Pour proposer une référence partagée, je dirais que Malgré la nuit m'évoque une version ciné de Unknown Pleasures. Je suis ni fan ni spécialiste de Joy Division, mais je reconnais au groupe la force de pouvoir plonger ses auditeurs dans un monde noir et torturé, aussi passionné que condamné, aussi glauque que romantique. Le quatrième film de Grandrieux, une heure plus long que ses prédécesseurs, ne bénéficiait pas de mes meilleurs a priori. Mais après les chocs que pouvaient constituer Sombre ou Un lac, il semble rétrospectivement judicieux de s'être essayé à un travail plus lent, pas moins violent, mais qui compte encore plus sur l'immersion du spectateur. En tout cas pour moi ça a payé.
Il ne s'agit pas non plus d'allonger la pellicule en répétant des schémas déjà parcourus. Grandrieux a en effet largement revu sa copie depuis Un lac. J'étais passé très à côté de cette fable abstraite, pur objet cinématographique coincé avec une poignée d'acteurs au fin fond d'une forêt neigeuse. Mais dans Malgré la nuit, l'élargissement de la galerie habituelle et labyrinthique de personnages, de lieux, de relations, se double d'un recentrage vers le réel. La variété des décors permet d'ancrer fortement le récit dans la vie quotidienne, avec certains plans à la limite de l'ironie (la pyramide du Louvre, Notre-Dame et la tour Eiffel en une seule séquence, quel blagueur ce Philippe), ce qui aide amplement à s'investir dans les expérimentations sombres du film.
En bref Grandrieux sait qu'il fait du romantisme noir et fantasmé, mais se charge aussi de défendre que ces passions esthétisées ont des sources aussi concrètes que communes (voir aussi les différents portraits des passagers du métro, avant d'arriver sur l'héroïne Hélène cadrée à l'identique). Il raccroche les wagons tout en nous faisant de plus en plus perdre pied, savant jeu d'équilibriste qui contribuait également, quoique dans une moindre mesure, à la réussite de Sombre.
Pour le reste, comme Sombre il s'agit d'un cinéma qui se vit plus qu'il ne s'analyse ; une oeuvre qui tente de faire résonner des pulsions si enfouies que, en temps normal, si la bienséance ne nous empêchait pas d'en parler avec sérieux, le ridicule se chargerait de les vider de leur essence. Mais Grandrieux et son avatar Lenz y mettent tout leur sérieux, tout leur être, et le résultat est aussi déstabilisant qu'envoûtant. Instincts, pornographie, conscience de la mort, masochisme, drogue, jalousie, snuff movies... la vie relue par Grandrieux n'est pas aguichante, pourtant ce ballet de valeurs viciées dessine un monde alternatif, complété, dans lequel je me suis naturellement laissé porter le temps d'une séance. L'espoir qui miroitait sans cesse à l'horizon, même s'il était fait de promesses fallacieuses, n'y était sans doute pas pour rien.
Pour proposer une référence partagée, je dirais que Malgré la nuit m'évoque une version ciné de Unknown Pleasures. Je suis ni fan ni spécialiste de Joy Division, mais je reconnais au groupe la force de pouvoir plonger ses auditeurs dans un monde noir et torturé, aussi passionné que condamné, aussi glauque que romantique. Le quatrième film de Grandrieux, une heure plus long que ses prédécesseurs, ne bénéficiait pas de mes meilleurs a priori. Mais après les chocs que pouvaient constituer Sombre ou Un lac, il semble rétrospectivement judicieux de s'être essayé à un travail plus lent, pas moins violent, mais qui compte encore plus sur l'immersion du spectateur. En tout cas pour moi ça a payé.
Il ne s'agit pas non plus d'allonger la pellicule en répétant des schémas déjà parcourus. Grandrieux a en effet largement revu sa copie depuis Un lac. J'étais passé très à côté de cette fable abstraite, pur objet cinématographique coincé avec une poignée d'acteurs au fin fond d'une forêt neigeuse. Mais dans Malgré la nuit, l'élargissement de la galerie habituelle et labyrinthique de personnages, de lieux, de relations, se double d'un recentrage vers le réel. La variété des décors permet d'ancrer fortement le récit dans la vie quotidienne, avec certains plans à la limite de l'ironie (la pyramide du Louvre, Notre-Dame et la tour Eiffel en une seule séquence, quel blagueur ce Philippe), ce qui aide amplement à s'investir dans les expérimentations sombres du film.
En bref Grandrieux sait qu'il fait du romantisme noir et fantasmé, mais se charge aussi de défendre que ces passions esthétisées ont des sources aussi concrètes que communes (voir aussi les différents portraits des passagers du métro, avant d'arriver sur l'héroïne Hélène cadrée à l'identique). Il raccroche les wagons tout en nous faisant de plus en plus perdre pied, savant jeu d'équilibriste qui contribuait également, quoique dans une moindre mesure, à la réussite de Sombre.
Pour le reste, comme Sombre il s'agit d'un cinéma qui se vit plus qu'il ne s'analyse ; une oeuvre qui tente de faire résonner des pulsions si enfouies que, en temps normal, si la bienséance ne nous empêchait pas d'en parler avec sérieux, le ridicule se chargerait de les vider de leur essence. Mais Grandrieux et son avatar Lenz y mettent tout leur sérieux, tout leur être, et le résultat est aussi déstabilisant qu'envoûtant. Instincts, pornographie, conscience de la mort, masochisme, drogue, jalousie, snuff movies... la vie relue par Grandrieux n'est pas aguichante, pourtant ce ballet de valeurs viciées dessine un monde alternatif, complété, dans lequel je me suis naturellement laissé porter le temps d'une séance. L'espoir qui miroitait sans cesse à l'horizon, même s'il était fait de promesses fallacieuses, n'y était sans doute pas pour rien.