Sur la spirale d'Iox, Aliya Elasra est une post-doc en archéologie chargée par sa mentor de retrouver un chercheur qui n'a pas rempli ses imputations depuis deux mois. Aliya ne se fait pas prier, elle s'ennuie dans les bureaux de l'université, son kif c'est plutôt le voyage interplanétaire. Et puis si elle peut découvrir des artefacts qui l'aideront à comprendre le passé-oublié-condamné-à-être-revécu de cette civilisation (qui passerait pour être totalement décrépite s'il n'y avait pas d'étranges robots amnésiques qui se baladaient dans les rues), ça pourrait quand même être chouette. To the Batmobile!
Je dirais que l'intérêt premier de Heaven's Vault, c'est la reconstitution autonome d'un lore très vaste. Les indices découverts d'une planète à l'autre incitent à échafauder des théories sur l'histoire de cette nébuleuse. Leur analyse passe souvent par la traduction de glyphes anciens, qui nourrissent petit à petit un glossaire linguistique et culturel précieux. La chronologie est riche, et particulièrement détaillée aux pivots entre les différentes époques ; ce feuilleton non-linéaire fait constamment écho aux péripéties dans le présent.
Bien que le jeu impose une prémisse franchement artificielle, selon laquelle Aliya ne connaît rien du monde avant de le parcourir sous notre contrôle (elle aurait donc vécu vingt ans aux frais de l'université en bluffant tout le monde sur son sujet de recherche, chapeau), il refuse de se plier au standard vidéoludique qui veut que la joueuse, ou le joueur, ait au bout du compte accès à toutes les informations possibles. Certaines découvertes ne s'emboîtent pas avec ce que l'on pensait savoir, et d'autres éléments restent perdus à jamais, derrière le virage non exploré d'une conversation. Et ce n'est que justice, car le monde n'est pas là pour s'incliner devant notre désir de savoir absolu, un des avatars de notre soif de contrôle.
D'ailleurs, l'interactivité émerge bien plus des choix de dialogue que des séquences de traduction. Contrairement à bon nombre de jeux à dominance narrative, Heaven's Vault n'insiste jamais sur l'idée que nos choix auront des conséquences™. Il n'en a ni l'envie infantilisante, ni même le temps. Les conversations avancent avec fluidité, grâce à un système innovant de micro-choix rapides. Les embranchements sont multiples, les gains et les risques incertains, mais il faut choisir, ou bien se taire (ce qui est encore un choix).
Il m'est arrivé qu'une réponse fuse trop vite, et j'avais insulté un personnage qui, à terme, aurait sans doute pu me porter compagnie. Ailleurs, j'avais découvert le dernier livre d'une bibliothèque ravagée, mais l'envie d'explorer plus loin a provoqué un effondrement qui m'a définitivement fait perdre accès à cette relique. Là encore, le jeu ne se plie pas à notre envie, conditionnée par des années d'industrie flatteuse et molle, de savoir ce qui aurait pu se passer autrement. Il ne répond pas aux « et si...? ». C'est à nous d'en faire l'expérience intérieure. De refuser l'illusion de l'omniscience, et de vivre le deuil de chaque instant.
Évidemment, la liberté qui nous est offerte reste partielle. Le studio veut nous amener quelque part, et il ne s'en cache pas : l'introduction est un flash-forward d'un des ultimes passages du jeu. Les choix sont multiples, mais par le caractère (mathématiquement) discret de leur écriture, ne peuvent pas atteindre l'infini du réel. Il n'existe pas encore de production culturelle capable de recevoir ou d'émuler le chaos continu de nos existences. (Ou bien, paraît-il, il en a existé une, en Fortnite.) Enfin, Heaven's Vault est un pas dans la bonne direction, et son intransigeance éthique excuse bien ses autres limites.
Sur la spirale d'Iox, Aliya Elasra est une post-doc en archéologie chargée par sa mentor de retrouver un chercheur qui n'a pas rempli ses imputations depuis deux mois. Aliya ne se fait pas prier, elle s'ennuie dans les bureaux de l'université, son kif c'est plutôt le voyage interplanétaire. Et puis si elle peut découvrir des artefacts qui l'aideront à comprendre le passé-oublié-condamné-à-être-revécu de cette civilisation (qui passerait pour être totalement décrépite s'il n'y avait pas d'étranges robots amnésiques qui se baladaient dans les rues), ça pourrait quand même être chouette. To the Batmobile!
Je dirais que l'intérêt premier de Heaven's Vault, c'est la reconstitution autonome d'un lore très vaste. Les indices découverts d'une planète à l'autre incitent à échafauder des théories sur l'histoire de cette nébuleuse. Leur analyse passe souvent par la traduction de glyphes anciens, qui nourrissent petit à petit un glossaire linguistique et culturel précieux. La chronologie est riche, et particulièrement détaillée aux pivots entre les différentes époques ; ce feuilleton non-linéaire fait constamment écho aux péripéties dans le présent.
Bien que le jeu impose une prémisse franchement artificielle, selon laquelle Aliya ne connaît rien du monde avant de le parcourir sous notre contrôle (elle aurait donc vécu vingt ans aux frais de l'université en bluffant tout le monde sur son sujet de recherche, chapeau), il refuse de se plier au standard vidéoludique qui veut que la joueuse, ou le joueur, ait au bout du compte accès à toutes les informations possibles. Certaines découvertes ne s'emboîtent pas avec ce que l'on pensait savoir, et d'autres éléments restent perdus à jamais, derrière le virage non exploré d'une conversation. Et ce n'est que justice, car le monde n'est pas là pour s'incliner devant notre désir de savoir absolu, un des avatars de notre soif de contrôle.
D'ailleurs, l'interactivité émerge bien plus des choix de dialogue que des séquences de traduction. Contrairement à bon nombre de jeux à dominance narrative, Heaven's Vault n'insiste jamais sur l'idée que nos choix auront des conséquences™. Il n'en a ni l'envie infantilisante, ni même le temps. Les conversations avancent avec fluidité, grâce à un système innovant de micro-choix rapides. Les embranchements sont multiples, les gains et les risques incertains, mais il faut choisir, ou bien se taire (ce qui est encore un choix).
Il m'est arrivé qu'une réponse fuse trop vite, et j'avais insulté un personnage qui, à terme, aurait sans doute pu me porter compagnie. Ailleurs, j'avais découvert le dernier livre d'une bibliothèque ravagée, mais l'envie d'explorer plus loin a provoqué un effondrement qui m'a définitivement fait perdre accès à cette relique. Là encore, le jeu ne se plie pas à notre envie, conditionnée par des années d'industrie flatteuse et molle, de savoir ce qui aurait pu se passer autrement. Il ne répond pas aux « et si...? ». C'est à nous d'en faire l'expérience intérieure. De refuser l'illusion de l'omniscience, et de vivre le deuil de chaque instant.
Évidemment, la liberté qui nous est offerte reste partielle. Le studio veut nous amener quelque part, et il ne s'en cache pas : l'introduction est un flash-forward d'un des ultimes passages du jeu. Les choix sont multiples, mais par le caractère (mathématiquement) discret de leur écriture, ne peuvent pas atteindre l'infini du réel. Il n'existe pas encore de production culturelle capable de recevoir ou d'émuler le chaos continu de nos existences. (Ou bien, paraît-il, il en a existé une, en Fortnite.) Enfin, Heaven's Vault est un pas dans la bonne direction, et son intransigeance éthique excuse bien ses autres limites.