Rois et reine

un film de Arnaud Desplechin (2004)

Mon amour inconditionnel pour Mathieu Amalric n'est égalé que par mon incompatibilité avec les histoires d'Arnaud Desplechin. J'arrive vraiment pas à m'intéresser à ses personnages et à leurs péripéties intimes. Non que celles-ci ne tiennent pas debout... Quoique les dialogues ne soient pas toujours convaincants. Emmanuelle Devos particulièrement, son délivré bourgeois, son articulation coincée, c'est pas possible. Elle n'a pas le monopole de l'artifice, parce que Desplechin met des mots boiteux ou terriblement démonstratifs dans toutes les bouches, mais vu la place qu'elle occupe à l'écran, c'est particulièrement gênant.

Niveau mise en scène c'est pas fou non plus. Rien de remarquable côté photographie. Il y a ce sens du montage piqueté d'ellipses que j'avais déjà vu dans les Trois souvenirs, et qui me laisse encore sceptique. La caméra reste presque toujours à la même distance des acteurs, et les décors se succèdent mollement (en même temps vu que l'accent est mis sur les personnages, je comprends la démarche). L'accompagnement musical est aussi très plat, sans aspérités, sauf les deux-trois fois où Amalric lance du hip-hop.

En fait, cette histoire de hip-hop, ces jurons insérés malaisément dans les dialogues, cet avion manqué transformé en improbable scène d'action, etc., sont d'un point de vue symbolique assez intéressants. Rois & Reine ressemble au manifeste hésitant du rejet d'une éducation qu'on imagine trop sage, parisienne et complexée. Je ne sais pas si le fait de mettre en scène tout ça signifie forcément qu'il en a conscience, mais la psychanalyse il connaît bien mieux que moi, alors qui sait ?

Dans tous les cas, les inspirations autobiographiques de Rois & Reine sont certaines, et après les deux derniers films de Desplechin je ne suis pas surpris de le voir revisiter le passé et la famille, avec un œil tourné vers l'avenir tout de même. Mais ça reste définitivement son introspection, ses épreuves, et à aucun moment les miennes. Je n'y ai pas ma place, et je ne vois rien qui mérite que je m'y immisce.