Le premier indice se situe dans le titre du docu : pourquoi mentionner Steiner en tant que sculpteur sur bois, alors que les images et le commentaire abordent presque exclusivement son activité de saut/vol à ski ? Moi c'est à la conclusion que je saute, mais il faut voir que Herzog s'attache à dépeindre Steiner comme un authentique martyr. Divers éléments en ce sens : la dimension presque miraculeuse de ses performances exceptionnelles, ses réflexions sur la foi et le dépassement de sa propre condition, le danger mortel qu'il affronte presque contre sa propre volonté...
Les coulisses de cette bravoure, c'est la panique schizophrénique avec laquelle il envisage la perception publique et vorace de ses accomplissements. D'ailleurs Herzog prend un plaisir caché à l'amplifier, entre le montage qui insiste sur la foule en masse et les acclamations sonores, et puis sa propre présence incongrue devant la caméra, en tant que commentateur sportif qui fait monter le suspense de façon aussi artificielle qu'ironique, et pour un peu serait prêt à hurler pour que le sang coule. Steiner, poussé à bout, est à deux mots d'avouer que le fond de l'affaire, c'est prouver à un monde incrédule et idiot qu'il n'existe aucune limite indépassable !
Bref, le titre est un angle d'approche forcé mais malin, selon lequel Steiner serait un esthète qui posséderait le potentiel pour s'épanouir paisiblement dans son art domestique, mais que le monde (i.e. le public filmé, Herzog, les spectateurs du docu), et plus encore, sa nature humaine insatisfaite et mégalomane, auraient pris en otage pour qu'il accomplisse ces actes spectaculaires et déraisonnables. Steiner est, en quelque sorte, victime d'un potentiel illimité, auquel il se sent forcé d'obéir, mais dont il a aussi conscience qu'il n'en tirera jamais une satisfaction complète et définitive.
Il prend pourtant la chose avec le sourire, avec bien plus de dérision que les dangers qu'il encourt ne semblent l'y autoriser. La conquête de l'inutile permet pourtant de toucher à une extase éphémère, détachée du reste de l'expérience de la réalité, pendant ces vols solitaires, au ralenti, arrachés au temps. Steiner est le reflet proportionné de Herzog, là où Aguirre, explosif et inconscient, représentait deux ans plus tôt l'auto-portrait outré d'un ego profond mais déchaîné.
Il est difficile d'être un dieu du ski
Le premier indice se situe dans le titre du docu : pourquoi mentionner Steiner en tant que sculpteur sur bois, alors que les images et le commentaire abordent presque exclusivement son activité de saut/vol à ski ? Moi c'est à la conclusion que je saute, mais il faut voir que Herzog s'attache à dépeindre Steiner comme un authentique martyr. Divers éléments en ce sens : la dimension presque miraculeuse de ses performances exceptionnelles, ses réflexions sur la foi et le dépassement de sa propre condition, le danger mortel qu'il affronte presque contre sa propre volonté...
Les coulisses de cette bravoure, c'est la panique schizophrénique avec laquelle il envisage la perception publique et vorace de ses accomplissements. D'ailleurs Herzog prend un plaisir caché à l'amplifier, entre le montage qui insiste sur la foule en masse et les acclamations sonores, et puis sa propre présence incongrue devant la caméra, en tant que commentateur sportif qui fait monter le suspense de façon aussi artificielle qu'ironique, et pour un peu serait prêt à hurler pour que le sang coule. Steiner, poussé à bout, est à deux mots d'avouer que le fond de l'affaire, c'est prouver à un monde incrédule et idiot qu'il n'existe aucune limite indépassable !
Bref, le titre est un angle d'approche forcé mais malin, selon lequel Steiner serait un esthète qui posséderait le potentiel pour s'épanouir paisiblement dans son art domestique, mais que le monde (i.e. le public filmé, Herzog, les spectateurs du docu), et plus encore, sa nature humaine insatisfaite et mégalomane, auraient pris en otage pour qu'il accomplisse ces actes spectaculaires et déraisonnables. Steiner est, en quelque sorte, victime d'un potentiel illimité, auquel il se sent forcé d'obéir, mais dont il a aussi conscience qu'il n'en tirera jamais une satisfaction complète et définitive.
Il prend pourtant la chose avec le sourire, avec bien plus de dérision que les dangers qu'il encourt ne semblent l'y autoriser. La conquête de l'inutile permet pourtant de toucher à une extase éphémère, détachée du reste de l'expérience de la réalité, pendant ces vols solitaires, au ralenti, arrachés au temps. Steiner est le reflet proportionné de Herzog, là où Aguirre, explosif et inconscient, représentait deux ans plus tôt l'auto-portrait outré d'un ego profond mais déchaîné.