Ainsi rien ne ressemblait plus qu’une telle phrase de Vinteuil à ce plaisir particulier que j’avais quelquefois éprouvé dans ma vie, par exemple devant les clochers de Martainville, certains arbres d’une route de Balbec ou, plus simplement, au début de cet ouvrage, en buvant une certaine tasse de thé.
J'étais abasourdi à la fin de ce paragraphe. En ce qui me concerne c'est un peu la révélation du siècle. J'avais toujours soupçonné les liens entre mémoire involontaire et appréciation artistique, mais oser en faire presque une équivalence, un échange silencieux mais décisif, c'est spectaculaire.
J'ai un peu souffert à la lecture de La Prisonnière, plus encore que de l'incompréhension flagrante de ma première lecture de Du côté de chez Swann, parce que Proust aligne des torrents de pages sur l'amour à travers l'indifférence de la routine, et surtout, la torture de la jalousie. Bien trop pour assimiler l'impasse plutôt évidente que constitue cette dialectique. Et s'il faut considérer que comprendre quelque chose n'empêche pas de le vivre contre son gré, alors on est en droit de s'interroger sur l'intérêt du récit d'un amour, récit qui ne préviendrait aucunement les fautes et les affres de nos propres histoires.
Avant même la prise de conscience que j'attends de voir annoncée dans Le Temps retrouvé, le lecteur est bien en mesure de sentir que l'amour pour Albertine n'est qu'un frein dans l'accomplissement du narrateur. Et qu'il poursuit cette fameuse recherche dès lors que son attention n'est plus parasitée par la ritournelle des relations sociales. (Au crédit du monde extérieur : il fournit quand même la matière, le support qui alimente cette quête.)
Et donc les quelques pages consacrées à la musique de Vinteuil et à l'individualité artistique, si minoritaires soient-elles, sont époustouflantes. Je sais que je ne suis pas seul à ressentir les arts tel que je le fais, mais la difficulté à exprimer et à partager ces impressions et cette volonté font que j'ai eu l'expérience, avec Proust, d'être compris pour la première fois depuis ma découverte de Cioran. C'est à la fois un témoignage de mon développement et un indicateur pour ce qui m'attend.
Enfin bref, ça se confirme comme la lecture d'une vie.
Ainsi rien ne ressemblait plus qu’une telle phrase de Vinteuil à ce plaisir particulier que j’avais quelquefois éprouvé dans ma vie, par exemple devant les clochers de Martainville, certains arbres d’une route de Balbec ou, plus simplement, au début de cet ouvrage, en buvant une certaine tasse de thé.
J'étais abasourdi à la fin de ce paragraphe. En ce qui me concerne c'est un peu la révélation du siècle. J'avais toujours soupçonné les liens entre mémoire involontaire et appréciation artistique, mais oser en faire presque une équivalence, un échange silencieux mais décisif, c'est spectaculaire.
J'ai un peu souffert à la lecture de La Prisonnière, plus encore que de l'incompréhension flagrante de ma première lecture de Du côté de chez Swann, parce que Proust aligne des torrents de pages sur l'amour à travers l'indifférence de la routine, et surtout, la torture de la jalousie. Bien trop pour assimiler l'impasse plutôt évidente que constitue cette dialectique. Et s'il faut considérer que comprendre quelque chose n'empêche pas de le vivre contre son gré, alors on est en droit de s'interroger sur l'intérêt du récit d'un amour, récit qui ne préviendrait aucunement les fautes et les affres de nos propres histoires.
Avant même la prise de conscience que j'attends de voir annoncée dans Le Temps retrouvé, le lecteur est bien en mesure de sentir que l'amour pour Albertine n'est qu'un frein dans l'accomplissement du narrateur. Et qu'il poursuit cette fameuse recherche dès lors que son attention n'est plus parasitée par la ritournelle des relations sociales. (Au crédit du monde extérieur : il fournit quand même la matière, le support qui alimente cette quête.)
Et donc les quelques pages consacrées à la musique de Vinteuil et à l'individualité artistique, si minoritaires soient-elles, sont époustouflantes. Je sais que je ne suis pas seul à ressentir les arts tel que je le fais, mais la difficulté à exprimer et à partager ces impressions et cette volonté font que j'ai eu l'expérience, avec Proust, d'être compris pour la première fois depuis ma découverte de Cioran. C'est à la fois un témoignage de mon développement et un indicateur pour ce qui m'attend.
Enfin bref, ça se confirme comme la lecture d'une vie.