimenté son système Pigeon-Premium © : 1€ de plus pour accéder à la salle Atmos aux 55 enceintes, puis au choix, soit 2€ de plus pour les fauteuils inclinables et bien placés, soit 1€ de plus pour se placer sur les fauteuils copiés des "love seats" du MK2 Bibliothèque. Le traditionnel bonus 3D de 2€ restant évidemment applicable. Des exécutifs peu dégourdis ont découvert en l'espace de quelques mois que se taper une image publique moisie pour de telles broutilles, c'était pas terrible pour le business, et les suppléments ont naturellement disparu aussi vite qu'ils avaient vu le jour.
Je ne me plains pas, j'étais venu tester le HFR en pleine connaissance de cause, et je n'ai pas été déçu. Ou en fait si, dans un certain sens : je rejoins tous ceux qui disent que le passage de 24fps à 48fps est spectaculaire et encourage à l'immersion, mais je regrette que le coût de cette technologie empêche d'autres films que les plus riches blockbusters à y avoir accès. En particulier, je ne suis pas certain du bien-fondé du procédé pour un univers aussi quintessentiellement fantaisiste que celui du Hobbit, vu que le spectateur doit sans cesse combattre l'étonnement instinctif de voir des créatures étranges évoluer dans un espace quasi-réel, un peu trop détaché de l'imaginaire à mon goût. Comme si la phase d'adaptation à la 3D se répétait toutes les cinq minutes à cause d'un cerveau trop méfiant. Dans ces conditions, la décision d'UGC de laisser le monopole de cette attraction à la concurrence est pleinement compréhensible.
Pour le reste, j'aurais pu reprendre mon précédent article sur le Gaumont Parnasse, d'ailleurs aussi placé sous le signe du Hobbit. Le Wepler ouvre en 1956 avec une salle monumentale de 1700 places, quoique ridiculisée par les 6500 sièges du Gaumont Palace à quelques pas. A force d'absorption de cinés voisins, on arrive aujourd'hui à un peu plus de 2000 places dans douze salles. Et les films sont méthodiquement choisis pour leur probabilité d'occuper le top 12 du box-office de chaque semaine. Ici, le cinéma est un divertissement mercantile, et jamais un art.