Habemus Papam

un film de Nanni Moretti (2011)

vu le 2 décembre 2015
à la Filmothèque du Quartier Latin

Décembre.

Genre je me pointe au ciné, j'ai mal à la tête, je suis crevé, j'ai pas envie de me laisser faire par un arriviste d'italien que j'ai jamais rencontré auparavant. Et pourtant.

Habemus Papam est une comédie inquiète, mais son pessimisme n'a jamais rien à voir avec la satire. C'était pourtant une direction toute indiquée pour le film, qui se déroule en plein conclave, au coeur du Vatican. Mais Moretti n'est pas de cet avis, et n'aura d'ailleurs de cesse de prendre de court les attentes du public, avec une originalité et une confiance qui, sans être spectaculaires, n'en sont pas moins remarquables. Non, dans Habemus Papam, le Vatican s'arrête presque aux décors, il s'agit d'un cadre fictionnel et jamais d'une finalité, qui prodigue les costumes, les volumes, les personnages et les enjeux dramatiques nécessaires pour la mise en scène délicate de l'accès de dépression qui intéresse vraiment Moretti. Bien sûr, on parle de la foi, mais on parle tout autant d'une recherche de sens plus large (même chez les athéistes !), et puis de la famille, des attentes des proches, des carrières professionnelles, de l'autre, des carrefours de la vie, des espoirs déçus et des satisfactions inattendues. La mise en scène est marquée d'humilité, ce qui permet à la fois de dédier le film aux personnages (Michel Piccoli le premier, vulnérable et majestueux) et de mettre judicieusement l'accent sur des notes légèrement plus insistantes mais jamais écrasantes (un zoom doux par-ci, un projecteur qui s'allume par-là). Les touches d'humour, esquisses discrètes et bienfaisantes, ne cherchent jamais à faire rire aux éclats mais, dans la prolongation de la mise en scène, à aérer cette intrigue troublée sans trahir sa gravité. La conclusion, en points de suspension plutôt que d'interrogation, constitue un ultime pied de nez, célébration des possibilités de la fiction mêlé à un anti-romantisme perspicace et déterminé. Si ça fait office de manifeste pour Moretti, j'ai hâte de me balader dans le reste de sa filmo.