Turning Gate

Saenghwalui balgyeon

un film de Hong Sang-soo (2002)

vu le 15 février 2016 au Reflet Médicis

L'esthétique de la trivialité : un mur noirci par l'humidité, le frémissement de la graisse sur un barbecue, le frottement d'une feuille traînée par le vent sur le sol, les étendoirs à linge, et les détritus partout. Narrativement c'est pareil. Un verre est cassé par accident, mais l'événement n'engendre remarquablement rien. Le mari cocu est surpris en pleine tromperie, mais la révélation ne change personne. Les malaises dans les dialogues s'amoncellent, mais n'empêchent pas de s'aimer. Turning Gate est consacré à tous ces moments accessoires, inutiles, arbitraires, à la fois incidents et sans incidence. A leur image, il n'apporte pas grand-chose, sera vite oublié, mais son absurdité, sa décorrélation du concept de rationalité, le rendrait presque agréable à vivre.

Hong Sang-soo aligne les mini-sketches sur près de deux heures, et on se demande si on n'a pas mieux à faire que prendre le temps d'observer ce qu'on a l'habitude d'oublier au plus vite, sans remords ni scrupule. On se demande, mais on le fait quand même, comme pour rendre leur dignité à ces détails rejetés. Plus que jamais avec HSS, les romances et les personnages archétypaux du récit ne servent que de support à l'approche formelle, qui porte l'essentiel du sens. Le contenu c'est le contenant, et le coréen prouve une énième fois son génie de mise en scène, sur le thème le moins remarquable possible.