La Liberté

un film de Guillaume Massart (2019)

vu le 25 février 2019 au Luminor

Parti pour réaliser un documentaire topographique sur la « prison ouverte » de Casabianda en Corse, Guillaume Massart s'est retrouvé à déconstruire l'image monstrueuse des coupables d'inceste, telle qu'elle règne dans l'inconscient collectif. La rudesse de la photographie cache un montage complexe et sourdement sidérant, qui parvient à commenter dans un même temps la condition carcérale et le concept de culpabilité.

Les longs témoignages des détenus, tout juste relancés par une occasionnelle remarque curieuse ou sceptique, mettent en évidence la précarisation subite engendrée par la prison. Cette déchéance sociale se double généralement d'une peine d'oppression mentale relative à la surveillance constante. À Casabianda cependant, où les détenus à faible risque d'évasion peuvent être transférés en fin de peine, la promiscuité laisse place à l'angoisse du monde commun et du libre-arbitre. Les extérieurs décloisonnés et les journées routinières sont propices à une introspection douloureuse, mais parfois aussi thérapeutique —plus, en tout cas, que la maigre demi-heure mensuelle de suivi psychologique judiciaire.

Ainsi la caméra capture-t-elle quelques dénis inquiétants, mais surtout de nombreux remords. Elle génère un espace de parole d'autant plus ouvert que les détenus échangent très peu entre eux. Les langues se délient en quête d'un pardon intérieur, forcément amer ; les mots révèlent leur ambivalence essentielle quand, d'une discussion à l'autre, ils étouffent la culpabilité sous une mascarade verbeuse, ou bien rationalisent et combattent un mal-être intime. Poursuivie dans des circonstances aussi adverses et passionnelles, la rédemption dépasse la simple abstraction éthique.