Loser littéraire, amants en perdition, épines du quotidien, clopes et bières : dès le segment d'ouverture de son tout premier film, Hong Sang-soo exposait toute la matrice de son cinéma. Arrive la traditionnelle bouffe entre anciens potes de fac dans un bar, et il n'y a pas besoin de l'avoir déjà vue jouée dans Sunhi, dix-sept ans et quatorze films plus tard, pour savoir que ça va inévitablement déraper. Après quelques verres, Hyo-sup, le personnage principal que l'on avait à l'origine malencontreusement oublié d'inviter, ne tarde effectivement pas à se montrer pénible et égocentrique. Le problème, c'est qu'il s'avère aussi minable dans son travail d'écrivain que pour le reste de son caractère : alors que les héros actuels de HSS savent faire preuve de retenue et d'introspection, Hyo-sup refuse d'admettre qu'il n'est pas bienvenu, tente vainement de pirater les conversations de ses voisins, insulte abondamment une serveuse maladroite, et finit par menacer tout le monde avec un tesson de bouteille. Certes, le plan initial qui voyait Hyo-sup se servir dans le potager de sa voisine montrait déjà que c'était un profiteur invétéré, mais cette escalade dans la violence, tabou parmi les tabous pour le HSS que l'on connaît, signe avant même un tiers du film la rédemption impossible du protagoniste.
Un refus qui, si l'on en doutait, est rapidement confirmé par HSS : face à l'impasse narrative de ce personnage gratuitement condamné, le récit opère un virage choral et part notamment s'intéresser à une caissière de cinéma qu'il rend malheureuse, à une seconde amante qu'il désire, et au mari de la précédente qu'il cocufie. Leurs histoires, si elles restent inscrites dans une même réalité essentiellement sobre et dénuée de romantisme, n'en restent pas moins entachées d'harcèlement sexuel, de prostitution et de violence, culminant avec le meurtre (tabou parmi les tabous parmi les tabous). Cette négativité intrusive menace de faire dérailler le rythme chaotique, non du triangle ni du carré, mais du pentagone amoureux que le scénario essaye de vendre. La confusion est complète lorsque le photographe décide pour certaines scènes d'abandonner la lumière blanche au profit de couleurs esthétisées qui, alliées aux intrigues éparpillées, rappellent très étrangement les Wong Kar-wai de la même période. Globalement, le film succombe à la surenchère d'habitude réservée aux thrillers sud-coréens, ce qui court-circuite les ambitions humanistes du réalisateur trahies par la subtilité de nombreux cadres, gestes et répliques.
En cherchant à dessiner le mal partout, anodin ou dramatique, tourments intérieurs ou bassesses sociales, Le jour où le cochon est tombé dans le puits se conclut comme une mauvaise farce nihiliste, longue et inutile. L'échec du premier film de HSS a toutefois le mérite de mettre particulièrement en évidence l'inventivité et la maîtrise des personnages que cachent la modestie et l'espièglerie de ses plus récentes pépites, In Another Country, Haewon et les hommes ou encore Hill of Freedom.
Pigs (Foud Different Ones)
Loser littéraire, amants en perdition, épines du quotidien, clopes et bières : dès le segment d'ouverture de son tout premier film, Hong Sang-soo exposait toute la matrice de son cinéma. Arrive la traditionnelle bouffe entre anciens potes de fac dans un bar, et il n'y a pas besoin de l'avoir déjà vue jouée dans Sunhi, dix-sept ans et quatorze films plus tard, pour savoir que ça va inévitablement déraper. Après quelques verres, Hyo-sup, le personnage principal que l'on avait à l'origine malencontreusement oublié d'inviter, ne tarde effectivement pas à se montrer pénible et égocentrique. Le problème, c'est qu'il s'avère aussi minable dans son travail d'écrivain que pour le reste de son caractère : alors que les héros actuels de HSS savent faire preuve de retenue et d'introspection, Hyo-sup refuse d'admettre qu'il n'est pas bienvenu, tente vainement de pirater les conversations de ses voisins, insulte abondamment une serveuse maladroite, et finit par menacer tout le monde avec un tesson de bouteille. Certes, le plan initial qui voyait Hyo-sup se servir dans le potager de sa voisine montrait déjà que c'était un profiteur invétéré, mais cette escalade dans la violence, tabou parmi les tabous pour le HSS que l'on connaît, signe avant même un tiers du film la rédemption impossible du protagoniste.
Un refus qui, si l'on en doutait, est rapidement confirmé par HSS : face à l'impasse narrative de ce personnage gratuitement condamné, le récit opère un virage choral et part notamment s'intéresser à une caissière de cinéma qu'il rend malheureuse, à une seconde amante qu'il désire, et au mari de la précédente qu'il cocufie. Leurs histoires, si elles restent inscrites dans une même réalité essentiellement sobre et dénuée de romantisme, n'en restent pas moins entachées d'harcèlement sexuel, de prostitution et de violence, culminant avec le meurtre (tabou parmi les tabous parmi les tabous). Cette négativité intrusive menace de faire dérailler le rythme chaotique, non du triangle ni du carré, mais du pentagone amoureux que le scénario essaye de vendre. La confusion est complète lorsque le photographe décide pour certaines scènes d'abandonner la lumière blanche au profit de couleurs esthétisées qui, alliées aux intrigues éparpillées, rappellent très étrangement les Wong Kar-wai de la même période. Globalement, le film succombe à la surenchère d'habitude réservée aux thrillers sud-coréens, ce qui court-circuite les ambitions humanistes du réalisateur trahies par la subtilité de nombreux cadres, gestes et répliques.
En cherchant à dessiner le mal partout, anodin ou dramatique, tourments intérieurs ou bassesses sociales, Le jour où le cochon est tombé dans le puits se conclut comme une mauvaise farce nihiliste, longue et inutile. L'échec du premier film de HSS a toutefois le mérite de mettre particulièrement en évidence l'inventivité et la maîtrise des personnages que cachent la modestie et l'espièglerie de ses plus récentes pépites, In Another Country, Haewon et les hommes ou encore Hill of Freedom.