Love & Friendship

un film de Whit Stillman (2016)

vu le 31 mai 2016 au Majestic Bastille

Desperate Ladyships

Sans animosité aucune ; juste une indifférence certaine. Whit Stillman, esprit libre américain, a profité de la forme épistolaire d'une nouvelle de jeunesse de Jane Austen pour injecter dans un genre cent fois visité, au fil d'un travail d'adaptation notable, un second degré assez constant dans les dialogues et les interprétations, quelque chose de plus régulier que les rares répliques savoureuses de Downton Abbey et de nettement plus franc que Dangerous Liaisons, dont je ne sais toujours pas si l'humour était intentionnel ou non, mais il s'agit d'un autre débat.

Les drames costumés ne m'ayant jamais trop séduit, et cette période peut-être encore moins que les autres, j'ai tenté assez rapidement de me rabattre sur l'humour, qui marche avec modestie mais finit par lasser, faute de fraîcheur, de renouveau, n'en déplaise aux tendres singeries d'un des acteurs entièrement dévoué à son rôle d'idiot du village. C'est tout à l'honneur du réalisateur d'avoir tenu le cap de la dramédie et, au fond, de toujours prendre au sérieux ses personnages et leurs interactions ; cette volonté inaltérable était aussi manifeste dans l'enthousiasme de la productrice qui a répondu aux questions en fin de séance. Le projet est bien ficelé et l'exécution répond avec brio aux ambitions de départ, mais je suis vraiment incapable de trouver ce registre pertinent ou divertissant.

Il ne s'agit pas simplement d'une de ces fameuses « questions de goût », l'excuse consacrée pour marquer son désaccord sans froisser aucun ego, dans le sens où je pourrais partir en croisade argumentée contre toute cette culture populaire dérivée de Austen, Brontë et consorts, défendre que cette célébration des intrigues d'entremetteuse est, aujourd'hui du moins, assez inepte, que les caricatures mises en jeu suggèrent un commentaire social aussi discret qu'insignifiant, que les personnages sont prisonniers de rôles qui ne les voient jamais grandir et privent l'intrigue des concepts essentiels d'apprentissage et de mystère, mais bref, ça ne convaincra sans doute pas les aficionados du genre, et je ne suis clairement pas ici pour chercher à dégoûter les gens d'œuvres que je n'ai simplement, humblement, pas envie de toucher. Moi en ce moment je lis Proust, et j'en voudrais à personne de me reprocher mes phrases interminables.

Tomber sur des films dont le marketing nous aurait fait comprendre qu'on aurait gagné à rester en chaussettes chez soi, c'est aussi ça le jeu des Cinexpériences. Merci quand même à l'équipe, et je souhaite au film de trouver son public. Un cadeau d'adieu, tournez-le comme vous voulez : après tout, j'ai mis la même note à Barry Lyndon. :)