Sentiments partagés par rapport à cette nouvelle adaptation d'une saga à laquelle je dois beaucoup. Malgré des efforts remarquables pour enrichir le tome 1 dans ses deux premiers épisodes, Netflix rejoint de plus en plus le ton du film de 2004 pour les tomes 2 et 3, jusqu'à un sixième épisode cabotin, sans émotion ni intensité, qui m'a franchement agacé. Heureusement la saison se termine de façon plus équilibrée avec le tome 4, révisé ici et là pour solidifier l'intrigue.
L'ambiance m'a donc un peu déçu, car elle manque à nouveau de la noirceur et de la mélancolie qui font la saveur inimitable des livres. À leur place, la série a préféré privilégier l'humour caustique de Snicket, même si ce trait de plume n'a jamais été que secondaire à l'univers ASoUE. Accentué, il mute ici en un comique grinçant mais plutôt inoffensif, qui prête à sourire tout en s'oubliant aussi vite qu'il est consommé. Le symptôme le plus agaçant étant sans doute ce fan service grossier autour de la pourtant passionnante seconde saga, All the Wrong Questions. En dépit de ce choix, j'ai apprécié les arrangements narratifs qui cassent l'aspect répétitif, formulaic des quatre premiers tomes. Handler et les scénaristes ont éliminé les éléments les plus aberrants des péripéties, et resserrent les filets qui s'abattent sur les orphelins Baudelaire.
Le sens du mystère, qui émanait de la vaste mythologie de la saga, s'est estompé pour son passage à l'écran. On est parfois pas loin du bête name-dropping : voir notamment la mention du sucrier, spectaculairement gratuite et inutile. Il est toutefois plaisant de sentir l'univers se construire dès les premières minutes, et pas seulement à partir du tome 5. Pour rappel, Handler s'était réfréné d'introduire VFD plus tôt car son contrat initial confirmait seulement quatre tomes sur les treize qu'il avait en tête. Mais ce retardement n'a plus lieu d'être ici. Et puis la série parvient même à reprendre les longue-vues qui étaient apparues dans le film sans raison nette, et à leur donner une explication séduisante.
Sur les interprétations, je reste indécis. Les personnages de Strauss, Fernald, et puis Jacquelyn (dont l'identité par rapport aux livres reste en suspens) possèdent, dans les deux premiers épisodes, des dimensions supplémentaires appréciables, et les acteurs y font justice. Mais les apparitions et leur qualité s'épuisent au fil de la saison. On pourrait en dire de même du Comte Olaf de Neil Patrick Harris. Le jeu du trio d'acteurs principal est correct, occasionnellement émouvant, mais loin d'être irréprochable, certaines répliques étant délivrées de façon bien trop mécanique. Ils ne tombent par contre jamais aussi bas que l'interprète de Josephine, braillarde et carnavalesque jusqu'à la lassitude et l'énervement. Le dernier double épisode relève heureusement le niveau, avec Rhys Derby (toujours excellent depuis Flight of the Conchords) dans le rôle de Charles, et Catherine O'Hara pour jouer la vénéneuse Georgina Orwell.
Enfin la direction artistique est pour le moins hasardeuse. Les décors extérieurs abusent d'images de synthèse et de textures plastiques, et avec les prises de vue étudiées et retenues, ça fait un peu Wes Anderson du pauvre. Les intérieurs, par contre, regorgent de détails savoureux assemblés avec un bel artisanat : les producteurs n'ont pas seulement compris le poids des bibliothèques dans les aventures des Baudelaire ; ils ont identifié la force du sentiment apaisant de chez-soi que recherchent éperdument les enfants. La musique va de pair avec l'écriture, un peu fête foraine et éreintante à mon goût, mais certainement cohérente avec la ligne scénaristique. Enfin je regrette que l'adaptation ait brisé l'intemporalité du récit, avec des références explicites à Uber ou encore au mariage homo. Comme s'il n'y avait déjà pas assez de clins d'œil mythologiques, il en fallait aussi des comiques ; écrits sans aucune subtilité, ils ne parviennent qu'à rompre le charme finement steampunk d'origine.
Je n'ai pas retrouvé la passion que j'ai eue à lire les livres, mais je ne saurais pas dire si c'est par manque de talent de la part de l'équipe Netflix, ou bien parce que j'étais jeune quand j'ai découvert la saga. Après tout, je lis des commentaires de la part d'amateurs un peu plus jeunes que moi, qui ont justement été marqués par un film qui m'était déjà passé au-dessus à l'époque. Alors qui sait si, parmi le nouveau public, de jeunes volontaires ne trouveront pas à leur tour une vocation ? Je garderai toujours une préférence pour l'univers intérieur que je m'étais construit, et même pour les illustrations baroques de Brett Helquist, mais on partagerait encore la même cause noble et juste. Et tant qu'il s'agit d'une bonne cause, les pistes suivies et les moyens employés ne comptent pas. Non ?
