Review est passée sous bien des radars. Pourtant, peu de créations comiques lancées en 2014 rivalisent avec son inventivité. P'tit Quinquin mise à part, cette série est possiblement celle qui a fourni le plus d'efforts pour se constituer un univers frais et cohérent dans son absurdité.
Créateur, coproducteur, coscénariste et acteur principal, le crédit de cette réussite revient d'abord à l'américain Andy Daly. Son personnage de Forrest MacNeil, critique de toute et n'importe quelle expérience de vie (faire une sex tape, manger quinze pancakes, avoir un meilleur ami, partir dans l'espace, etc.), est interprété avec une conviction et une profondeur admirables. Review désigne aussi le show fictif que Forrest anime à l'intérieur de la série, et c'est par l'intermédiaire de cette télé-réalité détournée qu'il souhaite offrir à ses spectateurs et au monde entier l'occasion de découvrir la vie sans se brûler personnellement les doigts. Cette ambition démesurée et gentiment grotesque est accomplie avec une sincérité et une humilité désarmantes. Le professionalisme hors-pair dont il fait preuve, même si ce dernier le pousse à des actions plus que discutables (pauvre Suzanne), suscite rapidement une empathie irrésistible. Sans doute le mérite du concept doit-il être attribué aux australiens derrière la série d'origine, Review with Myles Barlow. Mais il est difficile d'imaginer meilleur homme aux rênes qu'Andy Daly. Un peu comme Louis C.K., espérons qu'il gagne en reconnaissance, car il le mérite largement.
Les critiques de Forrest le mènent comme attendu dans tout un tas de situations rocambolesques, d'autant plus que, pour garantir l'authenticité des expériences, les individus impliqués ne sont en général pas au courant des motivations derrière ses comportements erratiques. Forcément, ces épreuves ont un impact sur sa vie personnelle, et chamboulent notamment ses relations familiales. La série montre assez vite qu'elle sait tirer parti de sa continuité, autant au niveau des gags qui peuvent se faire écho d'une critique à l'autre, que de la construction des personnages, paradoxalement cohérente là où beaucoup se seraient contentés d'une stricte indépendance entre les segments de cinq à dix minutes. De façon plutôt positive, les critiques finissent par devenir des prétextes pour explorer la personnalité de Forrest, décidément facile à prendre en affection pendant qu'Andy Daly parade à l'écran. Il n'y a pas toujours de quoi rire aux éclats, le malaise pointant parfois le bout de son nez (ce qui n'est pas sans rappeler Louie), mais, progressivement, Forrest émerge auprès du public comme un héros ordinaire, le public devient son confident, et cette dynamique est aussi précieuse que savoureuse.
Je n'oserai pas avancer que Review a été conçue avec ça en tête, mais il y a des réflexions plutôt sympathiques à mener autour de la mission de Forrest. Est-ce que parfois on ne se lance pas dans des projets insensés juste parce que ça semble inexplicablement quelque chose à faire ? Certaines de ces expériences exceptionnelles ne s'avèrent-elles pas régulièrement déterminantes pour la suite de notre quotidien ? Peut-on justifier des virages radicaux aussi déchirants que certains divorces ? Existe-t-il une valeur propre aux choses alors que nous sommes chacun des pelotes de passé et de subjectivité ? Quarante-deux ? La série chatouille toutes ces idées sans jamais l'admettre en face, et c'est une addition bienvenue au reste.
Avec Nathan for You, autre vrai-faux documentaire, Review appuie la capacité de Comedy Central à innover au sein d'une industrie américaine du rire où trop de séries se ressemblent. Il n'y a pas encore de quoi faire rougir les anglais, experts du sujet en mon humble avis, mais Andy Daly prouve avec passion qu'il est un nom à suivre, et on souhaite qu'il n'ait pas encore abattu toutes ses cartes.
I give Review... six stars.
Review est passée sous bien des radars. Pourtant, peu de créations comiques lancées en 2014 rivalisent avec son inventivité. P'tit Quinquin mise à part, cette série est possiblement celle qui a fourni le plus d'efforts pour se constituer un univers frais et cohérent dans son absurdité.
Créateur, coproducteur, coscénariste et acteur principal, le crédit de cette réussite revient d'abord à l'américain Andy Daly. Son personnage de Forrest MacNeil, critique de toute et n'importe quelle expérience de vie (faire une sex tape, manger quinze pancakes, avoir un meilleur ami, partir dans l'espace, etc.), est interprété avec une conviction et une profondeur admirables. Review désigne aussi le show fictif que Forrest anime à l'intérieur de la série, et c'est par l'intermédiaire de cette télé-réalité détournée qu'il souhaite offrir à ses spectateurs et au monde entier l'occasion de découvrir la vie sans se brûler personnellement les doigts. Cette ambition démesurée et gentiment grotesque est accomplie avec une sincérité et une humilité désarmantes. Le professionalisme hors-pair dont il fait preuve, même si ce dernier le pousse à des actions plus que discutables (pauvre Suzanne), suscite rapidement une empathie irrésistible. Sans doute le mérite du concept doit-il être attribué aux australiens derrière la série d'origine, Review with Myles Barlow. Mais il est difficile d'imaginer meilleur homme aux rênes qu'Andy Daly. Un peu comme Louis C.K., espérons qu'il gagne en reconnaissance, car il le mérite largement.
Les critiques de Forrest le mènent comme attendu dans tout un tas de situations rocambolesques, d'autant plus que, pour garantir l'authenticité des expériences, les individus impliqués ne sont en général pas au courant des motivations derrière ses comportements erratiques. Forcément, ces épreuves ont un impact sur sa vie personnelle, et chamboulent notamment ses relations familiales. La série montre assez vite qu'elle sait tirer parti de sa continuité, autant au niveau des gags qui peuvent se faire écho d'une critique à l'autre, que de la construction des personnages, paradoxalement cohérente là où beaucoup se seraient contentés d'une stricte indépendance entre les segments de cinq à dix minutes. De façon plutôt positive, les critiques finissent par devenir des prétextes pour explorer la personnalité de Forrest, décidément facile à prendre en affection pendant qu'Andy Daly parade à l'écran. Il n'y a pas toujours de quoi rire aux éclats, le malaise pointant parfois le bout de son nez (ce qui n'est pas sans rappeler Louie), mais, progressivement, Forrest émerge auprès du public comme un héros ordinaire, le public devient son confident, et cette dynamique est aussi précieuse que savoureuse.
Je n'oserai pas avancer que Review a été conçue avec ça en tête, mais il y a des réflexions plutôt sympathiques à mener autour de la mission de Forrest. Est-ce que parfois on ne se lance pas dans des projets insensés juste parce que ça semble inexplicablement quelque chose à faire ? Certaines de ces expériences exceptionnelles ne s'avèrent-elles pas régulièrement déterminantes pour la suite de notre quotidien ? Peut-on justifier des virages radicaux aussi déchirants que certains divorces ? Existe-t-il une valeur propre aux choses alors que nous sommes chacun des pelotes de passé et de subjectivité ? Quarante-deux ? La série chatouille toutes ces idées sans jamais l'admettre en face, et c'est une addition bienvenue au reste.
Avec Nathan for You, autre vrai-faux documentaire, Review appuie la capacité de Comedy Central à innover au sein d'une industrie américaine du rire où trop de séries se ressemblent. Il n'y a pas encore de quoi faire rougir les anglais, experts du sujet en mon humble avis, mais Andy Daly prouve avec passion qu'il est un nom à suivre, et on souhaite qu'il n'ait pas encore abattu toutes ses cartes.