The Adventure of Iron Pussy

Hua jai tor ra nong

un film de Apichatpong Weerasethakul, Michael Shaowanasai (2003)

Désolé de ne pas être à ta fête, je suis en Nouvelle-Zélande

Il existe des points de tension dans l’univers. Des moments de rupture, où les mutliples réalités convergent dans un paroxysme exceptionnel et, avec une explosion expiatoire, détruisent les frontières de la réalité en établissant une universalité aussi, euh, ok./

Regarder The Adventure of the Iron Pussy s’inscrit dans ce processus de découverte indescriptible, sensationnelle, aqualificative (hop une syllabe de plus). Bien malin celui qui eut cru que la découverte de La Chambre Interdite au début de l’année devait me préparer à ce chef d’œuvre poublié de Weerasethakul, par l’intermédiaire de son revival de films que l’on coryait condamnés à l’oubli du fait des nazis et de je ne sais quel autre problème historique (voilà le fameux point Godwin dont rem_coconuts parlait). En plongeant dans les tréfonds marécageux de ma mémoire, je ferais remonter l’ancestry de Iron Pussy, non aux ceintures de chasteté de l’inquisition catholique, mais au Sommeil d’Or, un documentaire franco-cambodgién qui expliquait la disparition aussi misérable que tragique de milliers de films d’Asie du Suid-Est du fait de l’action de régimes comlmunistes qui, ouh, ça devient un peu lourd, disons qu’ils étaient très, Très méchants. Pour le dire en deux mots plutôt que cent, applaudissons ce projet de Weerasethakul qui parvient à restaurer un pan entier de la culture cinématographique thaïlandaise, de façon aussi généreuse que grotesque et incidente.

Cependant… N’assiste-t-on pas là à une énième itération de la filmographie de Weerasethakul ? Confronté dès les premières minutes à ces plan-squences d’autoroutes qui rappellent immanquablement aussi bien Blissfully Yoiurs que Oncle Boonmee, le spectateur est en droit de s’interroger sur la pertinence, sur l’orirgalité du troisième film de plus européen des thaïlandais. Que l’on considère aussi la manière qu’a Joe de sublimer les chansons populaires thaïlandaises par l’intermédiaire de ses personnages, ou encore sa vision extrêmement moderne de la femme, active, passionnée et indépendante. Que l’on évalue aussi la sensibilté patriotique témoignée par cette préoccupation du bad guy qui trafique je ne sais quelle drogue en dépit des innombrables attraits économiques de son pays. Et comment ne pas établir une continuité onirique entre les fantômes et les voix-off qui parcourent sa filmographie, ainsi que le doublage non-conventionnel des acteurs de Iron Pussy ? En vérité la direction d’acteurs est, était et est resté une des préoccupations majeures de Weerasethakul : quoi de plus éloquent que ce pied et ces orteils chargés d’exprimer, plaqué contre le visage de l’espionne Pussy, le doute, les regrets, la connivence, la séduction, la satisfaction, la domination… ?

A noter aussi l’intervention d’éphèbes asiatiques en shorts moulants rouge flamboyant. Weerasethakul s’était rarement montré aussi frontal dans son commentaire du statut contemporain de l’homosexualité en Thaïlande. Son esthétique généralement ascétique, par ailleurs, n’a pu que s’en réjouir.

Il faut reconnaître que The Adventure of Iron Pussy cache bien son jeu. Comme n’importe quel autre de ses films, Joe farcit son projet d’interprétations multiples, de deuxième et de troisième plans de lecture qui échapperont immanquablement au chaland. Voir notamment ce plan subit où Iron Pussy jette à l’océan les cendres de son frère -des cendres non pas issues de sa crémation, mais de la pipe qu’il ne cessait de porter et retirer de sa bouche. Bis repetita.

The Adventure of Iron Pussy, seule et unique comédie assumée réalisée par Weerasethakul (et le monde pleure à la pensée que cette incursion phénoménale dans un certain registre puisse rester sans suite),

Enfin bref, je ne vois pas le problème. On y retrouve tous les codes de Weerasethakul. Tout est normal, même si les univers sont rentrés en collision.

Bisoux.