Allons droit au but. Ce que je retiendrai de ce film, c'est la façon dont il traite l'espace un peu comme Kubrick traitait le temps dans Eyes Wide Shut. L'unité de temps est globalement plus respectée que celle de lieu, mais ça n'a rien de révolutionnaire ni même d'original (tout au plus dira-t-on que l'enquête est bien ficelée) ; non, je trouve beaucoup plus séduisant le traitement de cette rue du meurtre, interminable, tortueuse, qui absorbe à la fois les coïncidences grotesques et la noirceur sourde dont tombent victimes les personnages.
La première séquence appartient à la rue ; ses allures sans histoire sont peu à peu mises à bas, avec autant d'incidents absurdes que d'éclats d'horreur. Elle absorbe les événements de la journée, s'étoffe progressivement d'une mythologie vaste et effrayante. Combien d'histoires, combien de drames peuvent encore se cacher derrière ses portes trompeuses ? Les dernières secondes confirment, si besoin il en était, que Na Hong-Jin n'opérait pas au hasard : avec ce plan large perplexe et inquiet face à la ville crépusculaire qui luit de l'autre côté de la fenêtre de l'hôpital, c'est le vertige qui prend le spectateur. The Chaser n'était qu'une historiette, et Séoul recèle autant d'atrocités que de rues.
...maintenant je pourrais parler de comment tout ce glauque relève de la fiction éhontément fantasmée, ou à la limite de pourquoi je n'arrive à me détacher qu'uniquement en théorie de l'aspect anecdotique et inconséquent de tout cet imbroglio, mais ces termes-là font partie du contrat que je signe implicitement à chaque nouveau thriller sud-coréen. Ton oppressant, photo verdâtre et grisaille, montage un brin tonique, tueur quirky et dérangé, incertitudes morales, flic désenchanté sur le retour, autorités incompétentes, il faut quand même dire que The Chaser fait carton plein au bingo du genre dans lequel il s'inscrit. Il flirte comme l'essentiel de ses comparses avec la tentation de se faire justice soi-même, et se replie aussi dans les derniers instants, préservant un semblant d'intégrité pour son personnage principal, quoiqu'à contre-cœur, on le sent bien. C'est toujours un brin puant mais on connaît la chanson, alors pourquoi se fatiguer à grimacer ?
Dans les poursuites à pied et la confusion des positions morales qui règne pendant les combats, se profile discrètement un semblant de commentaire désabusé et absurde sur l'énième répétition de cette situation. Mais bien vite Na Hong-Jin revient en terrain sûr, la tâche de renverser les codes du thriller sud-coréen l'effrayant encore par trop. À ce titre il faut louer The Strangers sorti l'an passé, plus intense, et surtout plus iconoclaste.
Allons droit au but. Ce que je retiendrai de ce film, c'est la façon dont il traite l'espace un peu comme Kubrick traitait le temps dans Eyes Wide Shut. L'unité de temps est globalement plus respectée que celle de lieu, mais ça n'a rien de révolutionnaire ni même d'original (tout au plus dira-t-on que l'enquête est bien ficelée) ; non, je trouve beaucoup plus séduisant le traitement de cette rue du meurtre, interminable, tortueuse, qui absorbe à la fois les coïncidences grotesques et la noirceur sourde dont tombent victimes les personnages.
La première séquence appartient à la rue ; ses allures sans histoire sont peu à peu mises à bas, avec autant d'incidents absurdes que d'éclats d'horreur. Elle absorbe les événements de la journée, s'étoffe progressivement d'une mythologie vaste et effrayante. Combien d'histoires, combien de drames peuvent encore se cacher derrière ses portes trompeuses ? Les dernières secondes confirment, si besoin il en était, que Na Hong-Jin n'opérait pas au hasard : avec ce plan large perplexe et inquiet face à la ville crépusculaire qui luit de l'autre côté de la fenêtre de l'hôpital, c'est le vertige qui prend le spectateur. The Chaser n'était qu'une historiette, et Séoul recèle autant d'atrocités que de rues.
...maintenant je pourrais parler de comment tout ce glauque relève de la fiction éhontément fantasmée, ou à la limite de pourquoi je n'arrive à me détacher qu'uniquement en théorie de l'aspect anecdotique et inconséquent de tout cet imbroglio, mais ces termes-là font partie du contrat que je signe implicitement à chaque nouveau thriller sud-coréen. Ton oppressant, photo verdâtre et grisaille, montage un brin tonique, tueur quirky et dérangé, incertitudes morales, flic désenchanté sur le retour, autorités incompétentes, il faut quand même dire que The Chaser fait carton plein au bingo du genre dans lequel il s'inscrit. Il flirte comme l'essentiel de ses comparses avec la tentation de se faire justice soi-même, et se replie aussi dans les derniers instants, préservant un semblant d'intégrité pour son personnage principal, quoiqu'à contre-cœur, on le sent bien. C'est toujours un brin puant mais on connaît la chanson, alors pourquoi se fatiguer à grimacer ?
Dans les poursuites à pied et la confusion des positions morales qui règne pendant les combats, se profile discrètement un semblant de commentaire désabusé et absurde sur l'énième répétition de cette situation. Mais bien vite Na Hong-Jin revient en terrain sûr, la tâche de renverser les codes du thriller sud-coréen l'effrayant encore par trop. À ce titre il faut louer The Strangers sorti l'an passé, plus intense, et surtout plus iconoclaste.