Franchement, on nous a fait tout un foin de Toni Erdmann, mais je suis d'avis que c'est Victoria qui aurait mérité d'être brandi par les critiques professionnels comme « Palme du public ». Je crois comprendre que le film de Maren Ade, avec son absence d'ambiguïté et sa durée aberrante, correspondait à ce que le milieu considère comme le summum respectable du cinéma populaire... Tant de condescendance dans une si petite expression !
Parce que Victoria, au fond, c'est la même histoire, une nana moderne et workaholic qui réprime comme elle peut un désarroi sentimental dantesque. Le scénario de Justine Triet parle aussi de boulot, de famille, d'amants, et fait se côtoyer sans complexe un portrait assez dramatique avec une sensibilité comique gentiment absurde. Ici, pas de papa poule, mais un amant interprété par un Vincent Lacoste multiforme, qui tente à l'identique de rendre le sourire à la charmante Virginie Efira, sans d'ailleurs que celle-ci ne soit directement réceptive au sauvetage dont elle fait l'objet.
La raison pour laquelle j'ai amplement préféré Victoria à Toni Erdmann tient à ce que Justine Triet ne cherche pas à se la jouer auteure. Elle sait que le fond de son film est relativement anecdotique : sans pour autant qu'il s'agisse d'une adaptation de fait divers, le but est nettement de partager une histoire, plutôt que de disserter sur de grandes notions abstraites. Et du coup, elle ne cherche jamais à maquiller son film avec la moindre gravité festivalière. Elle ne répète pas cinq fois la scène qu'on avait comprise dès la première itération. Elle ne jubile pas de montrer la méchanceté de son personnage sous toutes les coutures, et elle préfère diffuser la bienveillance du personnage tout le long du récit plutôt que de la délivrer au public comme un bonbon à la fin du parcours.
Non, Victoria est équilibré et vif. Et Justine Triet, en toute humilité, défend l'idée d'un cinéma à la fois léger et perspicace. Peut-être les interprètes français n'ont-ils pas la cinégénie de leurs confrères germains, auxquels il est difficile d'adresser le moindre reproche par-delà la direction d'acteurs maussade qu'ils ont dû suivre, mais c'est au profit d'une proximité qui me séduit bien plus. Quant à la chronologie accidentée qui désarçonne légèrement, je suis d'avis qu'elle a plus de saveur que les mécaniques déterministes et glacées de Maren Ade.
En dépit de leurs productions que j'imagine parallèles, le calendrier des sorties me pousse à la comparaison, et je ne peux pas me départir de l'impression que Victoria a su trouver les bons morceaux de Toni Erdmann, et a judicieusement jeté la soupe glauque qui restait derrière. Quoique pas aussi fantasque que Ma Loute ou Gaz de France, je souhaite bien du succès à ce témoin de la nouvelle comédie française.
Trier la marinade
Franchement, on nous a fait tout un foin de Toni Erdmann, mais je suis d'avis que c'est Victoria qui aurait mérité d'être brandi par les critiques professionnels comme « Palme du public ». Je crois comprendre que le film de Maren Ade, avec son absence d'ambiguïté et sa durée aberrante, correspondait à ce que le milieu considère comme le summum respectable du cinéma populaire... Tant de condescendance dans une si petite expression !
Parce que Victoria, au fond, c'est la même histoire, une nana moderne et workaholic qui réprime comme elle peut un désarroi sentimental dantesque. Le scénario de Justine Triet parle aussi de boulot, de famille, d'amants, et fait se côtoyer sans complexe un portrait assez dramatique avec une sensibilité comique gentiment absurde. Ici, pas de papa poule, mais un amant interprété par un Vincent Lacoste multiforme, qui tente à l'identique de rendre le sourire à la charmante Virginie Efira, sans d'ailleurs que celle-ci ne soit directement réceptive au sauvetage dont elle fait l'objet.
La raison pour laquelle j'ai amplement préféré Victoria à Toni Erdmann tient à ce que Justine Triet ne cherche pas à se la jouer auteure. Elle sait que le fond de son film est relativement anecdotique : sans pour autant qu'il s'agisse d'une adaptation de fait divers, le but est nettement de partager une histoire, plutôt que de disserter sur de grandes notions abstraites. Et du coup, elle ne cherche jamais à maquiller son film avec la moindre gravité festivalière. Elle ne répète pas cinq fois la scène qu'on avait comprise dès la première itération. Elle ne jubile pas de montrer la méchanceté de son personnage sous toutes les coutures, et elle préfère diffuser la bienveillance du personnage tout le long du récit plutôt que de la délivrer au public comme un bonbon à la fin du parcours.
Non, Victoria est équilibré et vif. Et Justine Triet, en toute humilité, défend l'idée d'un cinéma à la fois léger et perspicace. Peut-être les interprètes français n'ont-ils pas la cinégénie de leurs confrères germains, auxquels il est difficile d'adresser le moindre reproche par-delà la direction d'acteurs maussade qu'ils ont dû suivre, mais c'est au profit d'une proximité qui me séduit bien plus. Quant à la chronologie accidentée qui désarçonne légèrement, je suis d'avis qu'elle a plus de saveur que les mécaniques déterministes et glacées de Maren Ade.
En dépit de leurs productions que j'imagine parallèles, le calendrier des sorties me pousse à la comparaison, et je ne peux pas me départir de l'impression que Victoria a su trouver les bons morceaux de Toni Erdmann, et a judicieusement jeté la soupe glauque qui restait derrière. Quoique pas aussi fantasque que Ma Loute ou Gaz de France, je souhaite bien du succès à ce témoin de la nouvelle comédie française.