Inside No. 9

une série de Reece Shearsmith, Steve Pemberton (2014)

regardée entre 2014 et 2018,
et entre octobre et décembre 2023

Chair de poule

Héritières de la Quatrième Dimension et des Contes de la crypte, American Horror Story et Black Mirror ont enclenché en 2011 une discrète réhabilitation des séries d'anthologie horrifiques au sein des schémas de productions télévisées. Quelques mois passent et Steve Pemberton et Reece Shearsmith, les deux larrons acides qui connaissaient déjà bien la BBC après avoir planché sur les passablement barrés The League of Gentlemen et Psychoville, reviennent à l'écran avec six histoires, courtes, grinçantes, délicieuses.

Du point de vue de l'intrigue, les épisodes d'Inside No. 9 n'ont rien de plus en commun que de se dérouler derrière une porte marquée numéro 9. Ce liant a par contre un impact direct sur le style de l'histoire considérée : que l'action se déroule dans une maison de designer, dans un manoir gothique ou dans une loge d'artiste, l'unité de lieu sera toujours respectée. A partir de là, le duo anglais se permet de grandes variations dans le registre du huis-clos angoissant, laissant libre court à une inventivité et une finesse d'écriture savoureuses. L'épisode Sardins est un exercice d'étude de personnages, coincés ensemble dans une armoire. Vient ensuite A Quiet Night In, où un cambriolage foireux permet un hommage inattendu et hilarant au cinéma muet. Plus tard, The Understudy s'amuse à mettre en abyme les cinq actes de Macbeth avec un drame intime entre les acteurs d'une troupe qui interprète la pièce. Chaque demi-heure de la mini-série est un nouvel univers, ce qui n'est pas sans rappeler les décalages de ton, mais aussi la cohérence, qui peuvent s'observer à l'intérieur d'une saison de la compatriote Doctor Who.

Le cadre anthologique définit une partie des forces et l'essentiel des faiblesses d'Inside No. 9. Les apparitions de Pemberton et Shearsmith dans cinq épisodes sur six garantissent un minimum de rires ; le format épisodique permet par ailleurs de renouveler les figures en invitant d'autres acteurs (notamment l'excellente Katherine Parkinson, trop peu souvent vue depuis la fin de The IT Crowd). Certains épisodes se démarquent comme de petites pépites télévisuelles, mais il arrive aussi que les ficelles de l'exercice de style soient trop visibles : Tom & Gerri se perd un peu dans la contemplation autobiographique et met un accent excessif sur son twist final, et Last Gasp est un commentaire social un peu superficiel. De même, le jouissif pied de nez (ou "troll formel") qui conclut The Harrowing divise forcément les spectateurs. Évidemment, il n'y a pas de trame développée sur l'ensemble de la saison ; c'est juste un peu frustrant de se rappeler que Psychoville était particulièrement excitante à suivre du fait de ses mystères, et n'empêchait pas non plus le développement d'épisodes spéciaux tels que le mémorable hommage à Rope d'Hitchcock.

À peine Sardins était-il diffusé que la BBC renouvelait la série pour un deuxième lot d'épisodes. Difficile en effet de ne pas voir un discret génie dans ces nouvelles créations Pemberton/Shearsmith. Les audiences sont cependant loin d'être mirifiques, ce qui laisse craindre en 2015 une redite de l'annulation malheureuse de Psychoville. Envers comique de Black Mirror, Inside No. 9 mérite tout autant d'attention. Reste à faire passer le mot et espérer qu'elle trouve le public.