Stephen's Sausage Roll

un jeu de Increpare Games (2016)

Sausage Roll devrait combler les extrémistes du puzzle game, genre ceux qui n'ont pas peur de relever un défi plus exigeant que The Witness. Non que je chercher à comparer l'ensemble des deux jeux ; celui d'Increpare est moins chaleureux, et surtout moins riche de sens et d'émerveillement, mais enfin quand il s'agit de composer des puzzles minimalistes qui sortent des sentiers battus, et dont la résolution est parfois aussi inconcevable que finalement gratifiante, le gars n'a pas à rougir devant Jonathan Blow.

Les premières minutes feront sans doute fuir les simples curieux, car les mécanismes sont au départ très déterministes, millimétrés, froids. Les solutions s'obtiennent très rarement au hasard, et la seule récompense concrète, le seul feedback délivré à la complétion de chaque casse-tête, c'est le droit de pouvoir aller plus loin dans le jeu. Par ailleurs, la direction artistique n'est pas austère, en tout cas pas autant que le précédent jeu du studio, English Country Tune, mais elle participe au ton mielleux, un peu condescendant, sûrement cruel, que l'artiste adopte envers le joueur. La musique procédurale en fond sonore est aussi boiteuse que les blocs bancals qui composent ce monde tout de guingois. On sent une volonté de désarçonner de la façon la plus passive-agressive qui soit.

De ce fait, Sausage Roll pousse le joueur à reconnaître (si ça n'était pas encore le cas) l'entêtement et le masochisme, ne serait-ce que partiels, inhérents à tant de jeux. (En dehors de Kentucky Route Zero, je n'ai en fait pas de contre-exemple à ça, je ne connais pas de jeu qui ne m'ait pas à un moment ou un autre fait penser que j'avais mieux à faire, que ça n'en valait pas le coup.) Cela dit, une fois cette leçon intégrée, les puzzles, sans sacrifier à leur complexité, semblent plus libres, plus ouverts. La musique se fait moins lancinante. La progression moins arbitraire, mais motivée par un fin fil narratif. Les vapeurs de l'apprentissage se dissipent, et Increpare esquisse un sourire : voilà qu'il nous prend au sérieux. Et son estime, quoique modeste, est une valeur vivante à tirer de l'expérience.

Qui aime bien châtie bien, comme dirait l'autre... Mais qui tient le fouet, après tout ? Increpare, ou bien le joueur lui-même ?