La balade sauvage

Comme d'habitude, je juge le fond et les motivations plus que la forme. Parce que techniquement il n'y a rien à dire, la voix off détachée de Sissy Spacek, les airs boudeurs de Martin Sheen, les étendues infinies des Great Plains, la distance maintenue entre les personnages et le public, tout est au service d'une vision ironiquement romanesque, résolument désenchantée. La violence surgit indifféremment, les personnages sont perdus dès le départ, ils se plaisent à désirer une liberté qu'ils savent inaccessible. Un remake acide de Bonnie & Clyde, d'ailleurs c'est sans surprise qu'on retrouve Arthur Penn au générique, section remerciements. Et puis même si le ton est un peu soporifique, il y a une originalité mystérieuse au film qui pourrait le rendre un brin excitant.

Seulement voilà, ça me barbe pour les mêmes raisons que Two-Lane Blacktop (sorti deux ans avant, déjà avec Warren Oates, désolé Terrence) : d'une part, je trouve cette perception du monde assez vaseuse, et d'autre part, je vois pas pourquoi je ferais des efforts pour m'intéresser alors que le réalisateur et ses persos refusent explicitement de clarifier leurs points de vue. Dans Badlands, il n'y a certes pas de mépris pour l'humanité, après tout Kit est charmeur et affable même quand les circonstances ne l'exigent pas. Mais le film, de par son indifférence, son apathie radicales, trahit un dégoût fondamental pour la société, les gens, l'amour, la vie, tout ce qui lui tombe sous la main. Malick ayant disparu des radars pendant une vingtaine d'années, il n'est pas surprenant de le voir donner chair à ces sentiments ; m'enfin puisque je dis ça de Lars von Trier, j'ai pas de raison de me priver de répéter que barboter comme ça dans sa propre fange est à peine susceptible de constituer une thérapie, alors il n'y a pas franchement besoin de m'inviter à y assister.