Je ne sais pas bien par quel bout l'attaquer, ce Love Exposure. Et c'est sans doute ce qui fait la plus grande partie de son charme : naviguer quatre heures durant en mers inconnues, où les vagues de romance teenage succèdent sans complexe à d'autres registres disparates, depuis le burlesque pervers jusqu'à la critique théologique. Sion Sono excelle aussi à construire les tempêtes, telles la formidable progression introductive qui aboutit à la castagne miracle, ou encore la séquence plus isolée mais pas moins intense qui vient conclure l'arc de la secte.
Loin des éloges passionnés que j'ai pu lire, je dois cependant objecter que j'ai suivi la seconde moitié de façon assez passive ; plutôt enthousiaste, mais aussi un peu sceptique. Le mystère de la secte, si longtemps retenu, retombe sur une histoire de lavage de cerveau assez arbitraire dans son exécution (la famille se retrouve comme téléportée dans le centre, alors que Sono se montrait narrativement très exhaustif jusqu'ici), et somme toute pas très originale. Le problème s'épaissit avec Aya Koike, représentante de la secte et personnage psychopathe dont les motivations sont trop mouvantes et imprécises pour que, sur la durée, son personnage ne finisse pas par lasser. Rétrospectivement, sa backstory illustre sa folie et sa violence générales, mais ne justifie guère son comportement erratique.
Quand les briques de l'action s'empilent maladroitement, ça m'incite à prendre du recul et chercher à considérer le fond de l'histoire, et là, bof. Je ne suis pas certain d'en retenir grand-chose. La première demi-heure mise à part, pendant laquelle Sono trace la genèse de son anti-héros qui apprend à aimer le péché, je constate que l'oppression religieuse est un sujet toujours aussi pauvre. Tout a été parcouru et la réponse reste aussi simple qu'évidente (à savoir que ça pourrit la vie et qu'on est toujours mieux sans, vous voyez que je vous apprends rien). Sur le thème de la perversité, c'est amusant un moment mais je doute que Sono ait d'autre optique que de défendre son droit d'aimer les petites culottes des filles ; d'une part c'est un poil douteux, et d'autre part c'est une fascination que je n'ai jamais partagée. J'avais un troisième axe de réflexion en tête mais impossible de le retrouver... je pense que le fait que j'aie à lutter pour m'en souvenir en dit déjà assez long.
En somme, le mieux, c'est quand Sono balance des idées mais ne nous laisse pas le temps de s'appesantir sur son refus de les structurer, par exemple pour ce qui tourne autour du lesbianisme, du travestissement, des familles recomposées... Des thèmes qui l'intéressent, mais je ne suis pas sûr qu'il ait d'autre mérite que de les mettre sur le tapis, vu qu'il préfère passer à autre chose plutôt que prendre la peine de les épaissir. C'est en partie louable, mais ça reste limité. Et le fait de se revendiquer comme un artiste rebelle qui se moque des conventions et ne se sent pas animé d'une envie de débattre, sur une telle durée, revient à parier très fort sur l'excitation du spectateur. C'est l'occasion de donner libre cours à sa fantaisie, de filmer du cool, et par exemple de laisser savourer les airs androgynes de Takahiro Nishijima, mais ça manque de permanence à mon goût.
À ce jour, je n'ai vu que deux autres films du réalisateur, mais ils suffisent déjà à établir une comparaison succincte. Love Exposure, c'est l'énergie débridée de Why Don't You Play in Hell?, distribuée à un tas d'idées dissidentes qui trouvent la même source que les ruptures familiales de Himizu. Je sais Sion Sono capable de mener une réflexion, mais ce qu'il accomplit ici relève plus d'un flot ininterrompu de sujets d'intérêt mal canalisés. Il est généralement plaisant de suivre un cinéaste qui concrétise ses obsessions avec passion, mais encore faut-il, si celui-ci ne s'attache pas à nous convaincre de sa pertinence, partager dès le départ ses propres préoccupations.
