Visite ou Mémoires et Confessions

Visita ou Memórias e Confissões

un film de Manoel de Oliveira (1993)

vu le 1er mai 2016 au Reflet Médicis

Le film est trop littéralement son titre : une moitié "visite", un quart "mémoires" et un dernier quart "confessions", entrelacés de façon aussi humble et malhabile que par ces "ou" et "et".

La partie visite est sans doute celle qui fonctionne le mieux : la caméra et un duo de voix hors-champ parcourent la demeure de 40 ans d'Oliveira, hantée par une quantité indicible de souvenirs tout autant que par le décès du réalisateur. Les vivants glissent eux-mêmes d'une vitalité triviale à un état fantomatique et abstrait. Bien que la prose ne soit pas toujours convaincante, le dispositif désarçonne par sa simplicité apparente et s'immisce parmi les pensées des spectateurs, eux-mêmes changés en témoins et héritiers d'Oliveira, de ses possessions, de ses actes, de son esprit.

Les segments mémoire mettent dans le bain et permettent d'étoffer le contexte de la visite, mais il est plus difficile de leur trouver un intérêt propre. Oliveira parcourt ses archives, vieilles photographies et souvenirs ressuscités, alors il y a une scène de name-dropping où il cite tous les artistes portugais qu'il a connus, une scène où il fait le tour de ses descendants, une autre où il fait le tour de ses ancêtres, une autre où il raconte son arrestation par une police politique sans jamais se départir de son attitude factuelle, "historique plutôt que partisane". Bien que découpée et délivrée de façon apparemment arbitraire, cette mémoire est très plane, c'est un témoignage physique presque frustrant dans sa banalité. Ça me donne envie de revoir Le Miroir.

Quant aux confessions, je ne sais pas à qui elles s'adressent. Des pensées qui portent sur le sens de la vie, sur la dualité tendresse/tentation de la femme (ugh), sur le symbolisme de la virginité (mais seulement tant qu'elles sont jeunes hein... UGH), et une poignée d'autres jugements que je n'ai pas su retenir. Il ne s'agit pas de réflexions, bien plus de notes conclusives, ce qui correspond à première vue à l'ambition du film, mais en même temps je ne vois pas à qui ça servira : ni aux aficionados qui connaissent déjà ses thèses, ni aux néophytes qui n'ont rien pour être convaincu. Dans tous les cas, assumé ou non, sa pensée est très teintée d'un catholicisme qui ne me revient pas franchement, et le reste n'est guère remarquable.

Malgré mes réserves et l'articulation rouillée entre les différentes parties, ça reste un beau film d'adieu, apaisé, personnel sans être égocentrique, et j'imagine que ceux qui analysent (avec le point de vue du réalisateur) plutôt qu'ils ne jugent (avec leurs propres attentes) y trouveront pleinement satisfaction. Rien à voir avec le lugubre et poussif No Home Movie. Manoel de Oliveira repose en paix, mais il est évident qu'il n'a pas attendu de mourir pour la connaître.