La dernière tentation du Christ

The Last Temptation of Christ

un film de Martin Scorsese (1988)

La barbe... Les deux premières heures sont une relecture interminable du Nouveau Testament, qui est de base assez cucul et soporifique à côte de l'Ancien. Scorsese twiste un peu les choses en plaçant des doutes dans la bouche (ou la tête, voix off à l'appui) de l'ami Djeesus, mais c'est assez inoffensif. D'un point de vue narratif, j'avais l'impression d'une hésitation constante entre un drame américain continu et un feuilleton épisodique plus proche des livres. Du coup j'ai pas compris si Scorsese voulait impressionner à coup de miracles ou bien discuter du pourquoi et du comment de la foi chrétienne. Ajoutez à ça un Willem Dafoe pas franchement subtil, à mes yeux peu convaincant, et je ne ressens même plus le besoin de m'excuser pour avoir passé une part significative de mon temps à envoyer des sms.

Le film trouve son utilité et sa controverse dans la dernière demi-heure, qui rentre enfin dans le vif du sujet : et si Jésus il avait pas clamsé sur la croix, mais qu'il avait préféré une vie en pantoufles avec Marie Madeleine et une poignée de moutards ? Passant outre l'ultime conclusion très pleutre ("hé les gars, en fait tout ça c'était qu'un rêve !"), la question est vraiment intéressante, plus particulièrement son corollaire formulé par Paul : quel est le poids de la résurrection de Jésus dans la foi chrétienne ? Est-ce que, sans elle, la pensée chrétienne garde son assurance ? Les principes chrétiens représentés par le Christ, avant même la condamnation romaine, ne sont-ils pas assez puissants/justes/légitimes pour fonder une religion, y adhérer ?

À en croire la controverse mondiale qui a accompagné la production et la distribution du film, et les intégristes qui ont fait péter une bombe dans l'Espace Saint-Michel en 88 (je sais plus si c'était le seul qui avait osé maintenir les projections à Paris malgré les menaces, mais pas loin), le monde est toujours peuplé d'imbéciles trop occupés à défendre une interprétation factuelle de la Bible pour vraiment faire attention à ce que l'ami Djeesus professait. Je parle, je parle, parce que les questions théologiques m'ont toujours intéressé (même si la foi chrétienne, c'est certain que je ne l'ai pas), mais Scorsese est loin d'explorer son sujet avec l'énergie et l'envie d'en découdre que je suis capable de déployer en ces quelques lignes pourtant pas particulièrement travaillées.

Ce film, c'est du coup une tentative de relecture des fondements chrétiens, mais tellement délayée dans l'Évangile qu'on connaît déjà, et au final si introductive et tempérée, que je reste terriblement sur ma faim. Cerise sur le gâteau, Scorsese à petit budget semble avoir un peu bossé sur les décors et les costumes, mais niveau cinématographie c'est le néant inventif. Paraît que l'important c'est d'essayer, mais je ne peux pas m'empêcher de voir un film insuffisant à tous les étages.