The world is noisy here
Sentiments partagés par rapport à cette nouvelle adaptation d'une saga à laquelle je dois beaucoup. Malgré des efforts remarquables pour enrichir le tome 1 dans ses deux premiers épisodes, Netflix rejoint de plus en plus le ton du film de 2004 pour les tomes 2 et 3, jusqu'à un sixième épisode cabotin, sans émotion ni intensité, qui m'a franchement agacé. Heureusement la saison se termine de façon plus équilibrée avec le tome 4, révisé ici et là pour solidifier l'intrigue.
L'ambiance m'a donc un peu déçu, car elle manque à nouveau de la noirceur et de la mélancolie qui font la saveur inimitable des livres. À leur place, la série a préféré privilégier l'humour caustique de Snicket, même si ce trait de plume n'a jamais été que secondaire à l'univers ASoUE. Accentué, il mute ici en un comique grinçant mais plutôt inoffensif, qui prête à sourire tout en s'oubliant aussi vite qu'il est consommé. Le symptôme le plus agaçant étant sans doute ce fan service grossier autour de la pourtant passionnante seconde saga, All the Wrong Questions. En dépit de ce choix, j'ai apprécié les arrangements narratifs qui cassent l'aspect répétitif, formulaic des quatre premiers tomes. Handler et les scénaristes ont éliminé les éléments les plus aberrants des péripéties, et resserrent les filets qui s'abattent sur les orphelins Baudelaire.
Le sens du mystère, qui émanait de la vaste mythologie de la saga, s'est estompé pour son passage à l'écran. On est parfois pas loin du bête name-dropping : voir notamment la mention du sucrier, spectaculairement gratuite et inutile. Il est toutefois plaisant de sentir l'univers se construire dès les premières minutes, et pas seulement à partir du tome 5. Pour rappel, Handler s'était réfréné d'introduire VFD plus tôt car son contrat initial confirmait seulement quatre tomes sur les treize qu'il avait en tête. Mais ce retardement n'a plus lieu d'être ici. Et puis la série parvient même à reprendre les longue-vues qui étaient apparues dans le film sans raison nette, et à leur donner une explication séduisante.
Sur les interprétations, je reste indécis. Les personnages de Strauss, Fernald, et puis Jacquelyn (dont l'identité par rapport aux livres reste en suspens) possèdent, dans les deux premiers épisodes, des dimensions supplémentaires appréciables, et les acteurs y font justice. Mais les apparitions et leur qualité s'épuisent au fil de la saison. On pourrait en dire de même du Comte Olaf de Neil Patrick Harris. Le jeu du trio d'acteurs principal est correct, occasionnellement émouvant, mais loin d'être irréprochable, certaines répliques étant délivrées de façon bien trop mécanique. Ils ne tombent par contre jamais aussi bas que l'interprète de Josephine, braillarde et carnavalesque jusqu'à la lassitude et l'énervement. Le dernier double épisode relève heureusement le niveau, avec Rhys Derby (toujours excellent depuis Flight of the Conchords) dans le rôle de Charles, et Catherine O'Hara pour jouer la vénéneuse Georgina Orwell.
Enfin la direction artistique est pour le moins hasardeuse. Les décors extérieurs abusent d'images de synthèse et de textures plastiques, et avec les prises de vue étudiées et retenues, ça fait un peu Wes Anderson du pauvre. Les intérieurs, par contre, regorgent de détails savoureux assemblés avec un bel artisanat : les producteurs n'ont pas seulement compris le poids des bibliothèques dans les aventures des Baudelaire ; ils ont identifié la force du sentiment apaisant de chez-soi que recherchent éperdument les enfants. La musique va de pair avec l'écriture, un peu fête foraine et éreintante à mon goût, mais certainement cohérente avec la ligne scénaristique. Enfin je regrette que l'adaptation ait brisé l'intemporalité du récit, avec des références explicites à Uber ou encore au mariage homo. Comme s'il n'y avait déjà pas assez de clins d'œil mythologiques, il en fallait aussi des comiques ; écrits sans aucune subtilité, ils ne parviennent qu'à rompre le charme finement steampunk d'origine.
Je n'ai pas retrouvé la passion que j'ai eue à lire les livres, mais je ne saurais pas dire si c'est par manque de talent de la part de l'équipe Netflix, ou bien parce que j'étais jeune quand j'ai découvert la saga. Après tout, je lis des commentaires de la part d'amateurs un peu plus jeunes que moi, qui ont justement été marqués par un film qui m'était déjà passé au-dessus à l'époque. Alors qui sait si, parmi le nouveau public, de jeunes volontaires ne trouveront pas à leur tour une vocation ? Je garderai toujours une préférence pour l'univers intérieur que je m'étais construit, et même pour les illustrations baroques de Brett Helquist, mais on partagerait encore la même cause noble et juste. Et tant qu'il s'agit d'une bonne cause, les pistes suivies et les moyens employés ne comptent pas. Non ?