Je dois dire que je ne suis pas bien d'accord avec la plupart des avis que j'ai lus sur ce documentaire. Trop de regards posés sur ces sourds-aveugles, quoique bien intentionnés, me semblent toujours apitoyés. Or Herzog ne fait preuve d'aucune pitié envers ces individus, les filme de la façon la plus neutre qui soit. (Il manipule toujours un peu en coulisses, mais son absence complète de second degré de lecture est inédite.) Et ce n'est pas une marque de cruauté, mais au contraire un témoin de l'estime naturelle à leur accorder. De ce fait, contrairement à Avenir handicapé, où malgré les intentions du metteur en scène, je sentais encore en moi la commisération poindre, j'étais complètement extérieure à ce sentiment devant Le pays du silence et de l'obscurité.
L'affaire semble finalement claire, même si la prise de conscience est difficile : la handicap n'est pas un problème éternel, mais une difficulté surmontable. Les obstacles d'intégration et la solitude éprouvée par les sourds-aveugles ne sont pas inhérents à leur condition. Les épreuves qu'ils subissent au quotidien découlent majoritairement de notre méconnaissance de leur condition, qui crée un fossé artificiel entre "eux" et "nous". On se croit empathique, mais on établit une distance insidieuse entre deux camps qui n'ont jamais été séparés.
On m'avait annoncé que le documentaire serait éprouvant. Je l'ai au contraire trouvé rassérénant. Sans pointer personne du doigt (à comparer avec le discours négatif de Avenir handicapé), Herzog matérialise cette frontière de perception et de préjugés, mais l'abat tout aussitôt en montrant sans cérémonie les capacités de communication de Fini Straubinger, et plus encore : ses efforts bienveillants pour aller vers les autres, rompre la monotonie, établir le dialogue.
Est-il insultant de voir en ce documentaire, non plus l'outil pédagogique que représente Avenir handicapé, mais un miroir de ma propre condition ? Herzog n'est-il pas en train de dire que, à notre échelle (guère distante), nous vivons aussi dans un pays de silence et d'obscurité ? Que notre approche sensorielle du réel n'est qu'une perception parcellaire, et que notre imagination la complémente de manière décisive ? Que notre langage n'est pas plus apte à représenter nos mouvements intérieurs que l'alphabet digital ou le braille ? Que nous sommes une infinité de consciences incomplètes ou en devenir, faute de communication et d'apprentissage à la mesure de nos potentiels ?
Derrière la pitié se cache, coupable ou non, un sentiment de confort et de supériorité bien déplacé.
Au royaume des aveugles...
Je dois dire que je ne suis pas bien d'accord avec la plupart des avis que j'ai lus sur ce documentaire. Trop de regards posés sur ces sourds-aveugles, quoique bien intentionnés, me semblent toujours apitoyés. Or Herzog ne fait preuve d'aucune pitié envers ces individus, les filme de la façon la plus neutre qui soit. (Il manipule toujours un peu en coulisses, mais son absence complète de second degré de lecture est inédite.) Et ce n'est pas une marque de cruauté, mais au contraire un témoin de l'estime naturelle à leur accorder. De ce fait, contrairement à Avenir handicapé, où malgré les intentions du metteur en scène, je sentais encore en moi la commisération poindre, j'étais complètement extérieure à ce sentiment devant Le pays du silence et de l'obscurité.
L'affaire semble finalement claire, même si la prise de conscience est difficile : la handicap n'est pas un problème éternel, mais une difficulté surmontable. Les obstacles d'intégration et la solitude éprouvée par les sourds-aveugles ne sont pas inhérents à leur condition. Les épreuves qu'ils subissent au quotidien découlent majoritairement de notre méconnaissance de leur condition, qui crée un fossé artificiel entre "eux" et "nous". On se croit empathique, mais on établit une distance insidieuse entre deux camps qui n'ont jamais été séparés.
On m'avait annoncé que le documentaire serait éprouvant. Je l'ai au contraire trouvé rassérénant. Sans pointer personne du doigt (à comparer avec le discours négatif de Avenir handicapé), Herzog matérialise cette frontière de perception et de préjugés, mais l'abat tout aussitôt en montrant sans cérémonie les capacités de communication de Fini Straubinger, et plus encore : ses efforts bienveillants pour aller vers les autres, rompre la monotonie, établir le dialogue.
Est-il insultant de voir en ce documentaire, non plus l'outil pédagogique que représente Avenir handicapé, mais un miroir de ma propre condition ? Herzog n'est-il pas en train de dire que, à notre échelle (guère distante), nous vivons aussi dans un pays de silence et d'obscurité ? Que notre approche sensorielle du réel n'est qu'une perception parcellaire, et que notre imagination la complémente de manière décisive ? Que notre langage n'est pas plus apte à représenter nos mouvements intérieurs que l'alphabet digital ou le braille ? Que nous sommes une infinité de consciences incomplètes ou en devenir, faute de communication et d'apprentissage à la mesure de nos potentiels ?
Derrière la pitié se cache, coupable ou non, un sentiment de confort et de supériorité bien déplacé.