Les gens du Monde

un film de Yves Jeuland (2014)

vu le 13 septembre 2014 au Reflet Médicis

Une caméra montre, mais ne sait pas débattre...

A l'instar de la discussion sur la neutralité du journal qui y figure, Les gens du Monde rapporte des témoignages morcelés du milieu du journalisme, esquisse vaguement quelques jugements, et s'enfuit devant toute ombre de réflexion.

Le portrait express de Thomas Wieder illustre très bien le problème du documentaire d'Yves Jeuland. Wieder, la trentaine, court d'un dossier à l'autre et tweete intensément. Wieder, c'est le bonhomme qui avait pris un selfie dans le Bureau ovale de la Maison Blanche, avec Hollande et Obama dans le fond. Wieder, c'est aussi quelqu'un qui préfère jongler avec les contacts de son téléphone portable plutôt que de regarder la route sur laquelle il conduit, et le film a presque l'air de l'excuser parce qu'il est convaincu (Wieder, mais peut-être aussi le film) que nous faire parvenir l'actualité à la minute près est une mission absolument primordiale. Mais le commentaire ne dépassera pas ces quelques fragments. En ce qui me concerne, je trouve cette position intenable et symptomatique d'un journalisme frénétique et racoleur, mais le but de cet article n'est pas de développer la critique éclairée du métier à laquelle s'est refusé le réalisateur.

Pourtant les thèmes ne manquaient pas ! Transition vers une distribution numérique, non-renouvellement des lecteurs, prise de position politique, gestion des sources anonymes du public, pression gouvernementale, manque de diversité dans les profils des journalistes... Chacun de ces sujets est évoqué au détour d'une scène, mais faute d'être l'objet de plus de deux minutes ou de trois phrases du film, aucun ne génère l'épaisseur du débat pourtant passionnant qu'il sous-tend. Et le fait qu'il y ait beaucoup à raconter ne peut pas excuser le manque d'exploration des implications qui fait pourtant loi ici. Bref, Les gens du Monde réussit à filmer les coulisses d'un journal, ce qui est précieux, mais échoue grossièrement à mettre en question ou justifier ses principes de fonctionnement, ce qui est au mieux paresseux et au pire malhonnête.