Prêcher pour sa paroisse
Je ne sais pas bien par quel bout l'attaquer, ce Love Exposure. Et c'est sans doute ce qui fait la plus grande partie de son charme : naviguer quatre heures durant en mers inconnues, où les vagues de romance teenage succèdent sans complexe à d'autres registres disparates, depuis le burlesque pervers jusqu'à la critique théologique. Sion Sono excelle aussi à construire les tempêtes, telles la formidable progression introductive qui aboutit à la castagne miracle, ou encore la séquence plus isolée mais pas moins intense qui vient conclure l'arc de la secte.
Loin des éloges passionnés que j'ai pu lire, je dois cependant objecter que j'ai suivi la seconde moitié de façon assez passive ; plutôt enthousiaste, mais aussi un peu sceptique. Le mystère de la secte, si longtemps retenu, retombe sur une histoire de lavage de cerveau assez arbitraire dans son exécution (la famille se retrouve comme téléportée dans le centre, alors que Sono se montrait narrativement très exhaustif jusqu'ici), et somme toute pas très originale. Le problème s'épaissit avec Aya Koike, représentante de la secte et personnage psychopathe dont les motivations sont trop mouvantes et imprécises pour que, sur la durée, son personnage ne finisse pas par lasser. Rétrospectivement, sa backstory illustre sa folie et sa violence générales, mais ne justifie guère son comportement erratique.
Quand les briques de l'action s'empilent maladroitement, ça m'incite à prendre du recul et chercher à considérer le fond de l'histoire, et là, bof. Je ne suis pas certain d'en retenir grand-chose. La première demi-heure mise à part, pendant laquelle Sono trace la genèse de son anti-héros qui apprend à aimer le péché, je constate que l'oppression religieuse est un sujet toujours aussi pauvre. Tout a été parcouru et la réponse reste aussi simple qu'évidente (à savoir que ça pourrit la vie et qu'on est toujours mieux sans, vous voyez que je vous apprends rien). Sur le thème de la perversité, c'est amusant un moment mais je doute que Sono ait d'autre optique que de défendre son droit d'aimer les petites culottes des filles ; d'une part c'est un poil douteux, et d'autre part c'est une fascination que je n'ai jamais partagée. J'avais un troisième axe de réflexion en tête mais impossible de le retrouver... je pense que le fait que j'aie à lutter pour m'en souvenir en dit déjà assez long.
En somme, le mieux, c'est quand Sono balance des idées mais ne nous laisse pas le temps de s'appesantir sur son refus de les structurer, par exemple pour ce qui tourne autour du lesbianisme, du travestissement, des familles recomposées... Des thèmes qui l'intéressent, mais je ne suis pas sûr qu'il ait d'autre mérite que de les mettre sur le tapis, vu qu'il préfère passer à autre chose plutôt que prendre la peine de les épaissir. C'est en partie louable, mais ça reste limité. Et le fait de se revendiquer comme un artiste rebelle qui se moque des conventions et ne se sent pas animé d'une envie de débattre, sur une telle durée, revient à parier très fort sur l'excitation du spectateur. C'est l'occasion de donner libre cours à sa fantaisie, de filmer du cool, et par exemple de laisser savourer les airs androgynes de Takahiro Nishijima, mais ça manque de permanence à mon goût.
À ce jour, je n'ai vu que deux autres films du réalisateur, mais ils suffisent déjà à établir une comparaison succincte. Love Exposure, c'est l'énergie débridée de Why Don't You Play in Hell?, distribuée à un tas d'idées dissidentes qui trouvent la même source que les ruptures familiales de Himizu. Je sais Sion Sono capable de mener une réflexion, mais ce qu'il accomplit ici relève plus d'un flot ininterrompu de sujets d'intérêt mal canalisés. Il est généralement plaisant de suivre un cinéaste qui concrétise ses obsessions avec passion, mais encore faut-il, si celui-ci ne s'attache pas à nous convaincre de sa pertinence, partager dès le départ ses propres préoccupations.