Game of Thrones

une série de D.B. Weiss, David Benioff (2011)

La sagesse de Hodor

Comme je n'ai pas l'impression d'avoir retrouvé mon avis ailleurs sur SC, je me permets de poster le torchon ci-dessous. J'espère que vous saurez excuser la paresse d'écriture dont il témoigne.

Partant d'une première saison de qualité uniforme quoique passable, mon appréciation de GoT s'est faite de plus en plus en dents de scie. Au pire, la série est hâbleuse, artificielle, thématiquement creuse ; au mieux, certaines scènes exceptionnelles servent très bien sa force feuilletonesque, et c'est ça qui permet de continuer. Plus que le sexe ou la violence qui font tant jaser, le succès de la chose tient à l'envie de savoir ce qui va arriver aux personnages.

Du coup il y a certains épisodes où on est accroché à l'écran, et d'autres où on voudrait implorer les scénaristes d'arrêter de se la jouer sérieux alors qu'ils racontent n'importe quoi. Et je ne parle pas des gouttières d'écriture, les bords auxquels on ne fait pas trop attention mais qui riment au grotesque. Récemment : Ramsay qui lâche les chiens aux fesses d'Asha alors qu'il pouvait la zigouiller, les messages par corbeaux qui s'échangent comme des coups de téléphone, les Sons of the Harpy qui ont l'air de juste vouloir tuer tout le monde, etc.

Nope, le problème est global, il concerne l'idéologie mi-stupide mi-répugnante de l'univers GoT. Un monde qui semble construit, à moitié sur un honneur rigoureux, entêté et irrationnel, et à moitié (aux deux tiers ?) sur la vengeance. Non que la série glorifie inconsidérément ces deux extrêmes, vu qu'elle est plutôt du genre à faire sentir quel que soit ton camp que ça va toujours merder, que tes erreurs vont te rattraper, que tu souffriras jusqu'à crever ; mais il n'y avait pas besoin de 50h de télévision pour exprimer que la vengeance n'apporte ni bonheur ni finalité, pas plus que les parcours christiques en défense de principes arbitraires (Ned, Stannis, Brienne et consorts). De ce fait, rapidement les discours et situations sont amenés à se répéter.

L'autre discussion qu'on pourrait essayer d'avoir sur GoT concerne la nature du pouvoir, qui l'exerce à quelle fin, qui s'en sort le mieux. Le problème étant que la série présente des avis assez contradictoires sur la question, et ne parvient jamais (n'ose jamais ?) formuler d'avis intelligible et marquant sur le sujet, tout se fond dans une cacophonie de dialogues affectés dispersés dans de multiples scènes secondaires. Ca tient aussi au fait qu'elle est incapable de terminer la storyline d'un perso sans le tuer en prenant le spectateur au dépourvu : difficile de développer un propos quand l'écriture est à ce point asservie au twist (et, dans une certaine mesure, au renouvellement de la frustration du spectateur).

Derniers points en vrac. La mise en scène est vraiment propre, mais limite trop : il y a une norme suivie depuis la première saison, qui empêche la série d'évoluer stylistiquement, ce qui m'ennuie assez. Je préfère une série avec des épisodes spéciaux foutraques plutôt que ce prestige statique. GoT n'est jamais meilleure que quand elle s'abandonne à ses excès, ses caricatures, qu'elle ne prétend plus faire autre chose qu'un univers de fantasy brutal mais stimulant. Je repense à Ramsay qui chasse une servante en introduction de l'épisode du purple wedding, dans une veine limite pulp (superbe travail du réalisateur Alex Graves), ou encore à la bataille Castle Black vs. wildlings. Ou bien à Hodor, peu sérieux, et dont le vocabulaire unitaire a le mérite de ne pas cacher la bêtise dont souffre l'essentiel des protagonistes.

Sinon, même si je trouve pas l'adaptation nécessaire, et ce malgré les costumes et les décors irréprochables, je trouve qu'ils s'en sortent globalement pas mal par rapport aux bouquins d'origine. Il y a une poignée d'omissions regrettables, mais dans l'ensemble les déviations prises dans les saisons 4 et 5 montrent le savoir-faire des scénaristes pour tailler dans le gras des derniers livres et assembler un feuilleton prenant. Quant aux acteurs, ils parviennent en général plutôt bien à donner corps aux persos très colorés. Je suis content de voir Tyrion et Varys à nouveau réunis, j'aime bien leur dynamique, sans doute parce que ni l'un ni l'autre ne sont animés par la vengeance ou l'honneur qui ravage comme la peste le reste de la galerie.

Du coup, rendez-vous pour la saison 6. La seule réussite incontestable de GoT jusqu'ici, c'est de réussir à sortir tous les ans avec la même qualité. D'ici à ce que GRRM annonce un huitième tome, peut-être que l'équipe de HBO trouvera moyen de distribuer des points finals au labyrinthe d'intrigues. On commence à parier sur le nombre de survivants ?

(Je suis tombé après écriture sur un article qui inscrit la self-seriousness de GoT dans un mouvement télévisuel plus large, c'est assez intéressant. De là à tracer un parallèle avec le succès au box-office depuis les années 2000 des crowdpleasers d'action qui se déguisent en tragédies appuyées (depuis Batman Begins jusqu'à Batman v Superman), il n'y a qu'un pas.)