Je voulais m'assurer avec leur première Palme que j'avais bien compris ce que faisaient les Dardenne. Sans surprise ni animosité, je me suis donc ennuyé devant Rosetta. Ou plus exactement, j'ai froidement examiné la mise en scène des deux frères au début du film, et je classais ma musique vers la fin. On ne peut pas les prendre en défaut sur la cohérence de leur démarche naturaliste, ni sur leur attention portée à une multitude de détails. C'est que, en dépit de parallèles documentaires, Rosetta est avant tout une fiction. Le style est anti-romanesque, gris, boueux, mi-rageux mi-désespéré, mais clairement pas neutre ni négligé ; preuve que la caméra à l'épaule est un choix artistique qui ne doit pas être confondu avec une excuse pour négliger la spatialisation des personnages et des décors. M'enfin, au-delà de ça, la misère de Rosetta, si profonde et travaillée soit-elle, ne m'a pas intéressé et encore moins touché. L'histoire, poussée aux extrêmes du tragique, sacrifie son universalité ; compatir avec le personnage dans ma condition privilégiée s'apparenterait à de la condescendance indécente. Le film aurait encouragé les législateurs belges à sécuriser les emplois des jeunes, ce qui est une bonne chose, mais la "pensée pour les pauvres" que tout cela m'inspire vaguement, elle ne servira à personne...
Je voulais m'assurer avec leur première Palme que j'avais bien compris ce que faisaient les Dardenne. Sans surprise ni animosité, je me suis donc ennuyé devant Rosetta. Ou plus exactement, j'ai froidement examiné la mise en scène des deux frères au début du film, et je classais ma musique vers la fin. On ne peut pas les prendre en défaut sur la cohérence de leur démarche naturaliste, ni sur leur attention portée à une multitude de détails. C'est que, en dépit de parallèles documentaires, Rosetta est avant tout une fiction. Le style est anti-romanesque, gris, boueux, mi-rageux mi-désespéré, mais clairement pas neutre ni négligé ; preuve que la caméra à l'épaule est un choix artistique qui ne doit pas être confondu avec une excuse pour négliger la spatialisation des personnages et des décors. M'enfin, au-delà de ça, la misère de Rosetta, si profonde et travaillée soit-elle, ne m'a pas intéressé et encore moins touché. L'histoire, poussée aux extrêmes du tragique, sacrifie son universalité ; compatir avec le personnage dans ma condition privilégiée s'apparenterait à de la condescendance indécente. Le film aurait encouragé les législateurs belges à sécuriser les emplois des jeunes, ce qui est une bonne chose, mais la "pensée pour les pauvres" que tout cela m'inspire vaguement, elle ne servira à personne...