High-Rise

Les morceaux de musique se succèdent sans continuité et ne parviennent jamais à bâtir une ambiance. Les personnages s'alternent sans connexion entre leurs intrigues, et sans laisser le temps auxdites intrigues de se développer ; même pour Tom Hiddleston qui a le plus de temps à l'écran, impossible de comprendre certains de ses choix, impossible de suivre où il se trouve par rapport à tel ou tel pantin du scénario. Les effets de mise en scène sont tirés comme à la loterie, un ralenti par ici, une shaky cam par là, et puis pourquoi pas un brin d'érotisme avec un steak de chien en passant. Les notions sociologiques sont balancées à la louche mais n'atterrissent jamais (ou alors en bouillie complète, 40 étages plus bas). Tout, tout de suite : comment s'étonner que ça ne marche jamais ?

C'est très frustrant, un gâchis d'argent alors que A Field in England était complètement fauché (cela dit, High Rise a aussi droit à sa séquence psychédélique à deux balles), mais surtout un gâchis d'inventivité. Parce que Wheatley, c'est plus certain que jamais, ne manque pas d'idées et n'a pas peur d'essayer des choses qui risquent de ne pas plaire au grand public. Mais s'il se comporte en gros bébé gâté et qu'il étale sa bouillie dans tous les sens, s'il ne fait pas le moindre effort pour installer un thème, établir un sens, alors la transgression est creuse, artificielle, et n'a aucun mérite.

Tom Hiddleston surnage tant bien que mal (avec ou sans maillot), mais les rôles d'Elizabeth Moss, Reece Shearsmith ou encore Jeremy Irons sont animés par bien trop de pulsions contradictoires et/ou laissées inexpliquées pour permettre à leurs talents de contribuer au film. Les dialogues sont d'ailleurs un énième point faible de High-Rise : tant de répliques écrites comme si elles avaient trois niveaux de profondeur, mais toujours balancées nonchalamment, sorties de nulle part, et oubliées la seconde qui suit ! Désolé pour sa femme Amy Jump, mais ce qu'elle écrit est juste mauvais.

La persévérance, l'entêtement du film dans sa propre folie destructrice, qui passe par les décors ravagés et sinon par la mise en scène échevelée, finit par devenir son seul atout. Au bout de deux heures cela dit, la tasse de n'importe quoi a eu le temps de déborder. Plusieurs fois. Je continuerai de défendre Kill List, quoiqu'avec sans doute moins d'enthousiasme. Et je doute que Wheatley regagne jamais ma confiance.