Une bouffée de pensées visionnaires, perdues dans un océan d'analogies arbitraires.
Qu'elles découlent d'une réelle perspicacité, ou de chance statistique, certaines thèses unificatrices permettent d'appréhender le monde contemporain sous des angles intéressants. Il y a tout d'abord le fameux 'the medium is the message' : l'idée que le contenu d'une communication porte moins à conséquence que le mode de communication emprunté. Par exemple, le fait de regarder la télé a un impact comportemental plus décisif que n'importe quel programme particulier serait susceptible d'engendrer.
J'aurais aussi tendance à adhérer à l'idée que l'écriture est à l'origine de notre perception uniforme et continue de l'espace, tout comme les horloges seraient à l'origine de notre perception uniforme et continue du temps, avec les dérives d'automatisation et de performance que l'on connaît. Et je rejoins les passages qui dénoncent l'effet narcotique des nouvelles technologies : l'homme moderne, fasciné par son gain apparent de puissance, s'est toujours précipité à les adopter, en négligeant de s'interroger sur leurs effets cachés.
Mais ces pépites de pensée (à ne surtout pas embellir de dogmatisme) constituent, à la louche, un dixième du contenu de Understanding Media. Le reste est farci de connexions sans but et de révélations fallacieuses, motivées par des théories poudre aux yeux comme celle de médias plus ou moins « chauds » ou « froids »...
L'origine de cette arnaque intellectuelle tient dans la défense par McLuhan d'un raisonnement « mosaïque », qui le dédouanerait de suivre des cheminements logiques platoniciens. De fait, le livre n'a pas de problématique, les chapitres se succèdent sans progression, et même deux paragraphes consécutifs sont rarement articulés... s'il ne s'agit pas déjà de crises d'aphorismes sans cohérence interne ! Les références à d'autres auteurs surgissent et disparaissent en cascade, comme s'il fallait rapidement effacer les traces d'une écriture en roue libre, et noyer le poisson avec des informations inédites.
Les adeptes diront que je résiste à cette vision parce que ma pensée archaïque n'ose pas appréhender le nouvel ordre électrique. Cette irréfutabilité du système McLuhan est caractéristique des pseudosciences dénoncées par Karl Popper.
Quand bien même l'essai aurait développé des raisonnements sains, il souffrirait toujours d'être une relecture historique surchargée et sans prise sur l'avenir. Consciemment ou non, McLuhan ne se mouille que rarement, avec un taux d'erreur qui reflète bien sa rigueur. Pourtant, sa posture ne s'arrête pas à celle du sociologue observant. Elle embrasse avec un optimisme passif et satisfait le chaos d'un progrès aveugle, ce qui est autrement plus dangereux et répandu que l'activité de prédicateur illuminé.
Une bouffée de pensées visionnaires, perdues dans un océan d'analogies arbitraires.
Qu'elles découlent d'une réelle perspicacité, ou de chance statistique, certaines thèses unificatrices permettent d'appréhender le monde contemporain sous des angles intéressants. Il y a tout d'abord le fameux '
' : l'idée que le contenu d'une communication porte moins à conséquence que le mode de communication emprunté. Par exemple, le fait de regarder la télé a un impact comportemental plus décisif que n'importe quel programme particulier serait susceptible d'engendrer.J'aurais aussi tendance à adhérer à l'idée que l'écriture est à l'origine de notre perception uniforme et continue de l'espace, tout comme les horloges seraient à l'origine de notre perception uniforme et continue du temps, avec les dérives d'automatisation et de performance que l'on connaît. Et je rejoins les passages qui dénoncent l'effet narcotique des nouvelles technologies : l'homme moderne, fasciné par son gain apparent de puissance, s'est toujours précipité à les adopter, en négligeant de s'interroger sur leurs effets cachés.
Mais ces pépites de pensée (à ne surtout pas embellir de dogmatisme) constituent, à la louche, un dixième du contenu de Understanding Media. Le reste est farci de connexions sans but et de révélations fallacieuses, motivées par des théories poudre aux yeux comme celle de médias plus ou moins « chauds » ou « froids »...
L'origine de cette arnaque intellectuelle tient dans la défense par McLuhan d'un raisonnement « mosaïque », qui le dédouanerait de suivre des cheminements logiques platoniciens. De fait, le livre n'a pas de problématique, les chapitres se succèdent sans progression, et même deux paragraphes consécutifs sont rarement articulés... s'il ne s'agit pas déjà de crises d'aphorismes sans cohérence interne ! Les références à d'autres auteurs surgissent et disparaissent en cascade, comme s'il fallait rapidement effacer les traces d'une écriture en roue libre, et noyer le poisson avec des informations inédites.
Les adeptes diront que je résiste à cette vision parce que ma pensée archaïque n'ose pas appréhender le nouvel ordre électrique. Cette irréfutabilité du système McLuhan est caractéristique des pseudosciences dénoncées par Karl Popper.
Quand bien même l'essai aurait développé des raisonnements sains, il souffrirait toujours d'être une relecture historique surchargée et sans prise sur l'avenir. Consciemment ou non, McLuhan ne se mouille que rarement, avec un taux d'erreur qui reflète bien sa rigueur. Pourtant, sa posture ne s'arrête pas à celle du sociologue observant. Elle embrasse avec un optimisme passif et satisfait le chaos d'un progrès aveugle, ce qui est autrement plus dangereux et répandu que l'activité de prédicateur illuminé.